BANDE SOUS DESSINEE

le_gallicaire_fantaisiste

Hitch ! Splitch !

La pluie bat les trottoirs et le corps de la fille qui court dans la nuit noire.

La ville dort dans ses profondeurs.

Elle ne montre à personne ses longues jambes effilée au dessus de ses talons, sous sa jupe courte trempée qui dégouline de ciel.

Noir – Cadre noir. Un seul trait épais tout autour qui l'enferme, qui l'enserre. Au centre, au crayon, sans couleur, délavée, on la voit de derrière, le tissu plaqué sur sa peau, les traits de pluie obliquent qui la pique.

Vite, elle fuit quelque chose, quelqu'un qui est derrière, qui la poursuit dans l'autre fenêtre à travers une cour pavée.

Des gouttières qui s'alignent, les unes après les autres, d'un immeuble à l'autre après l'impasse plus sombre, tout le long de cette ruelle qui n'en fini pas d'onduler.

Avec toute l'eau qui dégouline sur les pavés, on sait qu'ils glissent, qu'ils brillent, elle court sur le dos d'un serpent, qui cherche à l'avaler, qui veut la digérer. L'eau noircie les caniveaux puis s'engouffre dans des bouches, des grilles devant, pareilles à des dents la dévore quand elle chute.

La fille tape contre des portes sans attendre qu'on lui ouvre, elle avance, elle s'enfonce, ça ne sert à rien c'est sûr, juste sa main toute fine dessinée au milieu d'un carré blanc grand ouvert, avec le fil du bois en arrière plan.

De dos encore ses bras qui se lèvent, sa taille étranglée et puis ses poings qui tambourinent, cette fois tout en même temps, de loin puis de très près, juste derrière elle, contre ses cheveux, près de sa nuque à presque rien de sentir son souffle étranger, froid, méthodique.

Il n'en est pas à son coup d'essai, il l'a déjà fait, il va recommencé ce soir, ça le calme, pas elle.

Au secours !

C'est écrit au-dessus de la tête de la fille, en gros, en gras, à l'américaine.

Ses longs cheveux noirs plaqués, un gros plan sur ses yeux écarquillés, c'est sûr la fille est terrifiée, elle est fragile, belle, belle comme toutes les femmes, victimes potentielles.

Les murs se découpent en briques régulières, tellement parfaites, on les regarde en décrochant les yeux du trottoir. Porter le regard vers le haut, toujours plus loin, toujours plus haut avec l'impression que de plus en plus élevés, étirés comme de la guimauve, ils se rejoignent quelque part. Ils vont bientôt se toucher, se déchirer, s'arracher brutalement d'une force extérieure, suprême, impitoyable.

Lui, il aime les friandises. Le rouge. Le sucre. Le blanc et le rose suivant ce tracé catégorique, deux lignes qui ne se rejoignent jamais, c'est pourquoi il les trouve magiques, effrayantes, comme les trottoirs qui bordent la rue qui la conduit vers son destin à la page qui précède et comme ses deux jambes, tant qu'elle court.

Maintenant jonchée de cadavres de rats tués par des chats, de chats tués par des hommes, cette rue n'est plus qu'un sinistre cimetière de bouteilles de bière vides que certains de ces hommes ont bu.

La gamine saute de flaques noires en flaques noires par dessus les bouteilles. Encore des efforts suprêmes, l'instinct de survie qui voit venir et se débat pour elle qui n'a plus la force.

Excellent, ça l'amuse. Mais pas elle, seulement lui qui se félicite de l'avoir choisi elle, justement cette nuit, au hasard.

Et puis là ça y est, le moment est venu, il a sorti son arme, dans l'encadré où la fille a plongé toute seule, comme toi tout à l'heure, la lame occupe tout l'espace.

Regardes bien cette fille, c'est toi en fait qu'on assassine. Mais regardes bien aussi, à la fin, quand c'est cette fille qui tue l'homme et qu'à cet instant précis tu comprends que cet homme qui te ressemble trait pour trait, c'est toi.

-- Vas-y maintenant retournes-toi, t'as le temps de mieux te regarder, alors prends-le !

D'un côté du cadre, il y a un corps au sol battu par la pluie qui t'appartient et de l'autre les gros titres de la presse du lendemain qui disent seulement qu'on ignore tout du meurtrier.


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