Blanche

floriane

Contribution concours VSD

C'est le plus beau jour de ma vie !

Le plus excitant !

Je me marie, aujourd'hui ! Pour le meilleur et pour le pire !

 

Ma mère, sublime vêtue de son ensemble acheté spécialement pour l'occasion, se tamponne le coin des yeux avec un mouchoir. Je ne l'ai jamais vue si émue… ou peut-être le jour où j'ai décroché le BAC. Enfin, c'était il y a longtemps…

-Comment tu me trouves ? je lui demande, un certaine émotion coincée dans la gorge, en faisant tournoyer le bas de ma robe. Quelque chose de neuf…

-T'es merveilleuse ! Ton père sera si fier de te mener à l'autel !

Je souris à ma mère.

-Bon, je te laisse tranquille pour finir de te préparer…

-D'accord.

                J'embrasse ma mère et elle quitte la chambre de mon enfance, où j'ai pris mes quartiers en ce jour si particulier. Une fois la porte refermée, je pivote sur moi-même. Le tissu de la robe chuinte. Je me retrouve face au psyché. Je me regarde longuement. Ma robe de mariée est sublime ; son bustier plissé orné de minuscules perles argentées,  sa jupe bouillonnée qui bouffe à partir des hanches, et la traîne qui fera de moi la reine de la journée…

                Oui, je me sens reine, belle et… désirable.

                Deux coups brefs contre le bois de la porte.

-Entrez ! je crie, tout en continuant à me reluquer un sourire ravi aux lèvres, certaine que mon amie Ana a encore oublié de me dire quelque chose.

                Quelle est ma surprise quand je l'aperçois dans le reflet du miroir !

-T'es pas censé te trouver là ! dis-je, tout à coup intimidée.

-Ne me dis pas que tu crois à toutes ces sornettes, comme quoi voir la mariée avant la cérémonie porte malheur ?

-Si, justement !

-Daphnée ! me rabroue Christophe, en éclatant de rire. Je t'ai connue beaucoup moins conformiste que ça !

-Tu fais allusion à quoi ?

-Tu ne te souviens pas, vraiment ?

                Oh si je m'en souviens très bien ! Mais  pour l'amour du ciel, ne dis rien ! Pas maintenant !  Il peut pas me faire une chose pareille le jour de mon mariage !?

 -Il faut vraiment que je te rafraîchisse la mémoire ?

-Non, non. Allez, ouste ! Quelqu'un pourrait nous surprendre ! dis-je d'une voix que j'espère calme et sereine.

                Christophe, mon premier grand amour, esquisse un sourire complètement salace, son sourire. Il se retourne vers la porte de mon ancienne chambre et doucement, tourne la clé dans la serrure. Qu'est-ce qu'il fait, là ?

-Donc, ma chère Daphnée, tu as besoin d'un petit rappel…

                Je le vois s'approcher de moi, dans le reflet du psyché. Je déglutis péniblement, sous le charme malgré moi, si beau dans son costume.

-Va rejoindre les autres, je suis déjà assez stressée comme ça ! dis-je en tentant de reprendre mes esprits.

                Il est juste derrière-moi, il ne semble pas vouloir déguerpir d'ici. Il approche sa bouche de plus en plus près de mon oreille. Son souffle tiède effleure mon lobe.

-Tu te souviens de notre première fois ? Tu portais une culotte noire, attachée par des nœuds de chaque côté de tes hanches. Je les avais défaits lentement, avec mes doigts, avec mes dents…

                Il mord mon oreille. Je pousse un petit cri de stupéfaction.  Je ferme les yeux. Les images et les sensations me reviennent… 

                Il continue, d'une voix douce, presque chuchotant :

-Nous avions tellement envie l'un de l'autre… tu te souviens ?

                Oh oui, bon Dieu ! Mes parents, partis pour le week-end, m'avaient laissé seule à la maison. J'en avais grandement profité pour inviter mon petit ami à dormir avec moi. Ils n'en ont jamais rien su, d'ailleurs !

