Bonbon rose

Anne Bert

Bonbon rose

Maud dort.  J’ai remonté la couverture sur sa poitrine et refermé la porte doucement. Ma femme est belle et émouvante dans son sommeil et je l’aime malgré sa froideur  désespérante au lit et son refus  définitif de fantaisie.   Comme quoi  le sentiment d’amour peut s’accommoder du manque de sexe…  L’amour peut-être mais pas l’amour propre et encore moins mon besoin impératif  de désir et de jouissance.  De baise quoi. Je fuis  cette chair  qui m’est  pourtant due par le maire et le curé mais défendue par son regard distant et indifférent.  Je repasse le CD de Brassens pour me persuader que quatre vingt dix pour cent des femmes s’emmerdent en baisant et que je n’y suis pour rien.

J’enfile mon peignoir.  J’ai des impatiences au bout des doigts, ma came c’est mon Mac, à une porte de l’amour de ma vie.

Minuit.  Je surfe comme chaque nuit, masqué  d’un grand loup noir dans un salon  carnavalesexe de la toile. J’éteins la lumière du living, seule une veilleuse éclaire le clavier.  Aux douze coups,  dans ce bal virtuel, les Cendrillon  n’esquivent rien  ni personne, même en jogging qu’elles transforment  derrière leur écran en guêpière et bas couture,  elles  rêvent de sulfureux trips,  espérant débusquer une cucurbitacée bien charnue, plus calebasse que citrouille pour les emporter à bon port. Certaines vous font bander à mort d’un scenario bien troussé  en détaillant avec force conviction les bimbos qu’elles ne sont pas, vous branlent d’une main et se liment les ongles de l’autre, avachies sur leur canapé.  Ce soir, deux mille invités au sexe incertain hantent ce salon.

Je parcours les pseudos  plus ambigus les uns que les autres des dix pour cent de peut-être femmes qui, selon Brassens, accordent  de l’intérêt aux jeux érotiques ou porno. Je n’arrive pas à être blasé, dès que je me connecte sur ce salon sexe, l’adrénaline monte, mon cœur bat plus vite. Je chasse à la hussarde, la tendresse et le romantisme c’est affaire de cœur, ici c’est le cerveau dans le caleçon qui commande.  Depuis huit mois mon écran  a vu toutes les couleurs  des déviances les plus inimaginables.  Des mots hallucinants,  avec ou sans images,  du réel ou du flan,  allez  savoir,  moi-même me prétendant  parfois femme...  un doux dingue qui aimait enfiler les culottes sales de sa femme en corrigeant ses copies m’a demandé de couper les poils de ma chatte et de les manger,  une femme  s’excitait à pisser dans son jean devant la caméra, un avocat m’affirmait aimer plaider un gode dans le cul sous sa robe noire,  et c’est  vrai que je l’ai  au moins vu  sur mon écran en robe de plaidoirie retroussée,  se  le planter. Sans compter les soumis et soumises prêts à tout avec leur arsenal de joujoux cruels.  C’est ça qui me fait triper à mort, l’extrême et l’obscène,  aussi excessifs que ma frustration maritale.

Mon grand loup noir est hermaphrodite, on m’imagine mâle ou ogre ou black, mais aussi femme au masque vénitien. Je ne branche la webcam qu’en fin de scenar uniquement lorsque ma proie risque de s’échapper, frustrée de ne pas  pouvoir mater ma queue raide. Mais certaines femmes s’en fichent un peu et préfèrent se montrer.

Ce soir, j’aborde bonbon rose.  Elle me dit être F  et  pas OQP,  avoir pris pour pseudo bonbon rose car elle est  ronde et moelleuse comme un bubble gum, elle vit sur Paris et veut que je la regarde  se caresser sur sa table de  cuisine ; elle cherche  aussi une rencontre si affinités, dans un parking souterrain parce qu’elle aime aussi être matée  en pleine action par la caméra des gardiens qui, selon elle,  sont en général scotchés au spectacle et n’interviennent pas. Ca à l’air d’être une habituée des entrailles de Paris, cette nana.  Le truc classique l’exhib, mais les rondeurs et la chair qui déborde, j’adore ça.  Quant au parking, c’est plus incertain…  

