"Spider" Autopsie d’une folie annoncée.
daniel-m
« Spider », l'histoire d'un homme d'une trentaine d'années physiquement, on va dire, ‘pas bien dans sa tête', le mot juste étant schizophrène, d'autres diront simplement ‘fou' !
D. Cronenberg, qui est pour moi un des derniers génies vivants du Cinéma actuel met ici en images l'impossible. Non seulement il nous montre la folie, mais il la dissèque, l'analyse en nous menant également et adroitement par le bout du nez, presque jusqu'à la fin, même pour les plus perspicaces. Bien que l'envie ne m'en manque pas, je vais essayer de ne pas vous raconter cette intrigue très particulière.
Il ne s'agit pas pour moi de faire ici l'analyse du film, bien que ce soit cela qui serait ici réellement intéressant, mais simplement de vous donner mon avis de cinéphile et mon sentiment sur ce chef d'œuvre auquel j'attribue sans hésiter cinq étoiles.
« Le pire n'est pas de perdre la raison, mais de la retrouver »
Spider, Synopsis.
Un homme d'une trentaine d'année, surnommé jadis par sa maman « spider » l'araignée, est un schizophrène profond. Transféré de son ancien asile, il arrive seul en train, dans une maison spécialisée située dans une banlieue ouvrière de Londres. Celle même où il passa son enfance. Il commence alors une enquête particulière, il reconstruit image par image, étape par étape, les faits qui l'ont mené là où il en est aujourd'hui dans sa tête et surtout, pourquoi son père avait assassiné sa mère presque sous ses yeux pour vivre alors une vie plus délurée avec une prostituée notoire...
Petit à petit et de manière très méticuleuse et obstinée, il va tisser une sorte de toile dans sa tête et une autre avec des bouts de ficelles dans sa chambre, comme il le faisait étant enfant, d'où son surnom. Il va assembler un puzzle imaginaire qui le mènera vers la vérité. L'effroyable vérité ...
Les acteurs et trices:
Ralph Fiennes, Bradley Hall, Gabriel Byrne, Miranda Richardson, Lynn Redgrave, John Neville, Gary Reineke, Philip Craig ...
Sorti en salles le 13 Novembre 2002.
Le film
Inutile de dire d'emblée que ce film est grandiose et que c'est un film culte, bien que l'ayant découvert assez récemment et ayant découvert également que pour ainsi dire, personne ne l'a vu :o) D. Cronenberg est d'autant plus surprenant qu'il délaisse ici totalement le côté très gore marqué dans plusieurs de ses films. Sa vision du physique très lié au matériel et inversement est presque totalement délaissée également, les effets spéciaux sont totalement inexistants. Il s'intéresse ici à l'esprit, un esprit malade symbolisé par une toile d'araignée, une vitre brisée que l'on essaye de reconstituer, ou un puzzle que spider tente vainement d'assembler. Il ne soulève pas à mon sens cette fameuse question « à quel moment est on fou ou, où est la frontière entre la folie et la normalité ? » Ce n'est pas le sujet du film. C'est une espèce de thriller freudien qui a la prétention et je trouve que le pari est tenu, d'explorer un esprit dérangé, d'essayer dans décortiquer les mécanismes.
Car spider mène bien une enquête, une enquête sur lui-même où il tente de découvrir une vérité qui a un certain moment de sa vie lui a échappée. La virtuosité du réalisateur se situe dans sa manière d'exposer l'histoire. Dans les flash back de spider, le personnage est réellement présent, l'adulte et l'enfant se contemplent, s'analysent et s'observent. Le film en est d'ailleurs très difficile à regarder, car il n'y a pas vraiment d'action forte mais un imbroglio d'images, de situations confuses sur les quels l'on se questionne et il est vrai que pendant les trois premiers quarts du film, on ne comprend pas vraiment ce qui se passe concrètement. L'on est cependant captivé, si ce n'est en premier lieu par la prestation de l'acteur Ralph Fiennes qui interprète le personnage. Il est littéralement bluffant.
