AU BONHEUR DE MON CHEVEU
René Kalfon
Victor, mon fils, veut se faire couper les cheveux mais ne veut pas utiliser le bon de réduction qu'il a gagné au loto du collège, il y a un mois, chez un coiffeur local dont le salon a pour nom « Au Bonheur de Mon Cheveu ».
Victor dit : « Non, non, non, je n'irai pas chez un coiffeur qui a un nom pareil. »
Et moi de réfléchir je lui conseille .
Et je lui dis : « Victor, ne pas utiliser ce bond, ce n'est pas bien. Ce bon, c'est comme un gage, comme une action que tu t'es engagé à faire. »
Mais rien n'y fait.
Sa mère et moi, nous avons beau lui dire : « Victor, il y a bien pire malheur que d'aller dans un lieu qui s'appelle « Au Bonheur de Mon Cheveu » ou, pire encore, « Au Bonheur de Mon Tif », l'enfant reste rétif.
Nous avons beau lui dire : « Victor, il y a plus triste sort que celui que te lance le hasard en mettant sur ta route un nom qui est bizarre », Victor s'écrie : « Bizarre ? Vous avez dit bizarre ? Comme c'est bizarre que vous ne puissiez voir à quel point c'est ringard ! »
Bref, quoi que nous disions, Victor a une vision.
Victor, à tort ou a raison, imagine un salon qui est plein de mamies, un vieux salon où il se plaint en se disant : « Mais qui m'a mis parmi toutes ces mamies ? »