Au rythme de mon balancier
Jean Claude Blanc
Au rythme de mon balancier
Avance qu'au rythme de mon balancier
Ne risquant plus aucun projet
Me prendre la tête c'est ridicule
En vérité, fais des émules
Tout bonnement je coince la bulle
Les saisons passent mais hélas
Me faut de moins en moins d'espace
Pas bien venues les populaces
Leurs boniments franchement m'agacent
Ne peuvent se mettre à ma place
A la retraite presque grabataire
Me conte des histoires sans paroles
J'erre sur les sommets déserts
Cherchant en vain où est le bon pôle
En ce printemps tout en hiver
Personne ne vient me voir, c'est pas bon signe
Que c'est à croire que j'ai la guigne
Çà signifie que je décline
Sur mes montagnes, où je prends racine
Trop grande pour moi ma vieille bicoque
De quoi en faire salle de spectacle
Etant artiste d'une autre époque
Gratte ma guitare, les doigts patraques
Tourne et retourne mon passé
En ruminant tous mes regrets
Pas encore assez libéré
De mes épreuves mes insuccès
Faut pas chercher, je suis fêlé
Toujours prompt à m'en torturer
Mène ma petite vie, sans faire de bruit
Ne brille guère que mon esprit
Qu'évidemment se teint en gris
Pour une peccadille, un brin d'ennui
Ce vaste monde, plus mon sujet
Manquant d'humour et d'amitié
Où c'est qu'elle est, l'humanité
Lorsque je souffre à en crever
Pris l'habitude me lever tôt
Me tiennent crachoir les passereaux
Sur ma fenêtre s'en viennent piailler
Intéressés juste pour becqueter
Même qu'ils frappent aux carreaux
En ma baraque où je meurs de froid
Traine mes pantoufles en pyjama
Ne me chauffant qu'au feu de bois
Le mal de mort, m'attrapera pas
Car je me soigne au quinquina
Ça me ragaillardi l'intérieur
Ne vois même plus passer les heures
Et me redonne de l'ardeur
Pour oublier tous mes malheurs
Fais ma popote et mon ménage
Fuyant les femmes comme un sauvage
Finalement ça m'avantage
Y'en a peu dans mon entourage
Que d'impotentes de passage
Pour me séduire, n'ont plus l'âge
Je fais sa fête à un bout de pain
N'importe quand, lorsque j'ai faim
Ça me cale le ventre, c'est l'essentiel
Comme une offrande tombée du ciel
J'aime ce silence dans ma turne
Lorsque le soir tombe la brume
Sur mes aigreurs, mes infortunes
Me ravigote d'un croissant de lune
Mon petit confort, me le protège
Heureux d'agir à mon aise
Gère mon désordre à ma façon
Nul ne viendra m'en faire la leçon
Dures mes semaines sans âme qui vive
Vivement le weekend et les jonquilles
Retour de mes potes de maternel
Qui se radinent à tire d'aile
La plupart partis pour la ville
Asservis à un job tranquille
Pour un salaire pas bien gras
A comparer, je suis le roi
Des péquenots, cache pas ma joie
Riche de souvenirs, j'ai pris bonne note
Me reviennent les moindres anecdotes
Quarante années de service social
Parait « service du capital »…
Me sapent encore le moral
Petit frère des pauvres, mon ordinaire
Pour adoucir les misères
Retraite gagnée, sur cet enfer
Encore candide et solidaire
Pour recueillir les cœurs blessés
De mon métier, dur de m'en défaire
Me lâchera pas tant que je vivrai
L'angoisse, le stress laissent des traces
Toutes mes nuits à m'inquiéter
Me rongent le cerveau, mes assistés
De ne pas avoir assez fait
Pour eux sans-le-sou dans la mélasse
Je voudrais bien faire une pause
Sur mes lauriers pas toujours roses
Hélas, toujours une cause à défendre
D'un coup de main, encore me fendre
Je n'y peux rien, suis né ainsi
De la confrérie des indigents
Même l'avocat des petits
J'encaisse leurs peines et leurs tourments,
En leur servant de paravent
Voilà pourquoi je me retire
En ayant marre des soupirs
Ça me délivre que de l'écrire
Même je pourrais en faire des livres
Parfois je souffre d'être oublié
Par ces martyrs que j'ai aidés
Ne devrais pas être surpris
S'ils sont heureux et satisfaits
Se foutent bien si je moisis
Ne me plains pas, bien au contraire
M'en glorifie loup solitaire
Lorsque je retourne en arrière
M'en suis donné, pour la misère
Fier dans mon coin, à ma manière
Ours mal léché qui préfère se taire
Comme je fuis le voisinage
Le savent pas ceux de mon pays
Combien me suis mis à l'ouvrage
Pour soutenir les proscrits
Me considèrent touriste glandeur
Genre de gentleman-farmer
Même que c'est tout à mon honneur
Car j'en ai vu de ces horreurs
Les confie pas, par trop modeste
L'ai pas volé, de faire la sieste
De mon boulot encore j'empeste
Me consultez plus car j'ai la flemme
Vous en instruire, vaut pas la peine
Cherchez la femme c'est bien le cas
J'ai avalé tant de ses couleuvres
Elle m'a trahi, partie loin de moi
Sans doute mise à l'épreuve
Je sais qu'elle se reconnaitra
Alors pourquoi l'en blâmer
Sera plus heureuse en son foyer
N'étant pas chien, lui en veux pas
Lui souhaite même paix et joie
Auprès de son compagnon ailé
Comme l'albatros handicapé
Mais inutile en rajouter
Suis qu'un poète qui a ses lunes
Qui témoigne de cette humanité
Ses illusions, ses amertumes
D'ailleurs arrive le 1er mai
Se passera de mon muguet
Plus de vélo pour pédaler
Lui en offrir comme dans le passé
Ça restera au rang des regrets
Ayant fait le tour de ses déboires
Votre drôle d'artiste devant son miroir
Pense finalement que le destin
Toujours nous mène à sa main
A Paul Lafargue cette allusion
Pour la paresse a fait le max
Comparaison vaut pas raison
Lui qu'était gendre de Karl Marx
N'a pas fait la révolution
Sur son fauteuil resté relax
Bien que ces jours j'ai la rage
Je ne pourrai pas défiler
A cause de ce virus sauvage
Comme vous tous serai confiné
Au diable la cause ouvrière
La CGT pétard d'enfer
Tout me dégoute, y'a aucun doute
Sur mon ordi, je m'arc-boute
De me livrer vraiment ça me coûte
Alors demain je taille la route
Veux pas attendre le mois d'août
Tout compte fait, ces derniers vers
Vont me requinquer sans avoir l'air
Me fous de tout, santé de fer
Pourvu que ça dure, vogue sur la mer
De mes chimères, pourquoi m'en faire ? JC Blanc avril 2020 (droit à la paresse voir P Lafargue)
"Sur son balcon, elle donne à manger aux pigeons...
· Il y a plus de 4 ans ·La roue tourne, ils vieilliront un jour et resteront seuls, eux aussi.
Louve