Balade au clair de l'administration scolaire

caza

Elle est passée par ici, elle repassera par là…...

« Alors maintenant, vous allez m'expliquer comment je vais faire pour me mettre en pointillés dans un placard pendant un an ou trouver une solution avant que je vous retourne le bureau sur la tête, parce que, à ce que je sache, ce n'est pas moi qui ai perdu mon dossier d'inscription, mais vous, vous avez fait une boulette, c'est à vous de réparer, TROUVEZ-MOI UN LYCEE !! ».

C'est Lou qui vient d'hurler de la sorte et ses yeux, noisette d'habitude, sont noirs et lancent des éclairs en direction de la fonctionnaire de l'Éducation Nationale qui la reçoit dans son bureau, avec ses parents, elle ne décolère pas et rien ni personne ne semble en mesure de stopper sa fureur.

Pensez donc : à 6 jours de la rentrée des classes, elle vient d'apprendre que son dossier d'inscription en seconde T4, passage obligé pour entrer en médecine par les biais détournés quand on n'a pas la bosse des maths et que la voie royale vous est donc de facto refusée, a été perdu et qu'il n'y a plus de place dans le lycée qu'elle avait choisi !

Pire encore, cette andouille a osé lui asséner le coup de grâce en proférant à l'adresse de ses parents : « que voulez-vous, votre fille est trop jeune pour passer en seconde et trop vieille pour redoubler sa troisième, je n'ai pas de solution à vous apporter ».

Devant cette sortie, la fonctionnaire balbutie qu'il y aurait bien une solution, mais qu'au vu des résultats scolaires, il faudrait l'accord du directeur du collège pour débloquer la situation, car la seule place qui reste vacante cette année, est en C et elle n'a pas le niveau requis pour y accéder.

La directrice de son collège lui donnera l'accord car elle n'est pas mauvaise élève, elle a juste pris pour argent comptant ce que lui a raconté sa déléguée de classe à l'issue du second trimestre, à savoir qu'elle n'avait pas le niveau requis et qu'elle ne passerait donc pas en seconde C, alors qu'en fait, sa déléguée lui a juste dit cela par jalousie, si elle s'était accrochée, elle aurait eu le niveau, c'est donc une chance inespérée en fait, de pouvoir suivre les études qu'elle veut.

Lou se souviendra longtemps de son premier cours de maths : le professeur est entré dans la classe et après les présentations, s'est dirigé vers le tableau noir qu'il s'est mis à remplir sur toutes ses faces, soit 6 panneaux d'un mètre vingt de large sur deux de hauteur, de phrases incompréhensibles.

Elle pensait que c'était le programme de l'année, mais quand il s'est arrêté d'écrire, le professeur a simplement énoncé ; « voilà, je considère que tout ce que je viens d'écrire est acquis, je ne reviendrai donc pas dessus cette année » et là, elle a compris que la partie s'annonçait sous de mauvais auspices.

Ajoutez à cela une professeure d'anglais qui a l'accent marseillais et un prof de physique chimie qui pense s'adresser à des terminales, et vous comprendrez pourquoi en septembre de l'an d'après, la même scène se déroule dans un bureau terne de l'académie de Créteil….

En effet, un an jour pour jour, la fonctionnaire de l'Éducation Nationale voit débarquer Lou et ses parents dans son bureau pour la seconde fois, l'administration ayant encore eu l'outrecuidance de perdre le dossier d'inscription alors que Lou avait arraché de haute lutte le droit d'être prioritaire sur les entrants en T4 du fait de l'erreur de l'an d'avant……

Mais cette fois, la fonctionnaire, sans doute échaudée, avait préparé sa réponse et Lou s'est vue proposer d'intégrer une seconde AB par manque de place chronique en T4.

Dire que cette année là fut paradisiaque est encore en-dessous de la vérité tant elle s'est promenée.

Habituée à trimer pour des résultats nuls en C, elle se retrouve à corriger les fautes dans les énoncés des problèmes de sa prof de maths !

À tel point qu'à l'issue de l'année scolaire, ses professeurs veulent la faire admettre en première B, économie.

Mais l'économie n'est pas sa tasse de thé et, déjà rebutée par le système scolaire, elle n'a qu'une envie, trouver une section où elle pourra se reposer sur ses lauriers avec à la clef, un bac qui lui permettra de trouver du travail si jamais elle ne peut toujours pas rembrancher une filière médicale ou para-médicale à l'issue.

