Bienvenue au paradis

Pascal Bléval

En hommage à Mandéla

Le 5 décembre, à 23 h…

Après avoir contemplé quelques instants sa dépouille mortelle, l’âme de Nelson Rolihlahla Mandela s’envole sans aucun regret. « J’ai eu une vie bien remplie, et je suis fier de ce que j’ai accompli », se dit-il en se présentant devant les portes d'airain du paradis.

Saint Pierre, assis derrière un bureau et penché sur une pile de documents, s’adresse aussitôt à Mandela, sans relever la tête :

—     Nom, prénom, âge ?

—     Mandela, Nelson, quatre-vingt-quinze ans, répond celui-ci par réflexe.

—     Il me semblait bien vous avoir reconnu. Bienvenue au paradis ! Il ne nous reste donc plus qu’une formalité d’usage, avant de choisir votre destination finale.

Alors, du regard de l’expert, l’Ange jauge la qualité du nouvel arrivant.

—     Hum, conclut-il… Fondation d’un mouvement armé et violent… Organisation de campagnes de sabotage à l’origine de plusieurs morts parmi vos frères humains… Préparation d’une guérilla… Si j’osais un vilain jeu de mots, je dirais que votre âme est noire, Monsieur Mandela.

Gabriel apparaît aussitôt :

—     J’ai déposé il y a cinq cycles un copyright sur cette blague de « l’âme noire », Pierre. Tu me dois une plume.

De mauvaise grâce, Saint-Pierre s’exécute et donne une de ses plumes à son collègue, qui disparaît dans un nuage de fumée blanche.

—     Mais, tout le reste de ma vie, tente de plaider Mandela, j’ai…

Sans un mot, Saint-Pierre désigne une porte sur sa gauche. Plus petite, en ferraillerie de mauvaise qualité, elle est gardée par un démon cornu. Celui-ci accueille Mandela avec un sourire tordu.

—     Tu vas te plaire, ici, mon gars. Chez nous, on rigole sec. C’est pas comme chez les emplumés.

 « Je vois que j’ai du boulot, ici aussi », soupire Mandela en franchissant la porte…

Signaler ce texte