Arrêt sur image

une-encre-noire

Arrêt sur image.


Une chambre, de 4.20 mètres sur 3.10 mètres. Des murs, vides, de 2.10 mètres de haut, recouvert d'un papier peint blanc semblable à celui du plafond. Un sol fait de longues planches en bois, dont les reliefs sont teintés d'un blanc poussiéreux. Un radiateur qui laisse apparaître des tuyaux cuivrés s'enfonçant dans le mur. Une unique fenêtre aux bordures de bois peintes en blanc. Pas de rideau, juste un volet bleu ciel que le vent était en train de claquer en le bousculant avec force. Sur cette fenêtre, un verrou en métal d'un gris similaire aux nuages immobiles. En face, une porte taillée dans un bois de chêne, ornée d'une poignée noire. Une clé seule dans la serrure fermée de la porte. Au-dessus de cette porte, une mouche qui vient de se faire piéger par une toile d'araignée. Une grande armoire frôlant le plafond dans un angle de la pièce. Au pied de l'armoire, des vêtements éparts. Une chemise déchirée sur une commode noire et renversée. Divers objets étalés aux alentours de cette commode, tel que des livres de romances, un échiquier en bois, des feuilles en batailles et une plume dont une goutte d'encre s'est échappée et se prépare à exploser au contact du parquet déjà taché. Un bureau jonchant le sol au centre de la pièce. À ses côtés, une tour d'ordinateur noire, et son écran allumé bien que fissuré. "9 crimes - Damien Rice" inscrit sur le moniteur. Deux hauts parleurs d'un gris métallique sur des débris de verre, dont les vibrations sont suspendues au vide. À quelques centimètres, un cadre photo auquel il ne reste qu'une brique de verre et la photo de deux adolescents qui s'embrassent. Contre un des murs nus, un matelas recouvert d'une housse noire et de draps gris. Sur ce lit, un garçon de 20 ans, à plat ventre. Son torse surélevé par ses avant-bras qui supportent ses 67 kilos. Un stylo entre les doigts de la main droite du jeune homme. À la pointe du stylo, le point final sur une feuille de papier couverte par des lettres, des mots, des phrases, des messages, des paroles, des sentiments, des idéaux, des rêves, des cauchemars, de l'espoir du concret et de l'abstrait, du fantasme et de la vie. À mi-chemin entre le papier et le visage du garçon, une larme s'apprêtant à mouiller le papier, d'un même éclat que l'encre noire sur le parquet, comme pour imposer à l'écrit la signature de la détresse du garçon.

...

La pièce est envahie par la musique.

Le volet claque.

La mouche se débat inlassablement.

"Poc!"

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