Au Nom de la Mère et du Fils

chevalier-neon

Maman ce soir je porte un voile
de veuve noire et de blanche vierge.
Quand je compterai mes étoiles,
je ne trouverai qu’un pauvre cierge.
Sa flamme vacille et mon cœur avec elle
balance dans un abscons clair-obscur .
D’un seul côté il ramène des séquelles,
de l’autre il devient jouet d’Épicure.
Maman et lorsqu’à l’âge de raison,
j’ai compris que tu étais une femme avant d’être ma mère,
j’ai eu si peur de perdre ma maison
que mourir avant toi m’a semblé une idée bien moins amère.
Tu étais libre et je ne pouvais t’emprisonner
par un lien de ce sang pour lequel je te devais tout.
J’avais peur en te restant précieux d’empoisonner
cette noble vie que tu consacrais à moi surtout.
J’ai réalisé que j’existais par toi seulement
mais que tu n’avais pas besoin de moi pour vivre,
et qu’il n’était pas juste que je sois ton seul amant
lorsque tu avais ton propre chemin à suivre.
Et pendant que tu t’occupais de cet enfant,
tu n’avais pas le temps d’être vraiment toi-même.
C’est pourquoi aujourd’hui encore je défends
toutes les Reines que bien trop peu de gens aiment.
J’ai attendu Maman que tu reprennes tes ailes ;
si tu l’avais fait je n’aurais pu t’en vouloir.
Et j’ai voulu grandir jusqu’à en faire du zèle
car je n’aurais jamais pu me faire valoir
pour mériter d’être gardé dans ces bras tendres
qui auraient pu à la place serrer un rêve.
Je suis désolé si tu as cessé d’attendre
qu’un nouveau soleil pour toi un matin se lève.
Aujourd’hui Maman si je vis encore
c’est que tu as sacrifié de l’or pour de l’argent ;
tu voyais un joyau mais moi un corps
qui t’avait empêchée de faire partie des gens.
Et Maman pour m’élever tu t’es mise à genoux ;
à présent je dois te rendre ta liberté de femme.
La vie était belle quand tu ne parlais qu’en « nous »
mais je ne mériterais que de sombrer dans les flammes
si je te garde prisonnière d’amour.
Maman tu as toute la force et le cœur
pour donner une autre couleur à tes jours,
et je serai près de toi si tu as peur.
Maman je porte un voile de mariée
et un voile aussi sur mes yeux épris.
Mais le monde vois-tu est si varié
que j’ignore où mon cœur a été pris.
Maman et je ne sais pas quoi faire de ma vie ;
je voudrais te rendre toutes tes années perdues.
Je t’ai privée des tiennes mais je n’ai pas d’envie
si ce n’est trouver enfin dans ma quête éperdue
la raison pour laquelle je suis né,
pourquoi est-ce que tu as subi ce fardeau.
Maman toi que j’ai dû voir te faner ,
t’ai-je donc juste une fois été un cadeau ?

(écrit le 17 février 2012)

  • Je trouve très beau ce poème plein d'authenticité et d'amour pur, racine profonde de l'être humain, doué de cette admirable capacité de retour sur lui-même, capable de retrouver à force de travail, la cohérence de sa vie. C'est tout le travail d'un écrivain de mettre en phrases ces méditations et d'amener ainsi ses lecteurs à retrouver eux-mêmes le chemin du sens, de leur situation personnelle, de leur réelle identité, de leur place dans le Monde.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Vkhagan orig

    Victor Khagan

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