Bac

La Louve Et Le Sphinx

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Je dois admettre qu'un mois avant les épreuves du bac, je n'en menais pas large. Pour vous faire une confidence, il m'arrive même d'en rêver encore la nuit !

Il est vrai que j'étais très mal barré. Au bac de français, j'avais cartonné ce qui m'avait permis de gratter quinze points d'avance. À l'oral, j'avais eu de la chance en tombant sur « qu'est-ce que le fantastique ? ». J'avais atomisé mon interlocutrice en lui parlant du roman noir, versus Matthew Gregory Lewis, de Mervyn Peake et en me permettant une incursion dans la science-fiction.

Au bac blanc en terminale fini la rigolade. En économie, d'Adam Smith je ne connaissais qu'un vague descendant, Robert, Galbraith me renvoyait à Robin Guthrie, le guitariste des Cocteau Twins et Keynes me faisait penser à une marque de ketchup.

Pourtant, ce n'est pas dans cette matière que j'atteignais le fond. En phytotechnie, je confirmais mon désintérêt pour l'oïdium et la semelle de battance. En zootechnie, le prof pris à peine le temps de m'interroger après que, par provocation, je m'étais essayé de calculer une ration pour vaches allaitantes avec des tourteaux de papaye. Il préféra me faire son prosélytisme sur Lutte Ouvrière.

Inutile de vous faire une liste à la Prévert de ma médiocrité. Sur le papier, il me manquait soixante-dix points. J'avais beau dire que le bac n'était qu'une formalité, je dois admettre que la méthode Coué avait du mal à passer. Heureusement, Fanfan est passée par là (cf. Dans les abysses).

Le grand jour arriva. Tous les Imodium de la Terre n'aurait rien pu faire pour m'aider à solidifier mon bol alimentaire. Mais bon, nous étions tous à peu près dans le même état, les matheux qui souhaitaient intégrer les prépas de math sup agro en premier chef.

En Maths et en sciences physiques, j'ai pour ainsi dire rendu copie blanche. J'étais incapable d'en comprendre la moindre ligne. Je peux vous assurer que quatre heures à gober les mouches, c'est interminable.

Je savais que je n'avais alors d'autre choix que, à défaut de cartonner, de ne me planter sur aucune des autres matières. Les dieux furent avec moi. Dans les matières techniques, sciences économiques, phyto et zoo, je tombais sur des sujets que je maîtrisais. J'avais compris durant les révisions que ce n'était pas des matières compliquées mais je dus me taper quelques nuits blanches, et encore à l'eau claire à cette époque, pour m'enfiler les pavés.

La gémellité a quelquefois du bon. Nous en avions déjà joué avec mon frère pour l'oral du bac de français. Nous récidivâmes pour l'anglais. La prof qui nous faisait passer l'épreuve fut littéralement subjuguée par notre ressemblance. Nous nous étions arrangés pour que je passe pendant que Benoît préparait le sujet. Au final, après quinze minutes de papotage sur l'homozygotie en français, elle pensa enfin à m'interroger dans la langue que j'avais tant appréciée lors de mes immersions linguistiques et qu'il m'était alors impossible de parler la bouche pleine.

Nous avions passé les épreuves au lycée agricole d'Amiens. Le jour des résultats, c'est donc la prof de maths qu'il fallut appeler pour les connaître. Je sentis qu'elle était légèrement haineuse  de nous annoncer que les frères Petit étaient admis sans repasser par l'oral, contrairement à tous mes camarades qui se dirigeaient vers les classes scientifiques et qui s'étaient cassé les dents dans son épreuve.

Le  plus amusant est que je retrouvais tous mes profs de terminale quelques années plus tard pour les découvrir sous un autre jour. Marie-Laure, ma compagne de l'époque, était entre temps devenue prof d'économie au lycée agricole d'Arras.

Mais ceci est une autre histoire …

PetiSaintLeu

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