Au nom de mes Sor

Möly Mö

Info pour les pro Académie française: texte en écriture inclusive, où tous les mots sont au féminin. Sauf certaines exceptions. Je me suis amusée à cet exercice car cela collait avec le propos! :)

Une groupe d'une vingtaine de femmes s'installait tranquillement dans une légère brouhaha de discussions à voix basse et de bruits de chaises qu'on déplace. L'espace dans laquelle elles se trouvaient était circulaire, à l'intérieur,  elles prirent place en cercle chacune sur leur siège. Au centre de celle-ci, une jeune femme prit place, assise sur une épaisse coussin, afin d'être vue et entendue par le reste de l'assemblée.

Une des femmes se leva alors et déclara à voix haute :


"- Qu'on écoute le témoignage de Sor Aurélane."


Les voix se turent et la jeune femme qui se trouvait au milieu de ces congénères, commença du bout des lèvres :


"- Je voulais tout d'abord préciser que j'ai tout à fait conscience de l'incidente en question. Je me suis laissée prendre à la piège..."


Elle se tut, deux femmes se levèrent et s'approchèrent d'elle. L'une entoura ses épaules de sa bras et l'autre échangea quelques mots avec la jeune femme.


"- Mes chères Sor, je vous demande de faire preuve d'indulgence et de douceur avec Sor Aurélane. Elle est encore jeune..."


Quelques soupirs et agacements s'élevèrent de la groupe de femmes puis très vite la silence reprit ses droits.


"- ...Laissez-moi finir, s'il vous plaît. Sor Aurélane a pleinement conscience des faites qui lui sont reprochées, elle ne cherche pas à les nier. Je dis simplement qu'il faut prendre en compte la faite qu'elle est jeune et que, comme n'importe laquelle d'entre nous, elle doit aussi faire des erreurs pour apprendre.

- Merci Sor Faba, coupa la femme qui présidait la séance, Sor Aurélane, nous t'écoutons."


La jeune femme, dont la regard semblait empli de remords, redressa sa tête et se lança enfin, devant toutes les regards qui la fixaient :


" - J'ai rencontré ce garçon, comme toutes mes Sor, pendant une soirées mixte. La rencontre avait bien commencé. Il s'était comporté en respectant les codes établies... et..."


Le visage de Sor Aurélane prit la forme du chagrin, elle laissa échapper deux larmes qu'elle essuya d'une geste vive, presque agressive.


" - Je sais que je n'aurais pas dû lui donner de seconde chance. Je sais que c'est prohibé. Mais..."


Sor Faba encouragea sa protégée à poursuivre. « Tu ne risques rien, lui glissa-t-elle à l'oreille, cette assemblée est là pour te soutenir et te défendre. Ce n'est pas toi qui a commis une faute. »


" - Je me suis laissée envahir par mes émotions et mes sentiments. Se ressaisit la jeune femme, et ça me met en colère ! Plus jamais je ne recommencerai !



- Plus jamais tu ne laisseras un homme recommencer, corrigea Sor Dony. En tant que présidente de l'assemblée de ce soir, je prends la décision d'entendre ta témoignage et de ne pas te considérer comme responsable dans cette histoire. Il semble évident que seul ce garçon soit coupable. Je demande à ce qu'on le fasse entrer."


Le jeune homme en question fit son entrée, précédée de deux femmes en tenue bleue, qui lui indiquèrent l'endroit où il devait s'asseoir: face à la victime, sur une siège située à une nivelle inférieure de la sol. Les deux femmes en bleue prirent place à côté de lui. Il n'était aucunement attaché, et il n'était pas question de l'empêcher de s'enfuir ou de se lever ou quoi que ce soit d'autre. Seulement, s'il décidait d'opter pour une attitude agressive, méprisante ou violente, on le ferait quitter les lieux dans l'heure et il ne serait plus jamais autorisé à mettre une pied ici.

Les hommes qui avaient fait la choix de vivre ici l'avaient fait en connaissance de cause, en sachant très bien où ils mettaient les pieds. C'était une choix assumée et décidée. Ces hommes acceptaient donc de se plier aux règles de vie de cette société dirigée par les Sor et de ne les enfreindre sous aucune prétexte.


Fredo, le jeune homme en question, avait rejoint la communauté des Sor deux ans plus tôt, à l'âge de 18 ans. Les Sor surveillaient particulièrement les entrées des hommes aussi jeunes, c'était d'ailleurs très rare qu'elles acceptent leur requête. Mais Fredo semblait être un individu tout à fait en phase avec la mouvance de pensées que partageaient les Sor et les hommes qui vivaient ici, en harmonie avec celles-ci. Il avait intégré une cursus universitaire, et suivait les cours assidûment. Il n'avait manqué aucune des modules, réservées aux hommes cis, pour les éduquer aux féminismes et les faire réfléchir sur le sexisme, les discriminations et autres violences faits aux femmes mais aussi aux « minorités oppressés ». Son éducation au sein de la communauté commençait très bien, ses tutrices avaient même décidé de lui retirer la tutorat à ses 20 ans.

