Au voleur! - Partie 2/2

Nicole Bastin

Après avoir brillamment réussi l'étape "je pars seul avec mon petit frère, faire des courses au marché", Timothée s'est mis en tête d'improviser. Grave erreur!

À quelques mètres de la boulangerie, Mael a stoppé net.

«Mais! On va à la boulangerie?»

Lui qui me suivait, si docile, il est d'un coup devenu fou.

Le geste brusque et désordonné, il tirait sur ma main, maintenant.

«Qu'est-ce qu'on va prendre?? Des chouquettes? Une viennoise? Allez, viiiiieeens!»


J'ai compris pourquoi Maman ne m'avait pas demandé de baguette.

Mael se collait contre les vitres du comptoir, y laissant des traces de doigts et de buée. Il ne s'arrêtait plus de parler.

«Je peux avoir des chouquettes? Ou des macarons? C'est bon les macarons! Ooooh, y'en a au citron!»


Bon, alors là, il fallait la jouer fine.

Si je laissais Mael manger n'importe quoi avant le déjeuner, c'est sûr, je me ferais choper par Maman. Je le connais bien mon frangin, il ne peut pas s'empêcher de crâner.

Il fallait donc que je trouve une solution (et vite!), avant que ça ne soit mon tour de passer commande (et qu'on ne remarque, au passage, les traces de bave sur la vitrine).


- «Oui, bonhomme?»

- «Bonjour, une tradition et un pain au lait, s'il vous plaît.»


Je trouvais que c'était pas mal, le pain au lait.

«Un bon compromis», aurait dit Maman.

Mais, bien sûr, Mael ne l'entendait pas de cette oreille.


«J'veux pas de pain au lait! J'veux des chouquettes!»


Pour détourner son attention, je lui ai alors proposé de donner lui-même les sous. Ça a eu l'air de marcher. Je lui ai filé un billet de 5 et je l'ai porté pour qu'il arrive à bonne hauteur.


C'était trop mignon comme il tendait son minuscule petit bras pour atteindre la main de la boulangère. Attendrie, elle nous a rendus la monnaie, en plus d'un large sourire.

Pfiou! Je m'en sortais pas trop mal.

Et c'est là que..


- «Et mon billet?»

- «Bah, tu l'as donné à la dame, Mael.»

- «Y'a rien que des pièces, là. Je veux mon billet, moi!»

- «Mais non, le billet c'était pour payer la baguette. Les pièces, c'est ce qu'il te reste. C'est normal.»

- «Voleuse! La dame, elle m'a pris mon billet! Voleuse!»


Bon sang, j'étais mal. Rouge de honte autant que Mael de colère.

La plupart des clients se bidonnaient. J'ai entendu la boulangère dire

«Mazette, c'est bien la première fois qu'on me fait le coup!»


Sur le chemin du retour, je pensais que je finirais bien par lui expliquer.

Mais non, pas du tout. Même le pain au lait n'y a rien fait!


Traînant alors derrière moi un petit frère en furie, sans oublier les courses qui pesaient leur poids, j'ai mis plus de temps à rentrer qu'il n'en fallait pour m'épuiser.


Arrivé à la maison, l'accueil n'a pas été plus glorieux.

«Heureusement que je ne comptais pas sur toi pour le repas de ce midi! Tu as vu l'heure qu'il est? Je commençais à m'inquiéter, moi!»

«Bon, on est contents que tout aille bien, ceci dit. Lavez vous les mains, on passe à table.»


Et Mael qui, maintenant, faisait comme si de rien n'était! Grrr!

J'ai pris place en grommelant. Ce n'était vraiment pas juste.

Tout ça pour une baguette!

N'empêche, je l'ai savouré cette tradition. Jusqu'au croûton!


TIMothée

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