Autrefois mesdames

aile68

Il est beau mon Prince charmant, il vit dans un château aux pierres ocrées, son cheval blanc dort à l'écurie, digne et fier comme Artaban. Les soirs de grande fête, il danse avec les pucelles de toute la contrée, elles se précipitent et se pâment dans ses bras forts et musclés recouverts d'une veste à soufflets, comme on faisait jadis. Moi je suis la jeune fille déguisée en page, les soirs de bal costumé, j'ai toujours eu de la tendresse pour ce petit personnage en collant voué au service d'un grand personnage, reine ou roi à la tête d'un royaume puissant de préférence.

Aimer et servir, y en a qui vouent leur vie à cette noble fonction, je sais c'est un devoir qui fait ancien comme autrefois, au temps des grands chapeaux à plumes, des fraises autour du cou, des jabots, des capes et épées. Que j'aime tous ces accessoires d'un autre temps, ils me rappellent des chasses à courre avec le pauvre cerf tout essoufflé et désespéré, les chiens à sa poursuite, furieux comme des harpies. L'image est forte certes, violente même. Mais y a des histoires qui se déroulent aussi dans la tendresse d'un baiser au bord d'une rivière claire comme le jour.

J'ai un château moi aussi. Un page qui possède un château, c'est rigolo! Je suis mon propre seigneur, ma propre reine, je prends mes décisions avec ma belle, une jeune femme douce et avisée comme un professeur sage et judicieux. Ma belle porte le nom de Lys blanc, elle a la pureté d'un visage au teint clair, un jour je lui offrirai une petite couronne, un diadème de perles blanches et une robe de velours pour les longs soirs d'hiver. L'aimer et la servir... Mais tout ceci n'est que rêve et points de croix, une tapisserie que je fais et défais comme Pénélope autrefois.

Aujourd'hui je suis une conteuse de mots beaux, oui les mots sont des histoires, rares et délicats de préférence. Ils dansent un menuet calme et harmonieux, deux jolis mots qui peuvent paraître anciens dans la ville agitée, forêts d'immeubles blancs et hauts, denses comme les grandes métropoles. "Métropole", un mot que j'aime bien, qui dit toute la modernité d'un monde fou. Les chevaux ne peuvent y circuler sans causer un attroupement de curieux badauds, sidérés voire émerveillés, comme autrefois mesdames, à l'époque de la maternelle, lorsque contes et activités créatives se mêlaient entre eux, telles des mains gantées de blanc et, ornées de bagues précieuses et brillantes comme autrefois mesdames, autrefois.

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