Atropa, cerise du Diable

Caïn Bates

       Personne ne connaissait son visage, elle dont la mère était morte en couche et son père tombé lors d'une bataille. Une nourrice l'avait élevée comme ça et la fillette grandit entourée par nombres d'enfants. Mais sa vie de paria reprit son cours quand, un matin, on trouva le sol de la maison recouvert de corps, de sang et de déjections. La petite serrait l'un des marmots de ses petits bras. Elle toussait, crachait du sang et ses yeux se fermaient lentement. Malgré les efforts de la garde et des médecins, elle fût la seule rescapée et fût mise en cause. Une fouille de la demeure avait révélée que la gosse était une botaniste émérite et on trouva énormément de concoctions dans plusieurs pièces à l'étage.
         C'est le jour de ses quinze ans qu'elle eue l'occasion de sortir de sa geôle après la visite d'un influent marchand de passage. Le sourire de la demoiselle l'avait touché en plein cœur et il ne prit pas la peine d'en savoir plus, il ordonna sa libération immédiate pour l'épouser. Elle accepta sa proposition sans rechigner, comprenant que c'était sa seule chance de sortir de sa prison de pierre froide mais émit la condition suivante: Aucun homme ne devra la regarder avant leur mariage et, par la suite, seul son époux pourra la regarder dans les yeux. L'homme en prit bonne note et mit tout en oeuvre pour que les noces aient lieu rapidement. C'est quatre jours plus tard, une douce après midi de Novembre qu'ils lièrent leurs vies.  Ensemble, ils traversèrent une bonne partie de l'Europe, c'est en Sicile qu'ils prirent domicile et que son mari s'est éteint quelques années plus tard d'une maladie fulgurante qui l'ôta des bras de sa bien aimée. De cette union, une magnifique jeune fille était née, Flora. 
       Quelques semaines plus tard, il ne restait aucune traces d'elles. Ni vêtements, ni lettres, ni même la moindre plante aux alentours. Peu après son départ, la demeure fut incendiée et des avis de recherche commencèrent à fleurir dans le pays. Des spéculations grandissaient au fil des années mais, à la mort du riche marchand, les langues se délièrent; on l'accusait de sorcellerie. Contrairement à elle, le visage de sa fille était connu par tout les habitants et elles furent retrouvées à quelques centaines de kilomètres seulement. Des raids éclatèrent aux quatre coins de la région jusqu'à ce que la gamine fut trouvée dans une battisse délabrée, seule, endormie dans une commode à peine plus grande qu'elle. Pour éviter un procès qui aurait attirer la pitié de la foule, ils condamnèrent la pauvre enfant du même crime que sa mère et elle périt sur le bûcher le lendemain, le crépuscule se parant de la lueur des flammes qui firent disparaître sa beauté angélique.
      Une fois de plus, on ne trouva pas la mère mais, on lui donna le surnom de Belladonne et ce nom fit beaucoup rire Atropa, la cerise du Diable.

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