Au fond de l'abime
justine_diot
Je reviens de loin, d'aussi loin que mes rêves m'ont porté. D'une bise automnale qui descend les collines et se fait peu à peu sentir sur les traits de mon visage. D'un vent agité faisant virevolter les plumes jusqu'au sommet de l'éternelle. D'une pluie glaciale qui lacère mon visage et m'empêche de me relever. Du tonnerre assourdissant qui cogne mon crâne et me plonge au plus profond des ténèbres.
Les mains levées vers le ciel, la douleur ne peut s'atténuer. Mon pouls perceptible, rapide, ne cache en rien mon trouble. Je traîne dans les puits de ma désolation, menottée à des rêves qui me suivent et m'assomment à longueur de journée.
Je ne me réveillerais point avant plusieurs heures, plusieurs jours, peut-être jamais... Tu avais beau être ma vie, ma famille, rien ne t'as retenu.
Plus mince chaque jour passant, les pommettes saillantes, les cheveux hirsutes, je suis presque méconnaissable. Tu as emporté mon cœur,tu l'as emporté ailleurs. Depuis, je ne vis plus, je survis. Pour toi. Pour nous.
Une seule issue me reste face à cet immense puits qui se présente à moi...
L'air aspire les pales poussières sur le sol, envole les pollens des fleurs, sèche les perles sur mon visage... Je suis au bord du sommet... les bras tendus...suspendus au dessus du vide... Je ne tremble plus ; je sais que la fin est proche.
Le tunnel a ses rais de lumières qui s'ouvrent devant moi au rythme de mes pulsions, au rythme régulier de ma douleur. Une maigre lueur du jour pulse en cadence avec le souffle du vent. Je cligne des yeux et déglutis sous mes pensées noires. Le silence demeure autour de moi.
Comme en réponse à mon hésitation, la pluie tombe, la mer s'agite frappant de plein fouet les rochers. Son cri monte d'en bas, pareil au hurlement strident d'un spectre. Je sens l'humidité de l'air recouvrir mon visage. Je perçois quelques larmes...mes dernières...
Mon cœur m'oppresse, m'attire vers le fond. Une énorme main assaille ma poitrine, la main de la mort... Une dernière respiration, un dernier regard... J'enjambe cette terre meurtrie, et m'enfonce dans les ténèbres.