Balade à la boutique de l'emploi.

bemol

Cet après-midi,
j'suis allé à la boutique de l'emploi,
les mains dans les poches...
Non pas qu'il fasse froid,
le printemps est là,
mais je ne veux personne au-dessus d'moi.
Et de toute façon
à la boutique de l'emploi,
il ne fait jamais froid,
il y a trop d'monde pour avoir froid.

Il y a ceux qui pleurent
en leur for intérieur,
il y a ceux qui rient
mais on n'y croit pas...
Faut bien s'donner un genre
pour s'différencier.
Mais moi, j'm'en fous,
j'ai mes mains dans mes poches.

A la boutique de l'emploi,
on n'achète rien...
On commande seulement,
on commande des laissez-passer,
des laissez-passer pour des rendez-vous,
des rendez-vous pour des entretiens,
des entretiens pour des pis-aller.
Mais moi j'm'en fous,
j'ai mes mains dans mes poches.

A la boutique de l'emploi,
ils ne vendent plus d'emploi...
Ils vendent des objectifs,
des bilans,
des prestations,
avec plein de mots "emploi" dedans.
Des édulcorants
qui donne le goût de l'emploi
mais sans l'emploi...
Mais moi j'm'en fous,
j'ai mes mains dans mes poches.

A la boutique de l'emploi,
Ils vendent des dossiers,
forcément,
il faut bien vendre quelque chose,
quand même,
dans une boutique.
Alors ils vendent des dossiers
mais de beaux dossiers
avec pleins de formulaires dedans...
Mais moi, je m'enfous,
j'ai mes mains dans mes poches.

A la boutique de l'emploi,
l'objectif est de remplir
ces questionnaires,
ces formulaires,
ils aiment bien ça les formulaires,
faut dire qu'il faut du temps
pour remplir un formulaire,
pour répondre à un questionnaire...
Et ça remplit au moins quelques heures
dans l'emploi du temps du vendeur.
Mais moi, j'm'en fous,
j'ai mes mains dans mes poches.

A la boutique de l'emploi,
je ne viens plus pour acheter,
je ne viens plus pour vendre,
je n'ai plus rien à donner,
je n'ai plus rien à prendre.
Et puis, j'm'en fous,
mes poches sont vides,
c'est pour ça que je mets mes mains dedans,
j'y suis tout à mon aise.

Cet après-midi,
ma conseillère était absente,
c'est l'problème parfois
quand on a les poches pleines:
il faut du temps pour les vider.
On m'a demandé si c'était urgent...
Avec les années, il n'y a plus d'urgence,
il faut savoir relativiser...
On m'a proposé d'laisser un mot
pour un rendez-vous,
avant le pis-aller...
J'm'y suis collé:
"Je sollicite un rendez-vous auprès de vous
L'urgence est relative, mais je ne vous apprend rien.
"
Et j'ai signé.

Mais moi j'm'en fous,
j'ai mes mains dans mes poches
et à la boutique de l'emploi,
j'y viens pour rêver...
Rêver que j'suis chef d'entreprise,
les poches pleines de relations,
rêver que j'suis footballeur,
les poches pleines d'autographes,
rêver que j'suis sénateurs,
les poches pleines de privilèges,
rêver que j'suis président,
les poches pleines de réformes...
Rêver aussi un peu,
que je mets mes mains
dans les poches de tout c'monde là.

Alors j'suis parti,
après avoir signé,
après avoir rêvé.
J'suis parti,
mes mains dans mes poches,
mes poches vides,
mais pleines de mes poings serrés.
Ouai, les poings serrés!
Parce que maintenant si je m'en fous,
c'est une chose,
mais il ne faut pas pour autant m'chauffer!

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