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     Quand les chevaliers chrétiens partirent pour les Croisades sur simple ordre du Pape, on peut dire qu’ils avaient la foi. La croyance religieuse les habitait, ce qui les guida en terre inconnue et les poussa au crime, pourtant pêché capital.

   Dans les contes, lorsque le prince charmant traverse les flammes sur son blanc destrier et brave tous les obstacles pour les hypothétiques beaux yeux d’une princesse qu’il n’a même jamais vue, on peut dire qu’il croit également : il croit que la princesse est belle, intelligente, capable de s’engager, avec un boulot intéressant et des avantages sociaux. Or, avant sa quête, le crédule chevalier sait uniquement que la « fille de » en question est une boulimique de sommeil maladroite au possible, une croqueuse de pommes (et d’hommes, rapport aux sept nains) et que ses parents possèdent un château.

   En amour, on dit souvent qu’il faut apprendre à connaître quelqu’un, pour laisser s’épanouir ses sentiments. Mais on dit aussi que le mystère est la meilleure arme de séduction massive. Entretenir ce mystère et suggérer les bonnes choses au bon moment permet d’attiser le brasier affectif et surtout, la croyance, la foi de l’autre en nous. Comment croyez-vous que Dieu a tenu en émoi tous ses fidèles au cours des siècles ? En exhibant les scandales de confessions très particulières entre prêtres et enfin de chœur ? Non ! Mais en ne s’exposant pas à la face du monde, en se rendant inaccessible et mystérieux, malgré une rapide biographie de son fils.

 En amour, doit-on se mettre à nu, ou donner à croire ?

     Une visite à mon amie F. pour prendre une menthe à l’eau se transforme rapidement en cours intitulé : « L’Art de Séduire », ou « Comment dois-je changer pour garder un Mec, en 10 Leçons ». Et c’est bien connu, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. J’écoutais donc les conseils de F. avec l’ardeur d’une grenouille de bénitier écoutant son confesseur.

   Selon F., c’est mon introduction qui mettait en danger le développement futur de ma relation naissante. J’avais effectivement une fâcheuse tendance à révéler un peu trop vite mon palmarès sexuel, et à rire un peu trop fort de mes deux mois et demi de relation jamais dépassés (mieux vaut en rire qu’en pleurer, tel est mon humble avis). Et bien que l’œil de mon interlocuteur se mette à briller à l’évocation du nombre de mes conquêtes – nombre qui laisse entrevoir une fille désinhibée atteignant un haut degré de salope-attitude au lit -, son inconscient ne lui envoyait pas moins un message négatif. « Cette fille est mon égal (voire « m’est supérieure » dans la plupart des cas...) et elles est incapable de s’engager. »Seule alternative : le bon gros plan cul des familles !

   Tel était mon message d’accroche ! et pour F. (que je devrais très sérieusement songer à engager à plein temps), il était temps que je me livre à une petite expérience, au nom de la science, cela va sans dire !  Et on sait bien que dans ce cas précis, on ne doit pas hésiter à être politiquement incorrect. Ma « mission » était donc la suivante : déclarer à mon prochain choubidou, en le regardant droit dans les yeux, que je suis une fille avec peu d’expérience et une longue relation de plus d’un an à mon actif. Je suis une copine sympa, j’écoute toujours (bon, ok, presque toujours) les conseils de mes amies. Surtout quand ils sont hautement politiquement incorrects. Je veux dire, surtout quand c’est au nom de la science… Reste à trouver le cobaye ! Mais dans une grande ville comme Paris, peuplées de jeunes spécimens mâles en rut, ça ne devrait pas être bien compliqué. Surtout si je les attire avec de la bière…

   Mais d’un autre côté, ne dit-on pas qu’une personne qui vous aime se doit de vous accepter tel que vous êtes ? Dieu nous dit : « tu aimeras ton prochain sans distinction de race, de religion ou de physique » (j’ai fait un petit mix avec la Déclaration des Droits de l’Homme, pour les besoins de la cause !). C’est pour ça qu’on a été bien surpris quand les prêtres pédophiles se sont fait  radier ! Sans pousser la tolérance aussi loin, l’accumulation des partenaires sexuels est-elle un véritable handicap ? Comme une équipe de foot sans un onzième joueur ? Ou plutôt dans ce cas précis, avec un cinquantième baiseur ? On croit ce que l’on voit dit-on. Mais l’on préfère voir ce que l’on veut.

     Personnellement, je ne crois qu’en Rafael Nadal et Yves Saint-Laurent.

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