Au petit bonheur (3 - Fin)

Neve Rosée

J'ai gagné finalement gagné le prix "coup de coeur" de mon collège avec cette nouvelle, il ne me reste plus qu'à attendre les résultats départementaux !

Je passai ma nuit dans le cyber-café d'en face à chercher des endroits à visiter et passa le une autre partie à organiser certaines activités, qui, je suis sûre, redonneront la joie de vivre à ma mère. Il était quatre heures du matin quand je me décidai enfin à rentrer à la chambre et de me coucher aux côtés de ma mère qui semblait déjà dormir à poings fermés. Je ne tardai pas non plus à tomber dans les bras de Morphée et ne me réveilla que six heures plus tard…

 

Le soleil s'introduisait déjà dans la petite pièce. La première chose que je vis dès que j'ouvris les yeux fut ma mère dégustant un croissant et un thé, accoudée au balcon rouillé qui surplombait une avenue. Elle était en peignoir blanc, semblant déjà avoir pris sa douche. Quand je vis cela, mon premier réflexe fut de sourire, car à vrai dire je n'en attendais pas autant dès le premier jour.

 

A la maison il était impossible de la faire manger quoi que ce soit même lorsque c'était des choses qu'elle aimait. Sûrement que l'air de Nouvelle-Zélande lui faisait déjà effet.

 

Lorsqu' elle me vit debout et se retourna :

 

_ La propriétaire a apporté ça tout à l'heure, je ne savais pas que c'était compris dans le prix… me dit-elle avec un sourire accrocher à son visage comme un masque soigneusement disposé sur ses lèvres. Mais au moins elle faisait un effort.

 

_  Je suis au courant et non ce n'était pas compris dans le prix lui répondis-je, cette fois sans mentir.

 

J'avais passé une nuit à vouloir que tout soit parfait, et j'espérais que ça continuerai comme ça tout au long de ce voyage.

Je la rejoignis sur le balcon :

 

_ J'ai préparé quelque chose pour ce matin, il faudrait qu'on soit parties dans une quinzaine de minutes, et que tu aies préparé un maillot de bain.

Certes je n'avais pas préparé grand-chose, mais au moins, je savais qu'on aurait besoin d'un maillot ; de plus, le temps était de mon côté, alors que demander de mieux aujourd'hui !

 

_ Je peux savoir où tu m'emmènes ?

 

_ Tu verras, c'est une surprise.

 

_ Eh bien décidément…

 

J'étais déjà remplie de joie. Ma mère avait retrouvé sa forme et c'était déjà un des objectifs que j'avais prévu en organisant ce voyage !

Après avoir avalé un bon petit déjeuner, m'être habillée et avoir préparé serviettes maillots et déjeuner, nous étions prêtes à partir.

 

Nous avons traversé Wellington pour rejoindre la côte et prendre deux billets de ferry pour l'île Sud. Wellington est vraiment une jolie ville. L'architecture est plutôt intéressante et c'est une ville pleine de vie et vraiment dépaysante. Ca nous changeait du centre de la France : on pouvait sentir l'air de la mer en ville et en même temps voir les montagnes au loin. Je ne regrettais pas d'être venue ici, même si cela faisait un petit choc de partir de chez soi en un clin d'œil pour se retrouver dans une atmosphère aussi différente et tranquille.

 

Pour rejoindre l'île Sud il fallait quelques heures de ferry, je m'étais renseignée la veille et j'avais vu que Christchurch était un endroit superbe. J'espérais de tout mon cœur que cela plairai à ma mère.

 

Lorsque nous entrâmes dans le bateau, ma mère s'assis dans un coin et contempla l'océan calmement. Je pensais qu'elle avait trouvé la forme ce matin mais finalement elle semblait aussi déprimé que dans l'avion ; je me demander vraiment comment j'ai pouvoir faire pour la consoler. Je m'assis près d'elle en observant les vagues qui heurtaient bruyamment la coque du bateau. L'eau était si claire, si pure… J'aurai aimé pouvoir y voir aussi clair avec ma mère. Si seulement je pouvais savoir à quoi elle pensait et comment je pouvais lui remonter le moral ça m'aurait bien aidé.

 

Au loin on pouvait apercevoir de plus en plus nettement l'île Sud, et c'était encore un paysage différent de la France ou même de Wellington. Beaucoup de verdure,  des montagnes aussi belles les unes que les autres.

