Aux premiers jours d'automne

Pierre Magne Comandu

Sur le XIII° et sur le reste de Paris il pleut. Il y a la nuit qui avance avec les voitures qui tournent, autour de la Place d'Italie. Les lumières à la vitre du McDo s'allument et illuminent les rues. Depuis la rue le soir à dix huit heures les passants s'installent à l'intérieur. Ils se réchauffent devant un café viennois du McCafé, bouffent à pleine bouche une brioche cœur chocolat, poussent la porte et puis ils repartent. Certains remontent pour faire s'ouvrir la porte du Franprix à l'angle de la rue Rubens et de l'avenue des Gobelins. Dans le Franprix il y a des petits verres de Macchiato Starbucks à découvrir. Il y a écrit « Vous allez adorer l'automne ». Dans un autre rayon il y a des tablettes de chocolat Lindor, sur l'emballage on voit les carrés cassés découvrir leur cœur fondant. On voit le fond rouge et les cristaux de neige. Il y a du saumon fumé au bois de hêtre, rouge, et des blinis à griller. Il y a, au bout au rayon pain, des odeurs de pain grillé. Il y a le jour bleu clair qui tombe quand les gens rentrent, et la nuit bleu foncée quand ils sortent. Il y a les lumières à l'intérieur du Franprix, leur reflet est filtré par les grands autocollants rouges et jaunes sur la fenêtre. La lumière rouge et jaune se reflète et fond sur l'eau dans l'avenue.


Sur le site François Mitterrand il pleut. Il y a les pleurs de l'eau au long des longues vitres des tours de la BnF. Il y a les reflets des lumières du XIII° dans les planches de bois mouillées du pont de Tolbiac, et du sol de la BnF. En bas des escaliers, l'eau de la pluie recouvre les graviers gris. Les gouttes de la pluie tombent dans la Seine. Elles viennent troubler le cours de ses reflets bleus, ondes et valses et s'en vont. Une goutte s'y noie, d'autres gouttes y reviennent. Par milliers. Par millions. Par milliards. De l'autre côté de la Seine il y a la verrière de la gare de Lyon, elle laisse passer en elle la lumière bleue du soir sombre. Il y a des passants en imperméable, ils sortent de la gare de Lyon. 


Il y a le M jaune du métro devant la gare de Lyon, on ne remarque sa lumière brillante que quand la nuit se lève. Il y a les punks avec des cheveux bleus qui commencent à se réunir à la sortie du métro Bastille et à fumer des joints, et des rires devant l'entrée des bars bien plus tôt qu'en été. Il y a ceux qui passent de côté de l'Opéra Bastille et qui regardent la Seine depuis l'esplanade. Il y a ceux-là, qui après avoir marché dans la nuit rentreront sûrement chez eux, sous une couverture chaude avec des parfums d'encens. Dans leur appartement sous les toits, la lumière chaude et jaune s'éteindra, ils mangeront peut-être des pancakes au sirop d'érable en allumant le chauffage et en faisant griller du pain. Ils allumeront une bougie parfumée et écouteront de la musique celtique relaxante avant d'aller dormir un premier soir d'automne. 


En remontant tout droit à l'ouest de Bastille, la nuit Les Halles fermeront, et il n'y aura plus personne derrière les portes de fer grises sous la terre. Les passants iront tranquillement dans un restaurant chic du Marais, déguster un fondant au chocolat et boire un chocolat chaud. Avant de rentrer on s'emmitouflera dans une petite veste et le lendemain, on mettra une écharpe. Avec le jour qui tombe et la nuit qui se lève, on rentrera les yeux un peu fatigués par la douceur de la lumière. Comme un enfant qui dort, on aura un cœur léger parmi les feuilles orangées qui sont tombées. Les odeurs de café et de Macchiato resteront sur les doigts. Il y aura pour nous bercer la lumière vaste de l'écran de l'ordinateur, et la douceur de ses touches noires rétroéclairées de bleu. Il n'y aura plus de métro. Il n'y aura plus de bus. Il y a encore le son de la pluie aux fenêtres.


Et plein de choses encore.

  • La répétition des "il y a" donne un rythme à la description de l'ambiance. Elle même nait de cette accumulation de faits et gestes, d'odeurs de visions. Vous auriez pu continuer longtemps comme çà : cela aurait donné un petit côté Perec à cette histoire du temps qui passe.

    · Il y a plus de 9 ans ·
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    blanche-dubois

    • Merci beaucoup ! Il y a toujours en effet Perec qui ressurgit quand j'écris des petits inventaires comme ceux-là. Le texte fait partie de mon roman, je l'ai adapté pour qu'il soit indépendant ici. Pour qu'il soit plus indépendant encore, ce commentaire me pousse à enlever la fin ; le texte sera toujours ouvert à une continuité permanente.

      · Il y a plus de 9 ans ·
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      Pierre Magne Comandu

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