Biographie chapitre I - 5
Violette Ruer
5
1951
Août
Depuis quelques temps, mon frère Vianney et moi toussions très fort. Le médecin diagnostiqua la coqueluche. En effet quelques jours plus tard notre toux ressemblait au chant du coq le matin et notre respiration devenait de plus en plus difficile. La fièvre montait dangereusement et un soir, mon frère eut une convulsion. Il faut l’avoir vu pour se rendre compte à quel point c’est terrifiant, surtout pour une gamine de 5 ans ! J’étais terrorisée ! Ses yeux étaient tout blancs, la pupille semblait avoir disparue. Ses membres se tordaient dans tous les sens et il faisait des soubresauts étranges. Maman garda son sang froid. Elle prit une grande bassine d’eau , y ajouta du vinaigre et y plongea des serviettes. Elle entoura d’abord les pieds de Vianney, puis les mains et ensuite le front jusqu’à l’arrivée du médecin. Le plus affolant fut quand elle lui mit le doigt dans la bouche pour qu’il n’avale pas sa langue. Peu à peu il reprenait une allure normale. Il ne tremblait plus. La crise était passée. Dans l’affolement personne ne s’était aperçu que je voyais tout sauf papa qui venait d’arriver. Il me prit dans ses bras et la blancheur de mon visage disparut peu à peu.
Le lendemain nous vîmes arriver une étrange d’installation. Des bidons, dont je ne me souviens plus du contenu, furent disposés au dessus de nos lits, avec une bizarre machine, un goutte à goutte qui nous permettrait de mieux respirer. La chambre ressemblait à une usine ! Le médecin expliqua que si cela ne suffisait pas pour l’amélioration de notre respiration, il nous faudrait faire un séjour à la montagne.
Une semaine plus tard nous partions dans les Vosges. Le trajet dans la petite Simca cinq fût très pénible. Chaque toux violente nous obligeait à un arrêt. A la nuit tombée, le voyage se termina dans un hôtel, l’hôtel du Parc au Donon, où j’étrennai la couverture verte du lit par un vomissement aussi violent que ma quinte de toux. Vianney en fit de même si bien que nos parents passèrent la nuit à nous surveiller et à réparer les dégâts !
Le lendemain, comme prévu, nous allâmes camper. L’air nous fit du bien et peu à peu la maladie s’éloigna au grand soulagement de tout le monde. Je me souviens des deux tentes canadiennes. Papa et moi dormions dans l’une et Maman et Vianney dans l’autre.
Septembre 1951
Je me trouve au centre de l’image, juste sous la flèche
Une autre année de maternelle commençait. Comme toujours, je portais des vêtements cousus par maman. J’étais fière dans ma robe rouge et mon tablier à plastron volanté. Cette fois j’avais une coupe à la Mireille Mathieu (Dont on n’entendait pas encore parler). Je retournai donc à l’école maternelle Sainte Thérèse mais le cœur plus léger que l’année précédente car cette fois je comprenais le français. Incroyable comme j’avais assimilé cette langue, du moins dans son principal !
Puis maman attendit un nouvel enfant, ce qui aggrava encore la mésentente avec Mémé Metz. Je fus témoin d’une scène que je n’ai jamais oubliée. Maman et grand-mère se disputaient violemment et de rage, mémé Metz lui claqua la porte de la salle de bain sur le ventre. Maman se tordit de douleur et mémé Metz ne fit aucun geste pour lui venir en aide. Quand le soir j’en parlais à papa, grand-mère me traita de menteuse mais maman prit ma défense en disant la vérité. Papa n’en pouvait plus de ces constantes disputes, il ne savait plus que faire pour arranger les choses. Maman aurait certainement aimé déménager…. Papa mit quand même les choses au point avec sa mère.
