BLEU-NUIT

Pierre Scanzano

Quelques poèmes extraits des recueils : Bleu-Nuit...Homériques... Mon désespoir...Mon sexe sinon rien... Mon Qui... Mon Amour... Mon Poète...

(Pensée)

Si une pensée philosophique traverse les siècles, c'est en grande partie au fait qu'elle génère en nous les raisons d'y croire

***

Extrait de : Homériques

Je passe mon temps à chercher le monde qui m'a fait tel que je suis aujourd'hui - On cherche une légitimité au destin et peu de chose pourrait y suffire  mais force est de constater le contraire - Nous sommes induits à penser que le destin n'est qu'une des manifestations de l'être -  Et de la conscience faiseuse de la durée et de l'inégalité - Ainsi je me dis que c'est le monde qui fait ma conscience - Et la conscience mon monde - Il ne peut y avoir l'un sans l'autre - On ne peut extraire un élément comme précurseur de l'autre - Nous sommes dans la conscience des choses faites et ce qui nous contient...

***

Le monde est à vos pieds prétendants à la vie - Et devant la mort vous tourne la dos - Le problème de l'humain c'est qu'il aspire à quelque chose qu'il n'a pas -Et ce qu'il a  le déçoit...

***

Mon Passé

Mon passé est un présent que je n'ai pas su retenir ou placer devant celui de mon avenir -Mon passé est quelque chose d'institutionnel de moi qui reste figé en moi-même identique à celui que j'étais pendant mon vécu qui passait au second degré du présent qui venait à ma rencontre - Me vieillissant au passage -Mon passé m'a fait et fera ce que je suis et serais demain par rapport à maintenant - Un même différent qui regrette celui-même qui regrettait l'autre d'avant celui que j'étais devenu et que je ne suis plus aujourd'hui - Mon passé est cette fluctuation omniprésente faisant de mon actuel présent l'onde de choc propagée en mon probable devenir fait d'un terreau fertile que j'amende parce que avant ce passé il y en avait un autre - Puis un autre et au autre en compensation d'un autre - Il m'a fait de ses mains... -Mon passé me sculpte et travaille étant son chef-d'oeuvre et ma ruine que je contemple détruite affaissée jonchée d'ossements de bouts de chair méconnaissable - Mon passé est source de jouvence - Boire dans cette source c'est comme revoir au-delà d'ici l'avant d'avant le temps du temps que j'ai passé à ignorer l'importance de ce que je vivais inconsciemment - Tout mène au présent de mon passé...

***

Extraits de : Mon désespoir

Mon être n'est vrai que pour moi  vertical de l'homme absurde indigne et désespéré...

*

Pourquoi n'ai-je jamais envisagé le désespoir pour m'aider à espérer ?

*

Et comment aimer - peut-on aimer et se délecter d'aimer sans fin inutilement...?

*

Tout mon désespoir n'est que méprise  je suis heureux dans le calme de l'inutile...

*

Extrait de : Mon Qui

Qui es-tu en prolongement de moi  c'est toi en prolongement de moi   qui sommes-nous en prolongement de rien...

*

" Qui " c'est quelque chose de bouleversant   de tendre d'inopportun et vrai...

*

Extrait de : Mon Amour

Si on aime on devrait aimer de la tête aux pieds et non l'inverse  mais ceci est une autre fonction optionnelle  ceux qui s'aiment en totalité  se détruisent du cerveau  ne comprennent plus que dalle de ce qu'il font   là   derrière la peau...

*

Extrait de : Ma Femme

Qui n'est tu que tu es  et que j'aurais voulu être  si j'étais à ta place  dans ton corps   mais les choses s'inclinent et vrillent selon des calculs du quotient mathématique et non au prorata d'un souhait  d'un formulaire  qu'on aurait juste coché  oui ou non...

*

Extrait de : Mon Sexe Sinon Rien

Je profite de la pitance du sexe  dans le vacarme du besoin  l'exigence est mon seul repère dans le désert du corps que je m'accapare afin de ne rien louper si l'orgie me pousse comme un varan en rut dans les méandres du désir et de la dépravation systématique   quand l'instinct est plus vorace que la raison...