 

Vers treize heures nous mangeâmes nos sandwichs que j'avais soigneusement préparés avant de partir. J'avais veillé à mettre les ingrédients préférés de ma mère dans le sien.

Près de moi, elle gardait les yeux fixés sur l'horizon, une larme coulant le long de sa joue. Je ne voulais pas lui demander comment ça allait ou pourquoi elle était comme ça, parce que je savais pourquoi et que ça ne le la consolerai pas.

 

_ Ton père me manque beaucoup Octavia, me dit-elle après avoir essuyé ses larmes et ravalée ses sanglots.

 

Je ne savais pas quoi faire. Je ne savais pas quoi dire parce qu'honnêtement je ne m'étais jamais posée la question à savoir si papa me manquait. La question ne se posait sûrement pas d'ailleurs.

Pourquoi n'avais-je pas pleurée comme les autres ? C'était mon père et je l'aimais alors pourquoi je ne ressentais pas de tristesse ?

Je ne sais pas ce qui me prit sur le coup, mais je pris ma mère dans mes bras.

Ça ne m'était pas arrivé depuis une dizaine d'année au moins. Je n'avais pas réfléchi à ce geste et c'était d'ailleurs un peu maladroit. Je ne sais pas si ce moment de tendresse avait pu la réconforter mais j'étais prête à beaucoup pour recréer des liens avec ma  mère.

 

Sans m'en rendre compte nous étions arrivées à Christchurch en un rien de temps. Nous avons un peu visité la ville, qui était d'ailleurs très différente de Wellington.

C'était calme et tranquille, ma mère s'était remise de ses émotions et était maintenant plus paisible.

Puis nous sommes sorties un peu de la ville pour rejoindre la plage.

Après quelques explorations, nous avons étendues nos serviettes sur un rocher. Les vagues s'écrasaient lourdement quelques mètres en dessous de celui-ci, avec un bruit sourd mais serein à la fois.

 

Ma mère se tourna vers moi en souriant. Mais cette fois-ci son sourire semblait vraiment sincère :

 

_ Je suis contente que tu m'ai emmené ici pour faire ce voyage O'.

_ Alors ça me fait plaisir lui répondis-je le plus naturellement possible.

_ Pourquoi tu as fait ça ? questionna-t-elle en reportant son regard vers la mer.

J'hésitai un peu avant de répondre…

_ J'avais envie de te revoir heureuse, c'est tout. Je voulais que tout soit comme avant entre nous, tu sais avant que ça dérape… Je voulais te voir sourire et moins pleurer.

Elle me regarda sans rien dire pendant quelques instants.

_ Tu viens te baigner ?

 

Nos orteils dépassaient légèrement de la pierre, le reste n'étant que du vide. Il devait y avoir au moins deux mètres entre l'eau transparente et nous.

Mes mains commençaient à trembler alors que ma mère semblait tout à fait prête à plonger. Elle remarqua tout de suite que je n'étais pas sereine et me pris la main.

 

_ A trois on saute : un, deux … trois !

 

Mon cerveau eu du mal à transmettre cet ordre à mes pieds qui ne se soulevèrent pas au moment du « trois ». Mais ma mère qui n'avait pas lâchée ma main, me tira en avant et s'élança dans le vide. Finalement, je sentis le vent dans mes cheveux bouclés et mon cœur faire un bond. Puis l'eau froide, les petites bulles d'air chatouillant mon corps et la main de ma mère toujours rattachée à la mienne.

Il me fallut quelques minutes pour réaliser : j'avais fait ce saut avec ma mère.

Pour une fois c'était elle qui m'avait tiré en l'avant.

 

Elle avait le sourire jusqu'aux oreilles et ça faisait plaisir à voir. Ses yeux brillaient de bonheur et elle nageait et replongeait sous l'eau en rigolant.

 

Lorsque le soleil commença à descendre dans le ciel, nous remballâmes nos affaires et accourûtes pour rejoindre le ferry. En cette fin de soirée, ma mère n'avait pas quittée son sourire et c'était la plus belle des récompenses de tous ces efforts.

 

Une fois rentrée à la chambre d'hôtes, je me sentais terriblement fatiguée. Nous installèrent le lit contre la fenêtre ouverte et je m'endormie doucement sur l'épaule de ma mère, observant la lune flottant sur les toits des maisons de Wellington…

 

Le lendemain fût également une journée chargée : pas le temps de faire une pause. Des neuf heures nous préparâmes les sacs et les chaussures de randonnée et à dix heures nous étions parties pour une grande marche sur les côtes de North Island. Nous avons eu le droit à des paysages somptueux : la mer déchaînée, des reliefs enneigés ou des collines à perte de vue, des lacs turquoises et des falaises gigantesques. Ce n'était qu'un pur émerveillement. Jamais je n'avais été si émue devant une telle nature.

