« Beginning after the End. »
briseis
Chapitre 4.
Aurélien est réveillé par la sonnerie de son téléphone. Tchaïkovski. Il passe une main sur son visage et décroche, saluant Éden d'une voix pâteuse. « J'ai envie de sortir » dit-elle. Instantanément, le jeune homme se lève, comme s'il avait reçu une décharge électrique. Il demande un lieu, une heure de rendez-vous, tout en s'habillant. Il est six heures du matin, et il s'apprête à aller la chercher chez elle. Il ne lui reproche pas d'avoir appelé si tôt, il ne regrette pas de sonner à sa porte à une heure pareille. Il se dit que le plus dur est fait. Il a donné à sa jolie voisine l'envie d'avoir envie.
La jeune fille ouvre la porte et ne prend pas la peine d'inviter son ami à rentrer, elle se glisse dans une paire de baskets sur le palier et ils dévalent les escaliers en courant. En la regardant, Aurélien ne voit pas la moindre trace de joie, ou de gaieté. La seule chose qu'il remarque, c'est le regard plus vif et plus curieux d'Éden. Désormais, elle veut voir la suite. Elle veut se rappeler de ce que ça faisait, d'être une adolescente normale, de sortir normalement, de vivre normalement. Comme elle le faisait avant, comme si rien d'autre n'avait d'importance.
Ils sortent dans la rue et la ville encore endormie ne semble pas faire attention à eux. Ils marchent silencieusement, comme s'ils ne voulaient pas troubler le calme qui pèse sur le quartier. Ils ne retournent pas au parc, mais ils empruntent un vélo en libre service. Un pour deux, après l'aveu un peu gêné d'Éden : « Je ne sais pas en faire. ». Aurélien s'installe sur la selle, un pied comme béquille et l'autre sur la pédale, tandis que la jeune fille grimpe maladroitement sur le porte-bagage. Une légère impulsion, et ils roulent sur la piste cyclable. La route semble plus éveillé que les habitants, il y a déjà des voitures au carrefour qu'ils traversent rapidement. Ils s'éloignent du centre avec soulagement et choisissent de partir vers la campagne. Dans son sac, Éden a glissé deux sandwichs au jambon, deux pommes et une grande bouteille d'eau. Ils pourront pique-niquer dans un pré tranquille, sans se soucier de l'heure à laquelle ils rentreront, elle a laissé un mot à ses parents. On ne fait pas encore de folie aujourd'hui, mais ça viendra.
Sur un chemin de terre parsemé de cailloux, ils descendent de leur bicyclette et marchent au pas en la tirant avec eux. Ils préfèrent ne pas l'abîmer. Souvent muette lors de leurs rendez-vous, Éden entame néanmoins la conversation. Après de longues heures à rester sans parler, seulement à s'observer, elle désire connaitre un peu plus la vie de celui qui l'aide à surmonter ces horribles vacances.
« Pourquoi tu ne pars pas ? demande-t-elle. La plupart des élèves du collège sont aux Etats-Unis ou en Espagne. Toi tu restes chez toi, tout seul.
- Avec toi, précise-t-il avec un léger sourire. Mes parents et moi, on ne part souvent qu'à Noël pour aller en Écosse, voir de la famille. Le voyage coûte assez cher alors on préfère rester ici l'été. Et toi, pourquoi tu n'es pas partie ? »
Il se mord la lèvre en comprenant soudainement que sa question est idiote. Après une difficile inspiration, elle répond rapidement :
« Cette année, on manquait d'envie. »
Cela clos le débat, mais seulement pour un temps. Un peu plus tard, lorsqu'ils s'asseyent au milieu d'un champ pour se reposer, c'est lui qui parle - comme souvent, en vérité. Pour la première fois depuis le drame, Éden est de nouveau confronté à la mort de sa sœur.
« Tu sais, elle est partie maintenant. Elle ne reviendra pas. Tu ne peux pas l'oublier, mais tu dois arrêter de penser à ce qui lui est arrivé. »
Elle ne répond pas, joue du bout des doigts avec une pâquerette qui lui frôle le pied.
« Je sais ce qu'il se passe dans ta tête. Tu ressasses les mêmes images, encore et encore en espérant que ça change quelque chose. Mais après autant de temps, tu dois bien te dire que ça ne change rien, pas vrai ? Tu n'aurais pas pu la sauver, même si c'est ce que tu crois. Les choses sont ainsi et il faut faire avec. »
Il soupire avec, aux coins des lèvres un sourire désolé.
« Je parle un peu trop, non ? Enfin, c'est pas comme si j'en savais quoi que ce soit. Mais tu sais, te remettre à vivre, ce n'est pas faire comme si rien ne s'était passé. C'est juste l'accepter. Faire ton deuil. Je veux bien croire que ça prendra un peu de temps, mais il va bien falloir te tourner vers autre chose que toute cette histoire. Vers l'avenir. »
Dans sa tête, Éden se demande ce qu'il veut dire par "toute cette histoire". La maladie de sa sœur aînée, qui lui gangrenait le cerveau ? Sa dépression, qui empoisonnait le quotidien de toute leur famille d'inquiétude et de crainte ? Son suicide, qui a prouvé à toute la Terre entière qu'une armée de psychologues et de psychiatres ne servent à rien contre la décision d'une jeune fille de dix-neuf ans ? Sa mort, tout simplement. Le fait qu'elle ne soit plus là, qu'elle manque à ses parents, qu'elle torture de cauchemar sa cadette qui restera surement traumatisée jusqu'à la fin de sa vie.
A tout cela, Éden répondra par une simple phrase, articulée sur un ton qu'elle a voulu enjoué : « Demain, on aura qu'à aller au cinéma. »
Continue...
· Il y a plus de 10 ans ·Lisa Azorin
Promis, mais j'hésite sur la suite. J'ai écris plusieurs chapitres et puis ... Je ne sais pas ...
· Il y a plus de 10 ans ·briseis
Ecris, quand ça vient, comme ça vient, peu importe les incohérences. Abandonne le temps nécessaire, reviens-y quand l'envie te revient. Mais surtout, ne te pose pas de questions. C'est la meilleure manière de se perdre...
· Il y a plus de 10 ans ·Lisa Azorin