Aura

La flamme est sur le lac, fondée de ses légendes et de ses vœux mystérieux. Sous la surface fluide glissent des ondes claires, le tranchant d'une épée irisée de vibrations lumineuses, ou plus étrange encore, le feu fuyant d'un omble chevalier. Les saisons ont tourné comme un manège affolé, des flaques de temps brouillé expulsées sans remords, bien au-delà des chapitres glorieux où des preux avides d'éternité savaient honorer mieux que leur propre vie : le vol frêle d'une chauve-souris. Sur le lac paisible, la flamme tremble dans une simple goutte d'eau, dérobant tout caractère heuristique à ces cousines volantes : noctule à ailes de piqûre, pipistrelle volubile, frugal oreillard ou vampire aux appétits érythrocytaires. Pour une ouïe assez fine pour discerner les nuances du silence, des opéras de frottements, des oratorios vibratiles, et l'on pourrait soupçonner plusieurs soli d'y fiévreusement livrer dispute pour le plus bel aria à l'éclat de la nuit. Au bord du lac, la montée de l'ombre gomme les empreintes, pas, pieds, sabots, pattes mêlés, fossiles futurs de glaise moulés, déjà effacées des terrains jectisses, à peine mémoires devenues que déjà elles sombrent. La flamme sur le lac s'essouffle, vent vespéral, icône dans une châsse limpide, tremblement ineffable et transi qui s'évanouit. Seul le silence des fréquences inaudibles chérit l'aura disparue.