 

Mais vers quinze heures, les ampoules se faisant ressentir, nous fîmes une pause sur le sommet d'une colline, face à la mer.

 

_ Je suis vraiment touchée pour ce que tu fais Octavia et je t'en suis vraiment reconnaissante.

_ Si tu es heureuse, je le suis aussi.

_ Mais je ne pourrais jamais oublier ton père.

_ Je sais…

 

Mais moi,  est-ce que je l'ai oublié ? ou est-ce que c'est déjà fait ? Je ne sais pas ce qui me prit tout à coup, ma poitrine se souleva, une boule se forma dans ma gorge et m'empêcha de parler. Un liquide froid se forma dans mes yeux et ma vue se flouta : je pleurais. Pour la première fois depuis que papa était mort, je pleurais.

Ma mère prit ma tête entre ses mains. Elle, elle ne pleurait pas.

 

_ Pourquoi je n'ai pas pleuré quand papa est mort ? ! Pourquoi j'ai l'impression que je l'ai déjà oublié ?! Je suis un monstre ! criais-je dans les bras de ma mère.

_ Non au contraire. C'est parce que tu es forte. Tu es la fille la plus forte que je connaisse et tu penses au bonheur des autres avant de penser à toi-même, me murmura ma mère en regardant l'étendue d'eau bleue devant nous.

Je serrai ma mère contre moi le plus fort possible et après un quart d'heure, nous reprîmes la randonnée dans les montagnes de Nouvelle-Zélande pour rentrer ensuite à Wellington.

 

En soirée, malgré le fait que nous ayons marché toute la journée et que j'aurais préférée me reposer, ma mère m'invita au restaurant. Je fus d'autant plus étonnée quand elle sortit de la salle de bain habillée d'une jolie robe de soirée violette, d'une magnifique paire d'escarpins que j'avais spécialement placé dans sa valise et fastueusement coiffée et maquillée.  Nous passâmes une agréable soirée dans un restaurant typiquement néo-zélandais. Ma mère commanda un fastidieux repas et il lui arrivait même de faire des blagues.

Nous rentrâmes à minuit et nous écroulâmes de fatigue sur l'inconfortable matelas de la chambre d'hôte.

 

Les jours d'après furent encore plus riches en émotions : le sourire de ma mère s'agrandissait chaque et jour et les seules larmes qui avaient été versées était dû à un abus de joie ou d'émotion face à de tels paysages. C'était une renaissance pour nous deux. Je redécouvrais ma mère et jamais je n'avais passé d'aussi bons moments avec elles.

 

Nous avons eût l'occasion de faire de la tyrolienne et de survoler certaines plages en hélicoptère, de rencontrer des personnes adorables et de goûter aux saveurs de ce pays qui m'était autrefois inconnu. L'air de là-bas était spécial, pur.

 

Mais il fallait bien une fin à ce périple si éblouissant. Cependant ce n'était pas une triste fin puisque je savais que ma mère repartait plus épanouie que jamais. Je savais qu'en rentrant elle jettera tous ces mouchoirs usagés mais qu'elle n'oublierai pas non plus de renouveler les fleurs sur la tombe de papa. Et j'irai avec elle sur sa tombe, parce que j'ai plein de chose à dire à mon père. On ramène aussi des souvenirs de Nouvelle-Zélande pour Alayana et Paul ; mes nos plus gros souvenirs à nous, à moi et à ma mère, seront gravés dans nos cœurs.

 

Notre vol était à dix-huit heures et j'avais encore envie de profiter un maximum. Alors à sept heures, quand le soleil passa au travers des fins rideaux de la chambre, je réveillai ma mère et quelques minutes plus tard nous étions sur le bord d'une falaise. Sa main  tenait la mienne, nos bras étaient ouverts à la mer et le vent secouait son pull bleu et agitaient nos cheveux. 

Pendant quelques instants je revécu tous ces moments passées ici depuis une semaine. Mais il y avait une chose qu'on avait oublié de faire pendant notre séjour.

 

_ Maman ?

_ Oui ?

_ Je t'aime.

_ Je t'aime aussi O'.

 

C'était de se dire je t'aime.

 

~Neve Perdue

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