Avis de décès

Magali Aïta

La grande faucheuse a encore frappé.

Il est rentré à son domicile plus tôt que d’habitude. Surprenant son épouse avec un baiser rapide dans le cou. Elle lève la tête de son livre, le regard interrogatif, elle attend un mot de sa part. Il s’installe dans le fauteuil en face d’elle, le blouson encore sur le dos, les chaussures de sécurité aux pieds. Le visage fermé, les cernes sous les yeux, témoignent de l’abattement qui lui serre le cœur. Les nuits d’insomnie se sont succédées malgré les médicaments, les tisanes ou autres potions artisanales.

-       C’est fini, elle est partie.

Ils s’y attendaient, mais la date de l’issue funeste se reportait. À force, l’espoir avait recommencé à les habiter. En cette après-midi d’hiver, le froid vient de s’installer, pourtant le feu dans la cheminée crépite joyeusement.

-       Elle a bien vécu, comment a-t-elle pu en arriver là ?

L’homme se parle à lui même, la tête entre les mains, il n’arrive pas à croire en cette disparition. Une de plus, une parmi tant d’autres, mais comment accepter une mort programmée ? Ils ont tous donné leur accord pour cette euthanasie, mais maintenant que l’irréversible a eu lieu, la colère prend la place de l’abattement.

-       Putain, si je savais comment, je le leur ferai payer…

L’épouse attentive, l’écoute, elle est soulagée. Car elle espère que demain sera meilleur, que la crise passée, le printemps  reviendra. Mais avant cela, il faudra l’annoncer à leurs deux fils, encore au collège, ils ne se doutent de rien. Elle leur expliquera avec des mots simples, que rien ne sera plus comme avant. Ce sera différent, ils s’adapteront, mais ont-ils le choix ?

Le mari se lève alors que l’Église sonne 17h. Il plie son bonnet rouge avec une lenteur de dépit. Il jette sur la table du salon le badge d’accès. Il ne lui servira plus. C’est fini, la boîte a fermé.

 

 

 

 

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