Arsinoé

eben

Sur la plage, les femmes du château vont toujours sécher leur linge.

Elles parcourent, pieds nus et humides, l’étendue de sable balayée par le vent.

La plus jeune d’entre elles, Arsinoé.

Elle est aussi douce et dorée que ses compagnes sont grandes, fortes et rougeaudes.

C’est la troisième fille du seigneur de Lancevent.

Toujours dans la lune. Sa mère lui a donné son nom, puis elle est morte.

Tandis que les femmes, avec leurs rires aigus et leurs bavardages d’oies stupides, tendent les fils, Arsinoé danse, libérant son corps dans l’espace.

Ses pieds volent, elle délie ses muscles, yeux ouverts sur le ciel gris.

Les femmes ne s’étonnent pas de son comportement étrange. Chacun sait qu’elle est un peu bizarre.

Une goutte s’abat soudain sur le nez d’Arsinoé.

Elle cesse de danser, se précipitant sur les femmes jacassantes.

-Il pleut. Il faut décrocher le linge.

A peine prononce t-elle ces mots que les nuages vident leurs entrailles.

Pestant et rageant, les femmes rentrent, trempées.

Arsinoé ne se mêle pas à elles. Elle se demande ce qui se passerait

Si elle ne rentrait pas.

Si elle ne rentrait plus.

Les femmes se sont éloignées, et le ciel pleure toujours.

Arsinoé, tignasse bouclée et trempée, attend.

Elle est sur l’amorce du chemin.

Elle attend. Elle est glacée. La pluie semble traverser sa peau, et là bas,

La mer s’énerve, verte et grise. Enfin il arrive.

Sur un cheval gris cendre. Comme toujours. Il passe,

Et, comme toujours, l’observe.

Un changement s’opère.

-J’aimerais savoir pourquoi, déclare une voix rauque, pourquoi vous êtes toujours

Là à m’attendre.

-Et vous, pourquoi passez vous toujours devant moi quand j’attend ?

-Et qu’attendez vous ?

N’obtenant pas de réponse, l’homme rajuste son long manteau, jette un regard méprisant à l’enfant,

Et s’éloigne au galop.

Désespérée, Arsinoé attend. Sa vie est un enfer sans intérêt.

Elle tombe en arrière dans la boue glacée balayée par la pluie.

Elle se réveille au chaud. On l’a ramenée, et vu les étoiles par la fenêtre, elle a dormi jusqu’à la nuit.

L’obscurité lui apporte les dimensions rassurantes de sa chambre.

Elle se rappelle vaguement de mains l’ayant lavé et couché. Ses servantes sans doute.

Peu lui importe, de toute façon…

Son cœur est triste. Elle attend quelque chose, mais quoi ?

Par la fenêtre, il sait qu’il peut atteindre les humains. La nourriture. Il avance, sourire de canines éclaboussées de sang.

Arsinoé s’était rendormie, mais voilà que quelque chose la réveille. Elle n’est pas seule.

-Il y a quelqu’un ?

Son murmure reste sans réponse, mais elle est persuadée que la pièce n’est pas vide.

Paralysée par la peur, elle ne bouge plus. Les yeux ouverts par l’effroi.

Quand soudain…

-Toi…

Arsinoé a failli s’évanouir. Une ombre marche sur elle.

Un homme. Jeune. Livide. Les yeux noirs.

Il la regarde, il a l’air très triste.

Il plaque sa main sur sa bouche.

-Pas un bruit…Ou tu meurs.

Arsinoé ne peut bouger. C'est un démon, ça ne fait aucun doute.

Soudain, contre toute attente, une grosse larme tremble dans son œil gauche et coule.

Il relâche la jeune fille, et s’effondre sur elle.

Il l’entoure de ses bras livides.

Sans vraiment comprendre pourquoi, Arsinoé sait que le danger est passé. Une part d’elle se détend.

C’est comme si le malaise qui la rongeait depuis si longtemps s’était évaporé.

Il est toujours là, allongé, la tête sur son ventre.

Arsinoé sent sa détresse. Une étrange intuition s’est emparée d’elle.

-Relève toi.

Il voit qu’elle n’a pas crié : elle ne le dénoncera pas.

Elle retire sa couverture. La fenêtre, légèrement entrouverte, apporte le bavardage ténu du vent, et, plus lointain, incessant, le murmure lancinant de la mer.

La jeune fille ne porte sur elle qu’une fine étoffe de lin.

Elle ouvre les bras ; le démon s’y réfugie aussitôt.

Sa tête est posée au creux de ses seins. Ses larmes sont déchirantes, silencieuses…

Arsinoé caresse ses cheveux lentement, pour le calmer.

 Ses sanglots cessent.

Il se relève. Son visage blême est d’une beauté troublante.

Il lui enlève sa chemise de nuit. Ses yeux noirs sont enivrants.

Sa peau douce, malgré sa froideur…

Elle l’ignore, mais le démon est possédé par ses yeux d'ambre.

Il entoure son visage de ses mains. Elle ferme les yeux…Ses mains descendent dans la chaleur de son cou. La douceur de la peau d’Arsinoé le rend fou.

Elle a gardé les yeux fermés. Lui fait-elle confiance ?

Il respire avec délectation l’odeur sauvage et brûlante de sa peau. Il ne peut s’en empêcher…

Ses mains descendent dans son dos, pendant qu’il lèche lentement la pointe de ses seins.

Après la peur, Arsinoé sent monter, lentement, un désir indéfinissable…

Qui est il ? Elle l’ignore. Mais elle est à lui, et il est à elle.

Elle ouvre les yeux. Il la regarde. Ils se font face, lui, le regard enivré par son odeur, elle, les joues embrasées par les battements violents de son cœur.

Ils s’allongent. Elle tremble.

Elle s’engouffre dans ses bras.

Serré contre lui, elle le touche, et sa main descend.

Le démon frissonne. Que va t-il se passer si elle continue ?

-guide-moi, murmure t’elle.

Il prend sa main, et la guide lentement jusqu'à son sexe.

Elle le caresse, et le désir engloutit le démon.

La jeune fille n’a pas peur, mais son cœur bat très fort…

Il soupire. Et soudain…

-Tu dois connaître quelque chose… Je te veux tout entière. Je t’aime…

Elle ne comprend pas. Il l’étend sur le dos. L’embrasse dans le cou, embrasse ses seins,

Son nombril…

Il s’enivre de sa chaleur. Il embrasse ses hanches,

Ses cuisses,

L’intérieur de ses cuisses…

Arsinoé prend peur. Que fait-il ?

Il embrasse son sexe.

Puis, avec une infinie douceur, il la lèche.

Arsinoé est aussitôt renversée par une vague de plaisir comme elle n’en a jamais connu.

Sa respiration s’accélère, comme les mouvements du démon.

Jamais elle ne s’est sentie aussi bien.

Voila que sa respiration devient gémissante.

Il revient vers son visage, embrassant la peau brillante d’Arsinoé.

Elle le regarde.

Il écarte lentement ses cuisses, et d’une main la touche.

Il l’embrasse, tandis que le visage d’Arsinoé est transformé par l’envie.

Bientôt cette envie est trop impérieuse, plus rien d’autre ne compte. Il est sur elle.

Et tout en regardant ses yeux d’or, d’un mouvement doux et lent, il entre en elle.

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