Au petit bonheur (2)

Neve Rosée

Suite de la nouvelle pour le concours "Contre Vents Et Marées". Elle à été envoyé au concours et j'attends donc les résultats. J'ai aussi trouvé un titre ! :)

_ Maman, il faut que tu manges... Pour prendre des forces.

_ A quoi bon ? Explique-moi, me fit-elle remarquer la tête toujours enfuie sous sa couette.

On aurait dit une enfant qui faisait un caprice.

_ Pour Paul et Alayana, voilà pourquoi. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'ils souffrent eux aussi.

Elle me regarda enfin. Je plantai mes yeux dans les siens :

_ J'ai pris des billets d'avion pour aller rendre visite à Oncle Gabriel. On part demain, alors se serait bien que tu manges, si tu veux je prépare tes affaires.

 

Je sens qu'elle aimerait avoir la force de me crier dessus. Elle si perfectionniste qui aimait que tout soit prévu à l'avance, elle doit être vraiment déstabilisée. Je vois dans ses yeux qu'elle a mille et une questions qui se bousculent dans sa tête.

 

_ Alors, oui, je ne te l'ai pas dit avant parce que tu ne voulais pas que j'entre, et surtout parce que c'est lui qui à appeler hier pour te parler mais que tu n'étais pas éveillée. Et oui j'ai pris l'argent sur ton compte, et Alayana et Paul restent ici si tu te poses la question. Demain à Paris pour treize heures.

 

Elle se redressa, me fixant toujours, mais contrairement à d'habitude je ne réussis pas à déchiffrer son regard. Peut-être de la colère ? De l'incompréhension ? Ou de la panique ?

 

Moi qui avait toujours vue ma mère maquillée et parfaitement coiffée en toute circonstance, depuis deux semaines elle négligeait tout. De gros cernes s'étaient installés sous ses yeux rougis, bouffis et desséchés de tristesse. Ses yeux bleus étaient si ternes, si vide de toute humanité… Son visage criait la détresse.

Oui, ça faisait bien deux semaines que je ne l'avais pas vu avec ses belles robes et son chignon irréprochable. A la place, ses cheveux roux se battaient, s'emmêlaient et son pyjama était froissé.

 

Elle prit une cuillérée de potage en tremblotant.

 

_ Tu veux prendre ton pull bleu ? 

 

Elle hocha la tête. Je fis sa valise et elle ne me dit plus un mot jusqu'à ce que j'emporte son plateau vide.

Je supposai qu'ensuite elle se recoucha, en espérant que ce soit pour mieux se réveiller le lendemain.

 

Seul le bruit de ma cuillère raclant le fond de mon bol envahissait la pièce. Ma mère était assise en face de moi, immobile. Elle portait un pantalon noir, un chemisier sombre et une veste noire. A ce moment, je me dis qu'il en faudrait beaucoup pour que tout redevienne comme avant. Mais j'étais  prête à faire des sacrifices, des efforts et tout ce qu'il fallait pour qu'elle redevienne aussi heureuse et épanouie qu'avant même si je savais que ça allait prendre du temps et qu'elle n'oubliera pas papa aussi vite pour autant.

 

Aucune de nous n'ouvrit la bouche pendant les deux heures de route qui nous séparaient de Paris. Nous arrivâmes à l'aéroport à onze heures cinquante et mangeâmes un bout. Puis ma mère alla consulter le tableau d'affichage des horaires. Normalement, elle aurait dû voir «  Lisbonne : treize heures ». Mais elle chercha et relu le panneau d'affichage en long en large et en travers. Ce vol n'existait pas.

 

_ Tu es sûr que le départ pour Lisbonne est à treize heures ? Je ne vois ce vol nulle part. Tu aurais pu vérifier mieux que ça les indications des billets…

 

Je sortis les deux billets de ma poche et les lui tendit.

 

Elle regarda, lu, retourna le billet, le tordit dans tous les sens. Mais elle avait bien lu. Ses yeux s'agrandirent comme des soucoupes et elle me regarda sûrement en se demandant comment elle avait pu faire une fille qui commande des billets pour la Nouvelle-Zélande au lieu du Portugal.

 

_ Tu m'expliques ? me questionna-t-elle sèchement.

_ On ne part pas voir Oncle Gabriel. Il n'a jamais téléphoné. Je t'emmène juste avec moi pour ...

 

« Le vol en direction de Wellington partira dans six minutes » annonça un haut-parleur.

 

_ Dépêche-toi, je n'ai pas le temps de t'expliquer, notre avion va partir !

 

Je pris alors ma mère par la main et couru en direction de la queue pour l'embarquement. Elle me suivait, la tête complètement ailleurs, cherchant toujours à comprendre le pourquoi du comment.

 

Je laissai ma mère s'asseoir près le de la fenêtre dans l'avion. Elle avait sûrement besoin de décompresser. Il faut dire que je lui en faisais voir de toutes les couleurs… Il y avait au moins une trentaine d'heures de voyage et une ou deux escales avant d'arriver en Nouvelle Zélande. Peu après le décollage ma mère s'était endormie cette fois paisiblement.

