Aujourd’hui, dimanche, je n’écris pas

Aujourd'hui, je n'écris pas… (On va commencer à le savoir)

-         Tant mieux !

-         Pardon ???

-         Je disais, tant mieux !

-         Mais tu es qui, toi ?

-         La déléguée !

-         La déléguée de quoi ?

-         Je suis la représentante de ton comité de lecteurs, pardi !

-         J'ai un comité de lecteurs, moi ?

-         On en a tous un !

-         Non ?

-         Si !

-         Non ?

-         Oh, tu ne vas pas nous faire une page de Non-Si, maintenant ! Il faut te reprendre, Hervé !

-         Mais je ne savais pas qu'on avait des comités de lecteurs.

-         Oui ! Justement, c'est ce que l'on te reproche, tu ne sais rien. Tu ne t'intéresses pas assez à la communauté. Tu restes sur ton petit nuage à raconter tes histoires qui ne disent rien. Tu ne parles de rien, sinon de toi.

-         Je ne suis pas, tout à fait d'accord. J'ai fait des rubriques d'initiation à la psycho.

-         Oui ! Elles étaient nulles ! Et ça, c'était avant. Depuis plus rien que du vide, des histoires sans queue ni trompette, du vent… un grand souffle de vent vide.

-         Oh, tu es un peu dure, là ! Non ?

-         C'est pour ton bien, tu dois te ressaisir avant sanction.

-         Pourquoi ? Il y a des sanctions, aussi ?

-         Bien sûr, il y a toujours des sanctions, Redescend un peu sur Terre. Tu n'as pas d'autoradio ? Tu n'as pas de téléviseurs ? Tu ne lis pas la presse ?

-         Si ! un peu, comme tout le monde !

-         Alors, tu ne dois pas imprimer, c'est ça. Tu entends, mais tu n'écoutes pas, ça glisse et ça se perd dans tes chaussettes.

-         Je ne mets pas de chaussettes, ma femme dit que c'est moche avec des palmes.

-         On s'en fout de tes habitudes vestimentaires, tu peux te déguiser en homme grenouille, si tu veux, mais il faut absolument que tu écrives pour dire quelque chose, autrement mets-toi au tricot.

-         J'ai essayé. J'y ai perdu un œil.

-         Je disais cela comme ça, si c'est trop dangereux pour toi, fait des mots croisés.

-         Oui ! Les mots croisés… ça parait cool.

-         Tu vois, quand tu veux.

-         Merci ! Mais je peux poser une question ?

-         Pose toujours.

-         Si je n'écris que du vent, que pour le vent, pourquoi j'ai un comité de lecteurs ?

-         Je te l'ai dit, c'est obligatoire, c'est le règlement. Mais, rassure-toi, il diminue de texte en texte. Ils ne sont plus que trois à présent, on en a encore perdu un hier.

-         Tu peux peut-être essayer de le récupérer ?

-         Ça m'étonnerait, il s'est pendu !

-         Oh ! Une peine de cœur ?

-         Non ! Une crise de désespoir après avoir lu une de tes histoires sans histoire.

-         Merde ! Je suis désolé… je ne …

-         Trop tard, il fallait y penser avant ! Crois-tu qu'écrire soit sans danger ?

-         Je ne savais pas…

-         Oui ! Justement, c'est cela qu'on te reproche aussi, tu ne sais pas ! peut-être qu'en ce moment tu es en train d'en perdre un autre.

-         Non ! Non ! Ne faites pas ça. Attendez, je vais me ressaisir, je le promets. J'ai un bon sujet sur l'élevage des escargots par grand froid en Sibérie, vachement bien, il faut savoir que les escarg…

-         Trop tard ! Perdu ! La fenêtre ! Plus que deux.

-         Merde ! Merde ! Merde !

-         Oui, comme tu dis, merde ! On y est en plein, car deux c'est le nombre minimum pour un comité, après, tu tombes dans le commerce.

-         Le commerce ?

-         Oui, il va falloir payer pour qu'il reste.

-         C'est cher ?

-         Ça dépend, tu peux payer en plusieurs fois. Il y a des forfaits aussi. Je vais te joindre les tarifs.

-         Merci !

-         De rien, c'est mon rôle. De toute façon c'est trop tard, il vient de me faire savoir qu'il n'était pas intéressé.

-         Je peux ajouter une boite de chocolats, aussi.

-         Envoie-moi la boite, je la mérite bien à essayer de te défendre envers et contre marée, ou un truc comme ça, mais pour le deuxième, c'est fini. Un litre d'eau de javel, ça ne pardonne pas. Il n'a pas souffert… enfin si… horriblement.

-         Merde ! C'est horrible.

-         Tu l'as dit, Bouffi ! Maintenant, je vais te quitter, puisque je ne représente plus rien. De plus l'unique lecteur qu'il te reste ne m'aime pas. Il n'avait même pas voté pour moi. Ce doit être une personne de ta famille, I presume.

-         Mais qu'est-ce que tu vas faire, maintenant ?

-         J'sais pas… le gaz, peut-être.

-         Déconne pas ! Qu'est-ce que je vais faire sans toi ?

-         J'sais pas… j'hésite les veines, c'est pas mal, aussi quand on n'a pas de veine. Jamais, J'n'aurais, jamais je n'aurais dû me présenter, c'était désespéré, perdu d'avance.

-         Attend ! attend ! Je suis là ! Je t'aime, moi ! Oui ! JE T'AIME !

-          

-         Trop tard ! Je pars ! je suis partie…

-         Attend ! attend ! Puisque je t'aime !

-         …

-         Répond-moi !

-         …

-         S'il te plait !

-         …

-         Merde ! Merde ! Merde ! Il y a quelqu'un ?

-         …

-         Allo ! Allo ! Allo !

-         …

Je me demande, s'il ne vaudrait pas mieux que j'arrête d'écrire, moi ?