Aujourd'hui, une Femme

Ce matin, au milieu de mon courrier quotidien, j'avais reçu cette lettre non signée.

Mon cher Toi,

C'est ta femme troubadour qui t'écrit encore cette année, ce même et Grand Jour.

As-tu conservé les musiques que je t'ai envoyées ?

Qu'en as-tu fait ? Les as-tu dépliées, froissés, entortillées sous tes pieds, suspendues à tes humeurs ou simplement jetées dans la cheminée ?

Que fais-tu à Noël ? Et ici aujourd'hui, là où tu me lis ? As-tu envie d'un cadeau ? Ce cadeau, pourrais-tu le ressentir jusqu'à le faire voler sur tes lèvres pour les arrimer sur les miennes dans un rêve éveillé ?

Est-ce qu'il neige chez toi ?

Tu vois, maintenant, à force de t'avoir toujours donné des réponses, il ne me reste que des questions risibles qui me touchent tellement qu'elles me dérangent la peau. Ma peau non plus irascible, mais qui respire constamment sous l'eau. Tout s'allège autant que tout s'alourdit. Comme s'il manquait un feu, le feu ardent, le feu sacré, comme le signe fendant l'air en un éclair, un signe révolutionnaire sur ma terre. Faut-il se démunir de notre visibilité, de cet enthousiasme passé qui plane désormais chacun pour soi dans son chausson ? L'harmonie peut-elle disparaitre à jamais ? À jamais…   

Je ne sais pas, je ne sais plus ce qui se passe en moi.

Et toi pour toi, le sais-tu ?

Ma factrice, toujours à courir, s'était trompée de boîte aux lettres et même carrément d'adresse. Je me demandais si je n'allais pas livrer cette lettre trop vite décachetée, à son destinataire qui habitait à deux pâtés de maison. En direct, en live. Et peut-être aussi attendre qu'il la lise devant moi. Quel sera son visage, sa réaction, son action ? Tremblera-t-il ? Pourquoi cette autre s'acharne-t-elle encore ? Quelle repentance cherche-t-elle finalement ? Ou mieux, sera-t-il justement inspiré dans une grille de lumière ?