Biographie chapitre 1 - 2

Violette Ruer

2

Avril 1947

11, rue Charles Abel à Metz

 

Ma grand-mère paternelle habitait au troisième étage. Balcon du milieu en fer forgé : salle à manger et salon. Fenêtre à gauche celle de la chambre de Mémé Metz et à droite celle de mes parents. La cuisine et la chambre de mon frère et moi donnaient sur l’arrière dans une cour.

          Nous habitions au troisième étage dans un appartement de cinq pièces appartenant à Mémé Metz, grand-mère paternelle. Elle le faisait bien remarquer à maman !

           Avril 1947 : Je me sentais mal, j’étouffais, une douleur atroce dans la poitrine m’empêchait de respirer normalement. J’avais alors huit mois. Je hurlais de toutes les forces qui me restaient pour que quelqu’un me vienne en aide. Maman fût la première à se réveiller. Elle me tâta le front et s’affola : Vianney ! Vite ! Il faut emmener Violette aux urgences ! Elle ne respire presque plus !

          Grand-mère sortit de la chambre, les cheveux ébouriffés et de sa voix forte, dit  en allemand, seule langue qu’elle connaissait : Warum schreist du so in der mitte nacht ? (Pourquoi cries-tu ainsi au milieu de la nuit ?)

          Personne ne lui accorda d’importance, les préoccupations étaient ailleurs. Papa m’enveloppa dans une couverture, me prit dans ses bras et courut jusqu’à l’hôpital Notre Dame de Bon Secours situé à cinquante mètres de l’appartement.

         Premier diagnostic : double pneumonie. Le médecin autorisa mes parents à rester dans la chambre. Commença alors, une interminable nuit de peur et d’incertitude. Ils sursautaient au moindre de mes gestes. Maman pleurait en murmurant : Mon Dieu ne me prenez pas mon bébé encore une fois !

          Cinq ans plus tôt elle était dans la même clinique. Son petit Fernand, âgé de trois semaines venait de décéder suite à une malformation de l’estomac. Le lendemain du drame, elle détruisait tous les meubles de la chambre d’enfant à grands coups de hache avant de sombrer dans une profonde déprime.

           Mon père comprit qu’elle songeait au passé et la serrait contre lui en essuyant ses larmes. Il tentait de la rassurer en cachant sa propre inquiétude : Maüsi chérie, calme-toi…La convulsion est passée…La fièvre va bientôt tomber avec les médicaments…

          8 heures le lendemain matin : J’ouvre les yeux, je remue la tête, puis les bras, je me sens bizarre. Où suis-je ? Ce n’est pas ma chambre ! Qui est cette dame avec son chapeau blanc ? Je veux maman ! Je hurle : Maman ! Papa ! Mes parents se précipitèrent vers mon lit. L’infirmière les rassura : Votre fille va mieux, la phase critique est passée, sa température est presque normale…Nous allons la garder quelques jours en observation par précaution, puis vous pourrez la ramener et continuer le traitement chez vous.

          Une semaine plus tard : arrivée triomphale à la maison. Je découvrais une foule de nouveaux jouets sous l’œil réprobateur de Mémé Metz. Elle ne supportait pas de vivre seule, alors papa avait accepté de cohabiter dans son appartement situé au centre du quartier résidentiel de Metz. Cela devait être une situation temporaire…temporaire qui durait ! Cela arrangeait aussi papa car les Teintureries Réunies, dont il était chef du personnel, étaient très proches. De plus le logement, spacieux et très clair, était  à proximité de tous les commerces.      Mémé Metz, appelée ainsi parce qu’elle habitait metz, mère de six garçons dont trois avaient disparus à la guerre, aigrie par deux divorces, détestait les filles et par voie de conséquence, les femmes. Il ne se passait pas un jour sans qu’elle ne répétât : Hier ist das mein Haus. Vergiß ihn niemals. (Ici c’est ma maison. Ne l’oublie jamais.) Comment maman aurait-elle pu l’oublier ! Chaque jour elle avait droit à cette litanie, sans compter les autres injures et remarques désobligeantes. Barbe portait bien son nom ! C’était le type même de la belle-mère envieuse et chiante ! Mais elle était chez elle ! Alors maman mettait un mouchoir sur ses doléances et se taisait. A cette époque j’étais trop petite pour y mettre mon grain de sel. Ce ne fut pas le cas plus tard.

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