Au Hammam

regissae

brève sensuelle

On s'était donné rendez-vous avec les cousines devant la grande Poste d'Alger, pour 10h, parce qu'il est préférable d'aller tôt au hammam, car si on sait quand on y entre, on ne peut pas savoir quand on en sort…

Sarah, toujours ponctuelle, était déjà là ! Nadia venait de m'envoyer un message, elle était entrain de se garer. Sabrina dévalait les marches de la grande Poste et faillit renverser un chibani qui passait devant elle, elle tentait de s'en sortit avec son sourire ravageur infaillible comme à son habitude… Moi je marchai vers elle, il manquait encore Mounia. Mais elle, c'était la retardataire du groupe et elle nous retrouverait certainement sur place, et bien sûr son téléphone était sur messagerie…

Nous voilà, toutes les quatre, engagées dans la rue du hammam, avec nos sacs de bains, remplis de crème de soins, d'huiles et de lotions, pour le corps, pour les cheveux, on va se chouchouter, une bonne partie de la journée.

Comme d'habitude, à la caisse, la même matrone, à se demander où ils vont les chercher ou si elles sont fabriquées sur mesure. Elle demande combien on est, et on paie déjà l'entrée de Mounia. Elle nous assure qu'il lui reste une alcôve en retrait où l'on sera bien entre nous, sans personne pour nous déranger. Au prix que ça coûte, j'ai envie de lui répondre, mais je m'abstiens et lui fait mon plus beau sourire d'émigrée qui ne parle pas la langue.

J'ai encore de vagues souvenirs des hammams de mon enfance, quand j'y allai avec maman, les tantes, et les cousines. C'était tout un cérémonial et une journée où l'on ne programmait rien d'autre.

Aujourd'hui, ce serait complètement différent, avec les cousines, complices comme jamais, cinq jeunettes d'une vingtaine d'années, dans la moiteur de l'été 2004 algérois, une promesse de sensations inédites pour la petite provinciale que j'étais, en vacances familiales dans mon pays d'origine.

La matrone nous guida jusqu'à l'alcôve promise, et effectivement on y sera tranquille…

Imaginez un cadre entièrement carrelé de mosaïques orientales, dans les tons bleus, bruns, jaunes et blancs. Il faut monter quatre marches pour atteindre l'alcôve, qui est entourée de bancs carrelés assortis au reste. Avec des colonnes tout les trois pas, on y est, dans le palais des milles et une nuits… ou du moins dans la salle d'eau du palais !

On commence par se déshabiller, sans omettre  évidemment de comparer nos sous-vêtements. On est des filles non ? Sabrina arbore effrontément un string léopard assorti à son soutif :

-         Ta mère t'a laissée sortir comme ça Sabri ???????? demande Sarah, qui l'entoure en la dévisageant en ne pouvant s'empêcher de toucher le soutien gorge.

-         Tais-toi seulement ! J'ai dû feinter pour qu'elle ne me voit pas, vous savez comment qu'elle me surveille hein ? D'ailleurs on fait comme la dernière fois, je vous laisse ma petite culotte, je la récupèrerai plus tard, nous dit-elle avec un clin d'œil, si ma mère fait mon sac en rentrant, je suis morte les filles…

Nous enfilons chacune notre fotta, c'est la tenue traditionnelle du hammam, une serviette à motif rayures élastiquée au niveau de la poitrine pour qu'elle tienne toute seule et l'on est entièrement nue en dessous, bien évidemment !

Notre petit groupe se dirige en riant vers les bassins, avec chacune son sac de bain, rempli des derniers produits miracles achetés dans la semaine, et à tester d'urgence pour nous !

Nous nous dirigeons au fond de la pièce, à droite, se trouvent encore 3 lavabos bas et suffisamment de tabourets pour qu'on puisse s'asseoir.

Il n'y a pas trop de monde ce matin on dirait, la grande pièce est à moitié vide, mais c'est vrai que le hammam n'est plus trop à la mode, et pour nous c'est surtout un prétexte pour se retrouver entre filles, loin de nos parents qui ne nous lâchent pas d'une semelle !!!

Alors que les filles commencent à déballer leurs affaires, et les produits, je m'aperçois que j'ai oublié le kit spécial lissage pour cheveux longs.

- Vas le chercher IMMÉDIATEMENT, me répondent en chœur les cousines, qui attendaient depuis le début des vacances mon arrivée et ce produit miracle introuvable au bled ! 

Me voilà donc de retour dans l'alcôve et sur qui je tombe ? Mounia !

-         Ah ! Mounia ! J'avais oublié le lissage, voilà les flacons, je vous rejoins, faut que je  file aux toilettes encore. 

Mounia récupéra les produits, et se dirigea vers les cousines, à qui elle ne tarderait pas à raconter pour quelle raison farfelue elle était encore en retard ce matin là !  

