Au rythme de mon balancier

Jean Claude Blanc

Paul Lafargue, "droit à la paresse" ça vous la coupe gendre de Marx! temps du muguet, des ouvriers pas pour demain, à cause de ce petit virus qui s'insinue dans l'engrenage

                       Au rythme de mon balancier

Avance qu'au rythme de mon balancier

Ne risquant plus aucun projet

Me prendre la tête c'est ridicule

En vérité, fais des émules

Tout bonnement je coince la bulle

 

Les saisons passent mais hélas

Me faut de moins en moins d'espace

Pas bien venues les populaces

Leurs boniments franchement m'agacent

Ne peuvent se mettre à ma place

 

A la retraite presque grabataire

Me conte des histoires sans paroles

J'erre sur les sommets déserts

Cherchant en vain où est le bon pôle

En ce printemps tout en hiver

 

Personne ne vient me voir, c'est pas bon signe

Que c'est à croire que j'ai la guigne

Çà signifie que je décline

Sur mes montagnes, où je prends racine

 

Trop grande pour moi ma vieille bicoque

De quoi en faire salle de spectacle

Etant artiste d'une autre époque

Gratte ma guitare, les doigts patraques

 

Tourne et retourne mon passé

En ruminant tous mes regrets

Pas encore assez libéré

De mes épreuves mes insuccès

Faut pas chercher, je suis fêlé

Toujours prompt à m'en torturer

 

Mène ma petite vie, sans faire de bruit

Ne brille guère que mon esprit

Qu'évidemment se teint en gris

Pour une peccadille, un brin d'ennui

 

Ce vaste monde, plus mon sujet

Manquant d'humour et d'amitié

Où c'est qu'elle est, l'humanité

Lorsque je souffre à en crever

 

Pris l'habitude me lever tôt

Me tiennent crachoir les passereaux

Sur ma fenêtre s'en viennent piailler

Intéressés juste pour becqueter

Même qu'ils frappent aux carreaux

En ma baraque où je meurs de froid

Traine mes pantoufles en pyjama

Ne me chauffant qu'au feu de bois

Le mal de mort, m'attrapera pas

Car je me soigne au quinquina

 

Ça me ragaillardi l'intérieur

Ne vois même plus passer les heures

Et me redonne de l'ardeur

Pour oublier tous mes malheurs

 

Fais ma popote et mon ménage

Fuyant les femmes comme un sauvage

Finalement ça m'avantage

Y'en a peu dans mon entourage

Que d'impotentes de passage

Pour me séduire, n'ont plus l'âge

 

Je fais sa fête à un bout de pain

N'importe quand, lorsque j'ai faim

Ça me cale le ventre, c'est l'essentiel

Comme une offrande tombée du ciel

                              

J'aime ce silence dans ma turne

Lorsque le soir tombe la brume

Sur mes aigreurs, mes infortunes

Me ravigote d'un croissant de lune

Mon petit confort, me le protège

Heureux d'agir à mon aise

Gère mon désordre à ma façon

Nul ne viendra m'en faire la leçon

 

Dures mes semaines sans âme qui vive

Vivement le weekend et les jonquilles

Retour de mes potes de maternel

Qui se radinent à tire d'aile

 

La plupart partis pour la ville

Asservis à un job tranquille

Pour un salaire pas bien gras

A comparer, je suis le roi

Des péquenots, cache pas ma joie

 

Riche de souvenirs, j'ai pris bonne note

Me reviennent les moindres anecdotes

Quarante années de service social

Parait « service du capital »…

Me sapent encore le moral

Petit frère des pauvres, mon ordinaire

Pour adoucir les misères

Retraite gagnée, sur cet enfer

Encore candide et solidaire

Pour recueillir les cœurs blessés

De mon métier, dur de m'en défaire

Me lâchera pas tant que je vivrai

L'angoisse, le stress laissent des traces

Toutes mes nuits à m'inquiéter

Me rongent le cerveau, mes assistés

De ne pas avoir assez fait

Pour eux sans-le-sou dans la mélasse

 

Je voudrais bien faire une pause

Sur mes lauriers pas toujours roses

Hélas, toujours une cause à défendre

D'un coup de main, encore me fendre

Je n'y peux rien, suis né ainsi

De la confrérie des indigents

Même l'avocat des petits

J'encaisse leurs peines et leurs tourments,

En leur servant de paravent

 

Voilà pourquoi je me retire

En ayant marre des soupirs

Ça me délivre que de l'écrire

Même je pourrais en faire des livres

Parfois je souffre d'être oublié

Par ces martyrs que j'ai aidés

Ne devrais pas être surpris

S'ils sont heureux et satisfaits

Se foutent bien si je moisis

 

Ne me plains pas, bien au contraire

M'en glorifie loup solitaire

Lorsque je retourne en arrière

M'en suis donné, pour la misère

Fier dans mon coin, à ma manière

Ours mal léché qui préfère se taire

 

Comme je fuis le voisinage

Le savent pas ceux de mon pays

Combien me suis mis à l'ouvrage

Pour soutenir les proscrits

 

Me considèrent touriste glandeur

Genre de gentleman-farmer

Même que c'est tout à mon honneur

Car j'en ai vu de ces horreurs

Les confie pas, par trop modeste

L'ai pas volé, de faire la sieste

De mon boulot encore j'empeste

Me consultez plus car j'ai la flemme

Vous en instruire, vaut pas la peine

Cherchez la femme c'est bien le cas

J'ai avalé tant de ses couleuvres

Elle m'a trahi, partie loin de moi

Sans doute mise à l'épreuve

Je sais qu'elle se reconnaitra

 

Alors pourquoi l'en blâmer

Sera plus heureuse en son foyer

N'étant pas chien, lui en veux pas

Lui souhaite même paix et joie

Auprès de son compagnon ailé

Comme l'albatros handicapé

 

Mais inutile en rajouter

Suis qu'un poète qui a ses lunes

Qui témoigne de cette humanité

Ses illusions, ses amertumes

 

D'ailleurs arrive le 1er mai

Se passera de mon muguet

Plus de vélo pour pédaler

Lui en offrir comme dans le passé

Ça restera au rang des regrets

 

Ayant fait le tour de ses déboires

Votre drôle d'artiste devant son miroir

Pense finalement que le destin

Toujours nous mène à sa main

 

A Paul Lafargue cette allusion

Pour la paresse a fait le max

Comparaison vaut pas raison

Lui qu'était gendre de Karl Marx

N'a pas fait la révolution

Sur son fauteuil resté relax

 

Bien que ces jours j'ai la rage

Je ne pourrai pas défiler

A cause de ce virus sauvage

Comme vous tous serai confiné

Au diable la cause ouvrière

La CGT pétard d'enfer

 

Tout me dégoute, y'a aucun doute

Sur mon ordi, je m'arc-boute

De me livrer vraiment ça me coûte

Alors demain je taille la route

Veux pas attendre le mois d'août

Tout compte fait, ces derniers vers

Vont me requinquer sans avoir l'air

Me fous de tout, santé de fer

Pourvu que ça dure, vogue sur la mer

De mes chimères, pourquoi m'en faire ? JC Blanc avril 2020 (droit à la paresse voir P Lafargue)

 

 

  • "Sur son balcon, elle donne à manger aux pigeons...

    La roue tourne, ils vieilliront un jour et resteront seuls, eux aussi.

    · Il y a plus de 4 ans ·
    Louve blanche

    Louve

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