Il avait déjà commencé à fréquenter les soirées mixtes, mais d'une nature plutôt timide, n'avait jamais eu de relations intimes avec un ou une partenaire. En l'occurrence, Fredo était attiré par les femmes. Il fit alors la connaissance de Sor Aurélane lors d'une de ces soirées et il tomba sous sa charme. Il suivit la procédure à la lettre : signifier son intérêt pour la jeune femme via une messagerie électronique conçue pour cela, attendre la validation de Sor Aurélane. Une fois l'accord reçue, il pouvait aller s'adresser à elle, tenter de la séduire, aviser ou se raviser, en attendant l'accord tacite entre elle et lui afin de passer à une étape supérieure. Sor Aurélane avait eu une coup de cœur pour Fredo et iels entamèrent donc une relation, sous l'œil bienveillante mais toujours un peu méfiante, des Sor plus âgées qui avaient pour mission de surveiller et vérifier que chacun.e se comportait avec respect et bienveillance.


Pendant plusieurs semaines, on les laissa donc vivre leur histoire d'amour sans trop se soucier d'une éventuelle faux pas ou dérapage de la part de Fredo. Malheureusement, son attitude envers sa partenaire se dégrada très rapidement. Un jour où Sor Aurélane avait donné rendez-vous à Fredo pour passer une moment ensemble, le jeune homme ne se montra jamais, ne la prévint pas et ne s'excusa pas. Pour la jeune femme ce fut une coup de massue. Quand les Grandes Sor l'apprirent, on convoqua Fredo qui finit par avouer qu'effectivement il avait laissé tomber Sor Aurélane, sans une mot. La jeune femme cependant lui laissa une seconde chance, sans en parler à ses Sor...

Le jugement se fit rapidement et on décida à la suite de cela, si Fredo pouvait continuer à vivre au sein de la communauté ou la quitter. Sor Aurélane le vécut douloureusement, toute amoureuse qu'elle était. Elle dût se rendre à des rencontres avec trois Sor afin de discuter de ce qu'il s'était passé, de l'épauler dans cette épreuve et de lui faire réaliser que l'attitude de son partenaire, chez elleux, n'était pas acceptable et pas accepté comme dans la monde normale et qu'il était hors de question de laisser passer ça, sinon cela dériverait vers bien pire. Il fallait être radical, même si elles ne le faisaient pas à cœur joie. Sor Aurélane comprenait, elle avait grandi ici et avait été éduquée ici, pour elle, c'était évident que cette comportement était néfaste et qu'on ne pouvait pas le tolérer. Mais elle avait des sentiments pour le jeune homme et cela lui faisait une mal de chien.


Ce jour-là, à la fin de la jugement collective, les Sor décidèrent de renvoyer Fredo. Le jeune homme était dévasté d'apprendre cette nouvelle. Toutefois, la communauté des Sor n'était pas excluante définitivement... Il fallait faire preuve d'une sincérité sans faille et prouver que l'on avait évolué, que l'on était prêt.e à réintégrer la communauté et une seconde chance pouvait être accordée. Une troisième, certainement pas. Une manquement aux codes et aux règles de leur communauté et les Sor ne voulaient plus jamais entendre parler de la personne concernée.

Fredo n'aurait pas le droit de refaire une demande d'entrée avant l'année suivante. C'était ainsi.


Les Sor vivaient en harmonie et en toute bienveillance. Aucune forme de lâcheté, de mensonge ou d'hypocrisie n'étaient tolérées dans leur communauté. On se comportait d'égal.e à égal.e, cependant les femmes avaient une place plus importante et accès aux postes les plus essentielles, afin que leur fonctionnement matriarcale ne soit -plus- jamais envahi par le patriarcat. Les hommes qui vivaient ici n'étaient pas pour autant réduits en esclavage. Encore une fois, ils choisissaient de venir vivre ici, ils acceptaient donc d'évoluer dans une société où toutes formes de féminismes avaient sa place, où les femmes étaient entendues, écoutées et respectées. Au même titre que toute autre personne oppressée dans la monde normale et patriarcale. Chacun.e avait sa place, on veillait à ce que chaque habitant.e ne manque de rien et soit logé.e à la même enseigne que sa ou son voisin.e. Ce n'était pas toujours simple, cela avait mis énormément de temps avant que l'on puisse vraiment vivre sans dépendre de trop des aides extérieures venant du monde qu'ielles avaient décidé de quitter mais après plusieurs années, ici, on pouvait manger à sa faim, vivre dans des logements décentes, se chauffer, se vêtir. La communauté grandissait et à priori, on entendait beaucoup parler d'elle dans les médias extérieures.


Les Grandes Sor ne voyaient d'ailleurs pas cela d'une très bonne œil. Bientôt, on viendrait leur rendre visite pour leur demander de faire des reportages, on viendrait pervertir leur bonne fonctionnement. Cela dérangeait trop, on finirait par vouloir anéantir tout ce qu'ielles avaient construit et ielles devaient se prémunir contre cela. C'était d'autant plus importante et essentielle qu'on ne laissait pas n'importe qui accéder à leur société et y vivre. Une sélection pointilleuse était nécessaire voire vitale. Ielles n'y dérogeraient pas.

Cela faisait bien trop longtemps qu'ielles avaient attendu de pouvoir vivre librement, sereinement, en paix, dans une société où on ne les discriminait ou ne les dénigrait pas.


S'il fallait se battre pour conserver tout ça, ielles seraient prêt.e.s.




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