Cette grand-mère était un vrai paradoxe ! Bien que détestant maman, elle nous emmenait quand même, Vianney et moi, au jardin botanique pour laisser maman se reposer un peu. Mais le plus souvent nous y allions avec maman et mes grands-parents maternels, Alphonse et Catherine Kopp, alias pépé et mémé Montigny car ils habitaient à Montigny lès Metz. Ils mesuraient tous les deux un mètre cinquante cinq et faisaient un couple des plus doux et charmant. Jamais un mot plus haut que l’autre, un vrai plaisir d’être en leur compagnie.
J’adorais le jardin botanique avec toutes ses fleurs diverses et odorantes. D’abord nous nous promenions dans les allées ombragées, nous nous arrêtions au bord du plan d’eau et jetions des petits morceaux de pain ou des restes de goûter aux cygnes. Dans les grandes serres tempérées, nous avions l’air de lilliputiens à côté des immenses palmiers. Puis jeux de sable, avec nos seaux et pelles, dans des bacs disposés çà et là dans le parc.
Aujourd’hui ce parc existe toujours, c’est le plus beau de la ville de Metz, situé entre la rue de Pont-à-Mousson (entrée principale) et la rue de la Vacquinière sur une surface de plus de quatre hectares. Ancien nom : Parc de Frescatelly jusqu’en 1866.
Ce jardin à l’anglaise renferme une multitude de plantes, vivaces, alpines, graminées, roses etc… Un vrai régal pour les yeux lors des beaux jours.
J’ai eu l’occasion d’y retourner après plus de soixante ans ! Les arbres rares de mon enfance avaient l’air de me faire la fête. Par contre les plantes exotiques, dans les serres conçues par Pantz lors de l’exposition universelle en 1861, étaient inaccessibles. J’ai pu revoir le plan d’eau et des cygnes, cependant avec l’interdiction de leur jeter de la nourriture.
Je me souviens très bien du pavillon immense « Frescatelly », qui abrite maintenant le Service des Espaces verts et de Cadre de vie, autrefois une résidence d’été construite par Philippe d’Aubertin de Bionville en 1719. Ce parc est un rare endroit à être gratuit ! Ce fut un véritable bain de jouvence cette promenade !
Reprenons les souvenirs : Pour pépé et mémé Montigny le vendredi était jour de marché situé place de la Nation. A l'époque, l'association des anciens combattants y avait érigé un monument aux morts et les stands du marché se montaient tout autour de cet édifice et sur la place entière. Que c’était beau de voir toutes ces installations multicolores et attirantes ! Je me souviens des achats de pépé Montigny, des bonbons torsadés multicolores à la menthe, du coton à broder DMC mouliné et des petits cadeaux pour sa femme en dehors de la nourriture. Tous deux ne manquaient jamais de nous acheter de petits jouets que nous acceptions avec plaisir et reconnaissance. Nous étions loin des jouets électroniques…. Et pourtant… Nous étions heureux.
Mes grands-parents maternels sentaient bien que maman n'était pas heureuse. Ils n'osaient lui poser des questions pour ne pas raviver sa peine. Ils aimaient beaucoup papa et savait que tout venait de sa mère. Ils espéraient très fort que nous puissions un jour quitter l'appartement pour vivre enfin chez nous mais ils savaient aussi que cela ne se ferait pas sans mal. Comme ils avaient raison!
Papa arriva un soir à la maison, tout excité. En tant que chef du comité d’entreprise, il allait organiser un spectacle pour Noël. Il avait eu une idée lumineuse : chanter avec moi sur scène. Maman, depuis toujours sous le charme de sa voix qui ressemblait, à s’y méprendre, à celle de Tino Rossi, craignait pour moi la peur de chanter devant un public. Papa la rassura : Ne t’en fais pas ma chérie, la petite a une très jolie voix, il suffit de l’entraîner un peu…Nous avons plus d’un mois pour le faire ! J’étais aux anges ! Pourquoi devrais-je avoir peur si mon papa était avec moi sur la scène ? Maman finit par accepter, et partagea notre joie. Elle promit de me faire une très jolie robe longue de princesse.
Barbe alias mémé Metz, ne comprenait pas ce qui se passait depuis que le français était à la mode dans cette famille. Cela devait concerner la chipie vu son visage radieux pensait-elle. Cependant elle ne dit rien, ce n’était pas le moment.