A la sortie des toilettes, au lieu de tourner à gauche, je me suis retrouvée à droite. Il faut dire que le hammam est un véritable labyrinthe, rempli de buée du fait de la chaleur et de l'humidité ambiante qui y règne,  pour la petite touriste que je suis, sans fil d'Ariane pour la guider, mais je n'avais pas peur…

Je me retrouve devant une pièce, où je sens une forte chaleur, parfumée à l'eucalyptus, et je me dis que je vais juste y jeter un œil.

Je pousse la porte. La vapeur humide et chaude m'enveloppe. Je me retourne pour fermer la porte. Je regarde devant moi, le temps que mes yeux s'habituent à l'obscurité, et je vois le banc où je décide de me poser, deux minutes, histoire de humer cette senteur naturelle…

Il fait chaud. La sueur perle sur mon front, je n'ai pas eu le temps de m'attacher les cheveux, lâchés dans mon dos.

Je commence à me masser le visage, quand je sens une présence derrière moi.

Il y a tellement d'humidité et de vapeur, impossible de distinguer quoique ce soit.

Je sens mes cheveux se relever.

-         Mounia ? c'est toi ?

-         Chuuuuut...

Je pense à une plaisanterie des filles, une sorte de bizutage, elles en sont bien capables les coquines.

Je ferme les yeux et m'abandonne à ces mains qui me massent la tête, et cela crée en moi une montée d'excitation incontrôlable. Ce ne peut pas être les filles, car au même moment, les mains descendent vers ma nuque, puis délicatement, tout en massant vers ma poitrine. J'ai un sursaut, dois je avoir peur ? Me laisser faire ? Fuir ? Pourtant le hammam est interdit aux hommes aux horaires d'ouverture des femmes… Je ne sais plus que penser, alors que l'excitation de mes sens m'intime de rester, et que mon éducation m'ordonne de me sauver. Entre les deux, je reste paralysée.

Les massages sont doux, sensuels, il n'y a aucune forme de violence, et si je voulais je pourrai m'en aller. Mais on ne fait rien de mal pour l'instant…

Les mains me guident pour me mettre debout. Je me laisse faire. Il est là, devant moi. Avec un visage glabre, des mains douces, il doit être à peine plus âgée que moi, bien que je ne distingue pas ses traits nettement du fait de la vapeur qui nous enveloppe. Nous sommes si proches, je sens son haleine au travers de la vapeur, je ferme les yeux, j'ai envie de m'abandonner à ses mains que je sens expertes…

Il me tourne, et me masse les épaules, le dos, la chute de rein. Mon cœur palpite si fort que je ne sais pas s'il ne va pas bientôt lâcher ? Il me tourne vers lui et commence à m'embrasser le visage, puis me serre dans ses bras. Tout contre lui, dans la moiteur de cette pièce, dégoulinante de sueur, une explosion de sensation se déverse dans ma tête, sur mon corps et m'ensevelit avec elle, je ne vais pas pouvoir m'en remettre ! Moi, l'émigrée, qui vient de France, qui ne connaît rien à rien, n'a jamais fréquenté un garçon, comment d'abord avec un père aux traditions ancestrales pour qui la femme est avant tout au service de l'homme, vierge de corps mais pas de pensée, me voilà, quelque part dans le centre d'Alger, à la découverte de moi-même. Je sais, à partir de cet instant là, que je ne serai plus jamais la même !

Il ne m'a pas embrassée sur la bouche. Il me tient à bout de bras et me dit :

-         Chhel Chebba ! (que tu es belle !)

-         Chkoun nta ? (qui es-tu) réussis-je à murmurer 

Mais le voilà déjà parti, disparu comme il est venu, dans le brouillard de la vapeur d'eau du hammam. J'entends des pas qui arrivent. C'est les cousines. Elles sont toutes là : Sabrina, Mounia, Nadia et Sarah.

-         Karima !!!!! On te cherche partout !!!!! Qu'est ce que tu fais ici ?????

 Je les regarde les unes après les autres. Non, elles ne savent pas.

 -         Rien les filles, je m'étais perdue. Heureusement, vous m'avez retrouvée !      …      Alors ? On va le faire ce lissage ?

 Je n'ai jamais revu cet étrange inconnu, sensuel, qui m'avait initiée aux sensations du corps…

  • le hammam est une excellente toile de fond pour un texte érotique. Le tien oscille entre rêve ou réalité de la jeune femme. Quelques caresses un peu plus érotiques auraient rendu ce texte chaud comme les vapeurs d'un hammam et auraient renforcé le contraste entre la légèreté de ce rendez-vous entre filles et les sensations nouvelles de l'héroïne.

    · Il y a environ 10 ans ·
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    giloube

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