*

Tout me fait ventre  tout m'agace  tout m'indispose surtout la chose sentimentale  je le suis  et au fond je ne nie pas mon faible pour le beau le correcte  dans le sens gentiment rangé  refréné  respectueux  et polyvalent   mais que voulez-vous que j' y fasse   j'ai cette tendance  à m'exalter à la moindre alerte de prévarication possible  quand le gibier alléchant  frôle le volume de mon espace vital   et qu'à la place d'un simple repas frugal   j'hume un festin probable fait de chair fraîche et tendre  qu'un voisin m'aurait de toute manière soustrait  caché et gâché rien que pour son plaisir egoïste de défroqué jaloux....

Je ne vis que d'expédients glanés au cas par cas selon un planning de priorités que je  ne puis expliquer sans faire allusion au cul  dans sa totalité  et aux préliminaires   si nécessaire    le bestial est ma seule source de revenus...

*

Extrait de : Mon Poète

N'est-il pas  le poète  cet engin qui théorise ses besoins au fur et à mesure que la soif de comprendre   de se situer  l'oblige  à se regarder autrement  qu'en demandeur  ou quémandeur  raclant   en somme un peu de considération  de la part de cette chose  qui  quelque part  revient et s'en va devenant ainsi un flux de déracinement et de décorporation de l'âme ?

*

Extrait de : Enfouir

Mourir

c'est ça

la pontualité

le sérieux


être à l'heure

ne s'imporvise pas

se prépare

s'attend

*

Vivre pour battre

le fer

quand on a le

temps pour

mourir et

quand il n'y a

plus le temps

même après...

***

Extrait de : L'ennui

Troisième jour d'ennui - j'avance mal -m'étouffe tousse  tousse  un carême d'ennui - et l'ennui m'ennuie   ennuyeusement  - navrant de se torturer d'ennui quand on sait que l'ennui n'a rien d'ennuyant -si on prend la peine d'occuper l'ennui par quelque chose qui traquerait l'ennui....

à force de nous enduire d'ennui  nous fabriquons l'ennui qui convient à chacun de nous - du sur mesure  cousu main - chaque ennui correspond à la profonde cohérence de notre esprit individuel...

*

Le soleil dans le crépi du mur

n'inquiète personne

sauf l'oeil vert d'un brin

d'herbe

égaré  là par la

ruse du vent...

*

Quelle délicieuse idée d'enfouir

mes écrits

sous moi

de m'allonger comme

une pierre tombale

sur cet appel d'air

irresistible

*

Possible que la poésie

soit dans l'homme

et dans rien d'autre

*

Le lieu où je suis né

n'a aucune attraction

sur moi

et où j'ai vécu n'a

jamais existé

ce qui compte

c'est l'endroit où

j'irais

m'enfouir...

*

Après tout que risquerai-je de plus

qu'une légère blessure

de portes fermées?

*

La mer

donc

l'épiderme bleue des vagues...

*

La mésange arrête le monde

picore la boule de graisse

et redemarre

l'univers...

*

Nuages

chapardeurs de mes rêves...

*

Attiser l'inconnu

le provoquer

lui rentrer dans le lard

lui crever les yeux

le laisser ventre à

terre

ensanglanté

le violer collectivement

qu'il paye cash de

sa personne...

*

Le temps fuit à l'intérieur de nous

se cacher des variations que l'homme

voudrait lui infliger pour ne pas

vieillir  trop vite...

*

Une main s'ouvre

l'infini

s'échappe...

*

Ce matin la neige

m'expose à sa dentition

trop blanche...