La chanson choisie fut « Virginie mon amie » et les répétitions commencèrent dès le lendemain. Mémé Metz tentait vainement de faire des remarques, personne ne l’écoutait. Elle décida de ne plus assister aux séances de répétition de la « petite princesse ! » surnom que mon père me donnait depuis quelques temps et dont j’étais très fière. Voici les paroles de cette chanson que j’ai retrouvées sur la partition de 1951 :
Près de l’eau
Deux sabots
Les sabots de Virginie
Qui s’est endormie
On voit son joli jupon rose et blanc
Un grand garçon chantant
et courant Dans le vent
Cœur léger, cœur léger
S’est penché tout doucement
Et dit tendrement
Ah quelle est jolie
Virginie mon amie,
Dors, dors, dors, l’enfant dors
Ah que j’aimerais lui confier
Mon secret
Dors, dors, dors, l’enfant dors.
Soleil dans les fleurs
Et l’amour dans les cœurs
Joli, joli roman
Joli, joli printemps
Bonjour à la vie
Et bonjour à ma mie
Je l’aime à la folie
Virginie.
Décembre 1951
Dans la voiture je répétais une dernière fois ma chanson. Maman était nerveuse, le trac la gagnait. La salle Braun était immense et elle avait peur pour sa fille. Pour une fois, Mémé Metz n’avait pas sa mine renfrognée, elle était en admiration devant son fils quand il chantait. Mais elle se réjouissait surtout à l’avance, persuadée que j’allais craquer et qu’ainsi mon père ne me porterait plus aux nues.
Indifférente à son attitude, dès notre arrivée rue Mozart, j’admirais la décoration de la salle. Des lumières multicolores scintillaient au plafond et un grand sapin décoré de boules et de cadeaux ornait la droite de la scène, comme sortis d’un conte de Noël. Papa me laissa un moment, seule dans les coulisses pour présenter le spectacle. Mes yeux d’enfant étaient remplis de fierté quand papa annonça ma chanson.
Maman m’avait rejointe dans les coulisses pour parfaire ma tenue : une robe vaporeuse en organdi et mousseline rose pâle dont les perles et broderies sur les manches ballon scintillaient sous les spots, un diadème en strass posé sur mes cheveux auburn pailletés de rose et d’or, une vraie princesse. Maman avait fait des merveilles. Pour le costume de papa elle avait également passé des heures à coudre des paillettes sur le revers du veston. Elle était très fatiguée mais ne subsistait que l’immense amour pour son mari.
Papa devait d’abord interpréter « Petit papa Noël » Il me fit signe ensuite et je le rejoignis sur l’estrade décorée de branches de sapins enneigées. Il me présenta au public et s’arma de sa mandoline. Après une brève introduction, j’entonnai ma chanson d’une voix claire et cristalline. Je terminai sous un tonnerre d’applaudissements.
Ensuite je chantai en duo avec papa « Minuit chrétien » et ce fut une nouvelle avalanche de félicitations. Maman pleurait de joie. Même mémé Metz était obligée d’admettre que sa petite-fille avait du cran. La soirée se termina par la remise des cadeaux par le père Noël. Mon père me serra contre lui : Tu étais formidable ma chérie ! Cela valait tous les compliments du monde !
Je vais rectifier. Un changement de phrase avec un oubli. Merci
· Il y a environ 11 ans ·Violette Ruer
Le lendemain nous vîmes arriver une étrange d’installation (il faut supprimer le d')
· Il y a environ 11 ans ·Je suis sous le charme, je me rerouve un peu dans ce texte, une grand-ère alsacienne,les berlingot, le marché...
brune-el
Le lendemain nous vîmes arriver une étrange d’installation (il faut supprimer le d')
· Il y a environ 11 ans ·Je suis sous le charme, je me rerouve un peu dans ce texte, une grand-ère alsacienne,les berlingot, le marché...
brune-el