-Tu m'as ouvert la porte, toute intimidée de te retrouver seule avec moi. Intimidée mais rouge de désir ! On n'a même pas eu le temps d'échanger quelques mots… l'envie était trop forte, trop sauvage. Je me suis carrément jeté sur toi. Et tu t'es laissée attaquer, comme une proie docile et totalement consentante. Quoique je ne sais plus lequel de nous deux était la proie…

-Christophe, arrête, c'est du passé tout ça !

Je tente de faire cesser ce petit jeu, mais il faut bien avouer que je manque de volonté.

-C'était qui la proie, hein Daphnée ? C'était qui ? Toi ? demande-t-il en me montrant du doigt dans le miroir.

                Il délaisse le côté droit de mon visage et s'approche tout près de mon oreille gauche.

-Ou moi ? il continue, toujours de sa voix suave et douce.

                Devant mon silence têtu, il poursuit :

-Oui, c'était peut-être moi.       

                Il me lèche l'oreille, juste à côté des magnifiques boucles d'oreilles que ma propre mère a portées à son mariage. Quelque chose de vieux… Des frissons me picotent la peau.

-Tu me faisais ça, tu te souviens ?

                Nos regards se croisent dans le reflet du miroir. Mes souvenirs sont aussi clairs que le feu qui flamboie dans ses yeux à l'instant.

-Et après ? je demande, sans m'en rendre compte.

-Après…

                Il pose ses deux mains sur mes hanches. Il serre son corps contre mon dos. Je sens son érection contre mes fesses. Ses mains remontent lentement jusqu'à mes épaules. Je reste immobile, tétanisée, pantelante. Ses mains redescendent, se faufilent sous mes aisselles et se posent sur mes seins. La réaction ne se fait pas attendre. Mes tétons, emprisonnés sous le bustier de ma robe, se tendent et me font mal.

                Oh oui, je me souviens… la manière dont il les prenait dans sa bouche, les suçait, les aspirait, les aguichait. Un grognement s'échappe de ma gorge sèche.

-Je vois que tu te souviens…

-Christophe, il faut arrêter… la cérémonie va commencer…

-Chut ! Après je t'ai déshabillée. Fébrile, pressé, maladroit même, tant je voulais être en toi. J'ai eu un mal fou à enlever ton soutien-gorge. Mais quand j'ai réussi à te l'arracher, tes seins si beaux, oui ceux que je suis en train de pétrir en ce moment même, m'ont rendu fou, fou, fou…

-Je t'en prie, Chris ! je marmonne, de plus en plus brûlante.

-Oh ! C'est exactement de cette façon que tu me priais de te faire l'amour, ce jour-là… il ne m'en a pas fallu plus pour te jeter sur le canapé du salon. Je t'ai regardée, si nue, si belle. Pas longtemps car je me consumais aussi. Je me suis niché entre tes cuisses, là où tu voulais que je sois, tes jambes tendues sur mes épaules. Tu tremblais à chaque coup de langue. Tu avais ce goût si particulier !

                Dans le reflet du long miroir, j'aperçois Christophe s'accroupir derrière-moi et relever la jupe bouffante de ma robe. Il me pince les fesses. Oh. Il semble apprécier le spectacle de ma jarretière à ruban bleu placé au-dessus de mon genou droit. Quelque chose de bleu…  Il redessine le contour du vêtement avec le bout de son index. Il se mord la lèvre inférieure. Puis sa main remonte le long de ma cuisse. Chair de poule sur ma peau à fleur de désir. Je vais m'embraser. Je ne suis que désir et passion.

                J'explose quand je sens un de ses doigts venir caresser mon clitoris, puis un autre s'introduire dans ma chair humide et offerte. Je deviens un instrument vivant sous ses doigts agiles. Il sait si superbement en jouer qu'il en invente des  notes, des soupirs que je suis la seule à pouvoir souffler.

-Oh !

-Tu aimes ?

-Chris.

                Il me regarde dans les yeux tout en continuant ses accords intimes. Cependant,  dans son regard plongé dans le mien, une flamme m'interpelle. De la gravité ?

-Tu es bien sûr de vouloir l'épouser ? me demande-t-il.

                La bouche entrouverte, son doigt maintenant immobile dans la tiédeur de mon intimité, il attend une réponse.