Les décors sont dépouillés, les couleurs ternes. Il se dégage une ambiance plutôt malsaine de l'ensemble et le plaisir que l'on prend à regarder le film est très ailleurs des lieux communs habituels. D. Cronenberg nous rappelle de manière crue et cruelle à ce rapport charnel entre un enfant et sa mère, cette vision plutôt extérieure qu'il a du père. Toutes les théories de S. Freud sur l'importance des vécus de l'enfance sur le comportement de l'adulte sont dans le film. L'importance de l'interprétation d'un enfant des choses sexuelles qu'il observera chez ses parents et l'importance de leurs conséquences suivant le fait qu'elles soient bien ou mal reçues. C'est presque de trop parfois, l'image où spider est recroquevillé en position fœtale, nu dans une baignoire est une clé précieuse. On aura compris que le spider trentenaire qui arrive à Londres est resté un enfant, suite probablement à un choc émotionnel très violent qu'il a subit à l'age de dix ans. Mais l'histoire nous dévoilera tout et c'est profondément dramatique, la folie !...
J'ai particulièrement apprécié : Tout, en fait. Même si ce n'est pas d'habitude le cinoche que j'affectionne. Cette approche très freudienne menée avec brio par ce réalisateur de génie qui n'a probablement pas fini de m'étonner puisque je n'ai pas encore vu tous ses films. Un sujet qui est pour moi passionnant, depuis toujours, les mécanismes de l'esprit, pourquoi parfois des rouages se grippent, jusqu'où l'émotivité d'un enfant peut elle le mener lorsqu'il interprète mal les choses. L'intrigue du film est en fait de savoir à partir de quel moment de sa vie Spider est devenu « fou », mais là (hé hé) j'en ai déjà trop dit.
Le jeu de Ralph Fiennes est absolument magistral et mérite d'être spécialement souligné.
L'interprétation de l'actrice Miranda Richardson, que je découvre ici est à remarquer également.
La musique totalement adaptée est comme d'habitude, de Howard Shore.
J'ai moins apprécié : Et bien, pas grand-chose en fait, si ce n'est que ce film ne peut pas être pris comme un « divertissement », mais d'un autre côté, c'est du Cronenberg alors on sait toujours un peu à quoi s'attendre bien que là j'ai été surpris par le contenu qui est peu conventionnel, dirons nous, mais génial indéniablement. Au moins, le spectateur sera prévenu, si vous voulez rire, allez voir un autre film, si vous avez envie d'être surpris et conquis, ne manquez pas « Spider » !
Conclusion :
Spider est encore un chef d'œuvre de David Cronenberg. Spécialement pour les parents de jeunes enfants, regardez-le ! Et n'oubliez pas de parler avec vos enfants comme à des êtres humains et non comme à des petits chiens. Expliquez leurs les choses avec des vérités crues et vraies, pas avec des images et des allégories, comme vous voulez, mais expliquez au lieu de gronder. Le grand méchant loup n'existe pas, il n'y a que des loups gentils et des méchants ‘méchants'. Donnez leurs leur place d'enfants et respectez la, défendez votre place d'adulte et de parents et expliquez la, avec des mots vrais. Même un enfant d'une semaine comprend votre langage, mieux encore, il le ressent. C'est ce que m'inspire un peu ce film dramatique, même si ce n'est pas réellement son essence, c'est ce que personnellement j'en ai gardé. Un pur chef d'œuvre ! Pour faire court :o)
Prenez soin de vous et de vos enfants.
Je ne suis pas une adepte de Spiderman, mais c'est gentil de nous faire part de ton analyse :)
· Il y a plus de 6 ans ·Sy Lou
C'est pas spiderman, c'est le petit spider de D. Cronenberg :o)
· Il y a plus de 6 ans ·daniel-m
Donc y a pas d'araignées noires et velues dans le film ?