*

Pressés ou

pas pressés

l'étanchéité du

temps

renâcle

*

Extrait de : Bleu-Nuit


Ils mangeaient les

mots d'autrui

sans faim

mais ne les

vomissaient

pas

Alors

nous nous groupâmes

comme des

truies

apeurées

La faim nous

tenaillait

Mais

pas assez

pour mourir

***

La fiente de

l'âge lui

faisait mal

Je chronométrais

L'amour

***

Après la sainte

messe

il fallait

revenir sur

terre

Deux par

deux

rentrer tête

basse

au bercail

Derrière

les barreaux

de l'utérus

Petit déjeuner

avalé en

silence sa

radiation

Vacarme

assourdissant

de bols en

inox

Odeurs de buis

de café au lait

infect

latéral

Cartable d'air

de cuir

malmené

sous l'aisselle

Blouse bleutée

et noire

col blanc

Enfin l'écume du

paquebot scolaire

indolent

Emeute réprimée

dans l'oeuf

insolent

Les marches

agnostiques

les dalles de

pierre lisse

lessivées

aux larmes

de terre

Le gravier

blanchi

sa bave mutante

redondante

Comme un

fleuve

ensorcelé

Une matinée

aveuglante

de naufrage

collectif

d'émiettement

itinérant

Naufrage certes

mais létal

pensé

étudié

sur demande

Voix blanches

étouffées en

bouches
 de

dents scarifiés

Salive graisseuse

muqueuse

jeune de

sève

Bassinet

et pissotière de

soupirs refrénés

bâillements consécutifs

que

chroniques

Il faut me

croire ou

mettre la

main

au feu

J'ai la

faim froide

les stigmates

raisonnables

La frousse bleue

pipi pressant

rostre du

sens

dedans

Rostre

incriminé

tailladé

aux ongles

sinon

Délaiement

de langue

et usufruit

d'épines

charnues

Tout de

même

l'enchantement

d'en sortir

indemne

Peut-être

souhaitable

corvéable

mais sauf

criblé

de baisers acides

la cage cosmique

et mon être

épuisé

Encore

une fois

l'échafaud du

lendemain

à gravir

Solitaire

à genoux

Encore

pendu

une fois

à la poutre

sans teint

de tes

lèvres sucrées

Nues

***

Ma voix tinte

qu'elle s'éteigne

Ma voix

tinte

brille

en éclat

lugubre

Tinte

en état d'ébriété

cubique

sommée au

tintamarre

cruel

fait

d'ormeux

nus pieds

à fond

d'hypothèses

au fond

farfelues...

Toute nageoire

proposée

est vraie

propulsant

chevauchant

auprès de

nos pilastres

nos impostes

nos crémones

nos gâches

nos pas de portes

nos caves

nos cuves

nos combles

nos casseroles

nos pluies

nos digues

nos ronces

nos pelouses

nos regards

apitoyés

Depuis que la

pluie drue la

pluie maigre la

pluie sera cirrhose

et resonge à

ma flaque

en voix

ma voix

oblique

Surtout

aux pierreries

artificielles

de mes cordes

vocales

ligaturées

des trompes

en phase avec

la razzia

d'ahalètements

patibulaires

enregistrés

de cris

aphoniques

que l'on sait

intérieures

inhabitables

à jamais

En eau

saumâtre

inconstructible

comme quoi

cénotaphe

lacustre

Donc relayé

sine die

sine die

post mortem

post mortem

assurément

assurément

ad vitam

ad vitam

aeternam

aeternam

****





















  • Le philosophe : respirer ne fait partie d'aucun ordre moral, l'oxygène manquant à la lune, fait qu'elle est habitée d'esprits plus que d'êtres, quelquefois engloutis par les marées qu'elle provoque juste à côté de leurs pieds. Les pensées sont comme les nuages, trop souvent issues d'évaporations non maîtrisées. Le paradis reste la terre et restera ainsi , tant que l'on restera incapable de communiquer depuis un autre endroit.
    Le poète: l'idéal est de penser qu'une seule pensée d'amour est l' ADN de tous les temps flirtant en permanence avec l'avenir, le vrai destin de solutions poétiques. " Cieux bleus " , troupeau d'étoiles, " Bleu cieux " la bergère rentre son troupeau, sous la lumière du soleil éclairant encore la lune. Tendresse à l'horizon, songes parfumés d'éternité. Dimir-na

    · Il y a presque 11 ans ·
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    dimir-na

    • C'est souvent un même piège, (selon moi), que de penser que le monde est corrélatif à l'idée que l'homme se fait de la vie extérieure à la sienne. Les pensées des nuages? Cela n'est qu'un domaine du romantisme poétique. Nous ne pouvons penser autrement, qu'avec la matière qui nous compose.Ce qui nous échappe, ''l'évaporation'' est notre incapacité à aller au-delà du mécanisme, et le processus de la pensée de chacun. Tout est calculé. Déjà en place. Nous tournons en rond dans un corral bien défini, par les êtres que nous sommes, ayant la présomption de voyager au loin. Il y a un espace (peut-être la mort), entre, ce que l'on pense, et ce que l'on écrit. Et, là dedans, tout y est permis, même : le ciel bleu, les étoiles...Ce ne sont que nos idées, nos désirs, nos marques pages. Mais à chacun son idée, ses fantasmes, la votre, me semble quand même digne d'intérêt.

      · Il y a presque 11 ans ·
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      Pierre Scanzano

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