-Oui.

                Il se retire doucement, porte son doigt à ma bouche.

-Goûte !

                Je lèche et me déguste.

-Sûre ?

-Sûre.

Un éclair de lucidité traverse les brumes de ma folie prénuptiale ; me faire fouiller, explorer, à quelques instants du passage devant le Maire n'est en rien conventionnel. Et alors ? J'ai envie qu'il  poursuive, j'ai envie qu'il tourmente encore le moindre centimètre carré de mon corps.

Le plus beau jour de ma vie, et sans doute l'un des plus érotiques !

-Pour en revenir à notre première fois, il reprend en lâchant ma robe et en me faisant pivoter pour me retrouver face à lui. Il pose son front contre le mien. Son parfum boisé m'entête,  me fait tourner la tête. À mon tour, je lève une main vers lui. Je caresse sa joue, sa tempe. 

                Il m'embrasse, doucement d'abord. Puis la fougue prend le dessus. Nos baisers deviennent fous, puissants. Sa langue dans ma bouche. Mes mains dans ses cheveux. Les siennes autour de mon visage pour mieux m'explorer. Son érection contre moi. Oh.  C'est si bon !

                Lorsque nos visages s'éloignent enfin, j'ai presque perdu le fil de ma respiration. Il passe son doigt sur ma bouche que j'imagine rougie par ses dents.

-Notre première fois donc, il reprend après avoir embrassé délicatement mes épaules dénudées, puis mon buste où pend un adorable collier de perle. Bijou que ma meilleure amie Ana m'a généreusement prêté.  

-Je me souviendrais toujours, quand, à bout de souffle, tu m'as avoué que tu m'aimais.

                Je m'en souviens aussi. Mon sexe venait à peine de se refermer sur le sien, pendant l'orgasme qui me secouait de part en part ; des orteils jusqu'à la racine des cheveux.

                Mes tétons se durcissent une nouvelle fois, traversés par des centaines de frissons délicats et intenses.

-Fais-moi l'amour une dernière fois, Chris ! je finis par l'implorer, en tirant sur sa cravate.

-Trop tard, ma douce. Tu te maries dans moins d'une demi-heure, maintenant ! Tu m'as dit toi-même que ce n'était pas le moment.

-Chris !

                À cet instant, quelqu'un frappe à la porte.

-Daphnée ? C'est Ana ! T'es prête ?

                Je racle ma gorge.

-Oui, oui. J'arrive dans deux minutes. Attends-moi dehors !

                Je lâche la cravate. Chris me dépose un doux baiser sur les lèvres puis se dirige vers la porte. Il  tourne la clé dans la serrure et l'ouvre. Avant de quitter la pièce, il me lance :

-J'oublierais jamais ces instants passés avec toi, aujourd'hui. Au revoir, jeune fille !

                Il referme la porte derrière-lui.

                Je me retourne une derrière fois vers le miroir sur pied de ma chambre de jeune fille. J'ai les yeux encore brillants de désir, et mes lèvres sont encore marquées par ses baisers. Je me penche en avant dans une sorte de révérence ; je dis au revoir à la jeune femme qui deviendra épouse dans quelques minutes.

                Je prends une grande inspiration pour oublier cette agréable folie, et rejoins Ana à l‘extérieur.  C'est parti…

 

***

 

 

                Plus tard, le riz vole et s'envole autour de nous. Les appareils photos crépitent. Sur le parvis de l'église, mon mari se penche vers moi, m'embrasse et me dit :

-Bonjour, madame !

-Bonjour, monsieur.

-L'heure est venue de lancer le bouquet, ma douce !

-Qui est-ce qui est conventionnel, maintenant ? Tu l'étais beaucoup moins tout à l'heure, je lui fais remarquer, œillade coquine à l'appui.

                J'imagine sans peine son sexe durcir sous son costume. Je n'ai qu'une hâte ; le prendre dans ma bouche, l'aspirer, et faire comprendre à mon premier amour, mon mari, à quel point je peux être anticonformiste.

 

 

 

2015 © Floriane Aubin

 

               

               

Signaler ce texte