Après avoir passé du temps à éplucher les livrets récupérés auprès des conseillers d'orientation, elle jette son dévolu sur une première G3, le fameux bac poubelle chanté par Sardou, et convainc ses parents d'accepter ce choix.

Il y aurait tant à dire sur cette année, qu'il vaut mieux ne retenir que le dernier tête-à-tête du professeur principal avec ses élèves, où Lou, à qui celui-ci vient d'indiquer qu'il s'opposerait à son passage en terminale, lui rétorque qu'elle s'en fout, qu'elle devrait déjà y être en terminale et qu'il peut bien décider de ce qu'il veut, elle en a pris son parti….

Pourtant, la réaction de ce professeur va aller au-delà de ce qu'elle pense, loin de lui tenir grief de cette sortie peu amène, il va prendre le temps de l'écouter et lui met un marché dans les mains : « voilà, tu es bonne élève et tes notes en français et en langues sont au-dessus de la moyenne. Je te propose de passer en terminale A4, et si tu veux te rassurer sur tes capacités, tu peux passer un examen juste pour vérifier que tu es apte, ou accepter de suite, sans examen, à toi de voir.

OK, banco, je passe en A4, je vous fais confiance, pas d'examen ».

À la rentrée septembre, tout le monde dans sa nouvelle classe la regarde en biais, pensez, cela ne s'était jamais vu, et cela ne s'est pas reproduit depuis, qu'une élève passe de G en A, l'inverse oui, plus souvent qu'on ne pense, et même des élèves qui tombent de C ou D en A, comme Jean-Michel.

Les professeurs l'ont avertie, ils vont la noter comme les autres, ceux qui ont suivi la filière littéraire et philo depuis le début, la marche est haute, à elle de s'accrocher, il n'y aura pas de passe-droit.

Elle a même passé un contrat moral avec son prof d'anglais : le jour où il lui mettra un 16, c'est qu'elle vaudra un 18, il va la noter beaucoup plus durement que tous les autres, car si son niveau à l'oral est satisfaisant, l'écrit pêche.

Aussi, plusieurs mois plus tard, lorsqu'il ne lui rend pas sa copie et lui pose la question : « Jean-Michel et toi avez fait les mêmes fautes, lequel des deux a copié sur l'autre ? »

elle peut lui réponde, sans ciller « nous avons passé un marché en début d'année vous et moi, je n'ai jamais dévié. » et être fière du résultat : il lui met 16 et Jean-Michel, absent, récolte un zéro.

Dans son dos, à ce moment-là, plusieurs cicatrices de coups de couteaux cessent de la piquer….

  • Je ne suis pas sur d'avoir compris toutes les subtilités de ce texte très intéressant, mais il m'a rappelé mon cursus (mot pompeux qui ne veux rien dire :o) ). En troisième j'avais demandé de faire le conservatoire de musique de Strasbourg. Je voulais être musicien. Ma prof principale (prof de français) avait dit à mes parents que j'étais trop nul en math et que ce ne serait pas possible. Mon père qui ne voulait pas que je me salisse les mains au boulot s'est débrouillé pour que je me retrouve dans une section dessinateur en bâtiment (j'étais doué pour le dessin d'art). Bref, j'ai bossé dix ans dans un atelier d'architecture (pistonné par mon père), puis dix ans dans une administration en tant que dessinateur industriel. Aujourd'hui je suis jardinier des espaces publiques depuis presque vingt ans et j'attends avec impatience ma retraite parce que mon corps ne suit plus. Je n'ai jamais vraiment bien gagné ma vie et cela a eu de grosses conséquences sur ma vie privée ... Bref, l'école, l'orientation, toussa, ... C'est une grosse daube ! A chacun de choisir sa route avec le maximum d’ambition.

    · Il y a plus de 5 ans ·
    Gaston

    daniel-m

    • "La chose la plus importante à toute la vie est le choix du métier : le hasard en dispose" Blaise Pascal
      Quand on sait ça, on s'arrange avec le reste, non ?

      · Il y a plus de 5 ans ·
      20180820 215246

      caza

    • Tout à fait, on essaye de faire son chemin, on essaye.

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Gaston

      daniel-m

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