· Il y a plus de 6 ans ·arthur-roubignolle
Arfff non, il s'agirait plutôt ici d'une araignée au plafond ! :o)
· Il y a plus de 6 ans ·daniel-m
Ouf, c'est déjà ça, avec Cronenberg je m'attend à tout; j'ai vu que les mouches et c'était horibeule, toutes ces mouches...
· Il y a plus de 6 ans ·arthur-roubignolle
Le pire, quand on perd la raison, c'est de ne pas avoir tort :)
· Il y a plus de 6 ans ·Mario Pippo
Excellent ! :o)
· Il y a plus de 6 ans ·daniel-m
« « Spider » l'araignée, est un schizophrène névrosé… » En pathologie mentale, il existe deux grandes familles, celle des névroses, qui est le fonctionnement normal (statistiquement parlant) de l’homme sain (toujours statistiquement parlant), le tout étant d’avoir le moins de symptômes invalidants au quotidien. Puis celle des psychoses (folies) dont les schizophrènes représente la majeure partie. Je suis très chiant, juste pour dire « qu’un schizo névrosé » ne peut pas exister, eh, ils sont assez chargés comme ça, pas la peine de leur en rajouter. Maintenant, on s’en fout, car tu m’as donné envie de voir urgemment ce film ! :o))
· Il y a plus de 6 ans ·Hervé Lénervé
La fuite fait partie des envies. Ne dit-on pas, » j’aurais eu envie de fuir, mais mon éducation me l’interdisait. » Problème culturel, les animaux ne s’embarrassent pas avec ça. L’attaque ou la fuite sont leur principe de fonctionnement. Je ne sais pas ce qui m’arrive aujourd’hui, d’être si chiant, je dois être malade ou fou ? :o))
· Il y a plus de 6 ans ·Hervé Lénervé
Je prends note de tes remarques et je vais modifier mon texte. Merci beaucoup. Je ne suis pas un spécialiste des pathologies mentales mais le sujet m'a toujours intéressé lorsqu'il est traité au cinéma. Cela donne souvent des scenarii captivants. Je serais heureux de connaitre ton avis sur "spider". Sinon, il y a dans le même registre "Voices" et "Un homme d'exception" qui sont excellents.
· Il y a plus de 6 ans ·daniel-m
Du coup, je me rends compte que c'est allociné qui m'a enduit d'erreur. Les synopsis je les pompe en général sur leur site ou directement sur la jaquette du DVD.
· Il y a plus de 6 ans ·daniel-m
Les schizo-névrosés ça n'existe pas? Ah bon, je croyais pourtant que Macron....
· Il y a plus de 6 ans ·arthur-roubignolle
SPOIL
· Il y a plus de 6 ans ·En effet, l'interprétation de Ralph Fiennes est magistrale !! Quelques scènes sont amusantes (la directrice du pensionnaire, la pouffiasse et le père) pour le reste, je dirais captivant. Le vieux aussi est énorme, je conserve d'ailleurs une phrase puissante. "L'habit ne fait pas l'homme mais lorsqu'il n'a pas assez de l'homme, on met plus d'habit" Ensuite à votre avis, a t-il tué sa mère ou la traînée ?
julien-greco
Je ne vais pas divulgâcher ou si peu, mais à mon avis, la "trainée" comme tu dis, n’existe que dans l’imagination de spider comme la plupart des éléments du film. Le geste fatal de spider (déjà schyzo pendant sa jeunesse) est le geste que son mental d'enfant a refusé et que le spider adulte tente d’élucider et d'accepter. La question finale reste "Est ce qu'il va l'accepter pour vivre normalement sa vie d'adulte ou pas ?" Je pense perso qu'il est mal barré.
· Il y a plus de 6 ans ·daniel-m
Je suis complètement d'accord et je dirais même que je n'ai rien n'a rajouté : )
· Il y a plus de 6 ans ·julien-greco
Je note ! J'en ai une sur mon plafond : )
· Il y a plus de 6 ans ·julien-greco