 

Je me sentais assez libérée de toute cette emprise, je sentais que c'était enfin un nouveau départ pour ma mère et moi. Je pouvais oublier tous ces pleurs, ces cris de tristesse pour les enfermer dans une boîte, la cadenasser et jeter la clef.

Nous n'avions pas beaucoup de choses à nous dire pendant le vol, même si j'aurais aimé qu'il en soit autrement.

 

_ Peux-tu m'expliquer pourquoi on est ici, me questionna-t-elle après que nous ayons récupéré les bagages à l'aéroport de Wellington.

_ Je veux que ça change, lui répondis-je le sourire aux lèvres, je ne veux plus que tu sois comme ça, et j'ai pensais qu'ici serait le bon endroit pour tout recommencer entre nous.

_ Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?

J'avoue que je ne m'étais pas vraiment posé la question. Ce n'était pas tous les jours que j'organisais un voyage Paris-Wellington pour ressouder les liens entre ma mère et moi…

_ On pourrait prendre un hôtel ? proposais-je. Après tout, le décalage horaire entre la France et la Nouvelle-Zélande était assez important, même si nous avions toutes les deux dormi dans l'avion.

 

Nous sortîmes de l'aéroport pour se retrouver devant … un paysage ahurissant. Nous n'y avions pas vraiment prêté attention en arrivant, mais le soleil se couchant sur la mer offrait à nos yeux un spectacle magnifique digne des plus grands reportages.

Je n'avais jamais quitté la France, et à part Paris et les petites plages de Vendée, je ne m'y connaissais pas beaucoup en paysages à couper le souffle. Devant ça j'avais envie de rire et de courir sur la plage avec ma mère. Je savais que qu'elle souriait derrière sa carapace qui l'empêchait de dépérir ces dernières semaines. Même si nous n'étions pas très proches, je savais que ça la réjouissait presque autant que moi.

 

_ Alors allons chercher un hôtel, souffla-t-elle après quelques minutes d'ébahissement.

 

J'aurais voulu pouvoir contempler la mer plus longtemps, mais nous étions toutes les deux épuisées. Nous dûmes prendre un taxi pour nous rendre au centre de Wellington et louer une chambre d'hôtel pour la nuit. Comme je n'avais rien réservé, nous nous sommes contentées d'une minuscule chambre d'hôtes au dernier étage d'un immeuble pratiquement en ruine. Les murs de la pièce étaient en jaune orangée dont la peinture s'effritait à tout endroits, les rideaux était trouvés aux coutures et il n'y avait pas volets. Seule une armoire brune et un cadre morbide faisait offices de décoration.  Ma mère s'allongea sur le lit semblant chercher quelque chose. Puis elle se tourna vers moi les sourcils froncés.

 

_ Franchement Octavia, tu aurais pu prévoir une chambre d'hôtel ! Tu as vu où on en est maintenant ? Il n'y a même pas la télévision et je suis sûre que tu ne sais pas ce qu'on va faire demain !

 

On prendra comme excuse que je n'ai que 16 ans et que je suis jeune et inconsciente….  Je pris le temps de réfléchir pour trouver une excuse qui me tirerait de cette situation avantageusement.

 

_Pas de télévision ? Ce n'est pas très grave, tu verras, avec le programme que je nous ai préparé elle n'aura pas le temps de te manquer, répondis-je en essayant de prendre le sourire le plus convaincant possible. Malgré le fait que tout ça n'était qu'un flot de mensonge.

 

Je proposai à me mère de se reposer pour la nuit, lui certifiant que je m'occupais de tout. Je ne voulais pas qu'en plus de la tristesse, le stress soit un autre poids pour elle durant ce voyage.

 

Je voulais vraiment qu'elle ressorte de ces quelques jours heureuse comme avant, comme quand il y avait papa à nos côtés, qui gérait tout et qui malgré nos plaintes gardait une bonne humeur constante.

 

  • C'est très beau ! Et ça donne envie de tout quitter et voyager un peu partout !
    Attention, juste une petite faute à "Nous n'avions pas beaucoup de choses à ce dire pendant le vol" c'est Nous n'avions beaucoup de choses à NOUS dire
    Voilà sinon c'est bien écrit, on sent bien l'atmosphère :)

    · Il y a environ 9 ans ·
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    littlerebel

    • Merci pour tes compliments ;)
      Ola, je corrige ça !
      Je m'inspire vraiment de m'on envie de tout quitter pour m'envoler vers des pays magnifique donc cette nouvelle permet de m'évader un peu par écrit ! :)

      · Il y a environ 9 ans ·
      Brunett

      Neve Rosée

    • C'est une bonne chose :) pour moi aussi ça fait un bon moment que l'envie de voyager aux quatre coins de la planète se fait sentir !

      · Il y a environ 9 ans ·
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      littlerebel

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