Elle me demande de poireauter quelques minutes, elles demandent toutes ça, le temps de finir avec un autre, bien sûr.  J’allume une clope.  J’en salive,  les grosses me font  sur l’écran beaucoup plus d’effet que les corps plats et lisses, même si c’est une pulsion pas forcément cohérente puisque ma femme est très menue et que j’aime sa minceur... Mais j’ai appris depuis que je pratique le sexe sur internet, qu’une pulsion, par définition, n’est pas logique. Pareil pour leurs sexes. Je les aime ici  rebondis et laineux comme de grosses peluches, surtout pas imberbes. Mais c’est de plus en plus en rare avec leur manie de s’épiler comme des Barbies.   J’espère que bonbon rose a  une grosse barbe à papa sur le bas ventre.

On cause dans ma fenêtre de conversation.  Me revoilà, je me branche.  Je frétille un peu,  dans quelques secondes je vais être propulsé dans sa cuisine, sans préliminaire.

Ca y est, mon 19 pouces  pixellise une maousse gonzesse  pour ce que j’en juge les seins voilés d’un caraco léopard transparent, que dis-je… les fantastiques mamelles en mouvement, la caméra zoome sur les aréoles violacées aussi larges que les seins de Maud, c’est la trique subite, j’en ai la chair de poule et pourtant j’en ai vu d’autres, mais  je ne vois de bonbon rose que le buste et le cou  pulpeux orné d’une fine chaîne dorée ,  et ce qui me fait bander c’est  ce qui m’est caché, ce que me promet cette opulence.                                                                         Elle me demande de la retrouver sur MSN pour plus d’intimité et de joindre l’audio au visuel.  Cette coupure m’agace mais bien ferré, je compose  le numéro qu’elle me donne, active micro et hauts parleurs et la rejoins.  

Bonbon rose a renoncé au zoom et opté pour le grand angle ;  elle m’en balance plein les yeux des pieds à la tête, la bougresse n’y est pas allée par quatre chemins, la scène est obscène.

Je déglutis un peu sonné,  et oblige mon regard à reprendre lentement l’itinéraire inverse.  Sa  voix  chaude émerge des hauts parleurs, hello babyattends un peu… Je baisse le son au minimum.  Je ne saisis pas ce que je dois attendre. Ma panthère rose  campée au milieu de la table, à moitié allongée,  s’appuie sur les coudes en renversant son  visage , je n’en vois que la bouche très ourlée entrouverte, l’arête fine du nez, les joues et les sourcils , l’épaisse et longue  chevelure noire éparse sur la table, elle sourit  à peine,  son air est grave et pourtant espiègle au coin des lèvres.  Bonbon rose est nue mais son corps blanc est tellement dense qu’elle semble habillée de chair, les seins énormes et foutrement pleins sont comme des collines, sur le ventre large  et rebondi comme un petit trampoline  elle tient  ouverts ses genoux  relevés de part et d’autre de ses flancs,   ses ongles sont laqués de rose vif  , dans le nombril brille un gros  piercing  rose fuchsia dont la chaînette guide l’œil jusqu’à une touffe pas entretenue.  Je salue cette cressonnière  noire d’une petite branlette joyeuse, ma queue se tord le cou  vers l’image qui s’étale sur l’ordinateur, il faut dire que Bonbon rose lève si haut ses genoux que sa  chatte vient crever  mon écran avec un rouleau à pâtisserie en bois d’olivier fourré dans sa fente. C’est ça que j’ai pris en pleine vue dès que l’image de la fille s’est affichée sur mon Mac :  ce con rempli à vingt centimètres de ma bouche.

Des replis de ses lèvres  encombrées de l’engin suinte un peu de  jus, je  pose un doigt sur l’écran en me branlant de l’autre main.  Je connecte ma caméra pour lui faire profiter de mon hommage à  ses talents de pâtissière. Cette fille est un gros baba au rhum trempé, je suis scotché à  cette merveille salope à souhait.  Elle  tend le bras et actionne le rouleau, le retire et l’enfonce en miaulant comme un petit chat. Mais ce n’est pas elle qui miaule. C’est un matou avec des oreilles, une queue et un pelage qui  apparaît dans le cadrage. Bonbon rose lâche le rouleau qui tombe par terre,  son bras quitte mon champ  de vision et rapporte sur sa poitrine une bouteille de lait qu’elle renverse  sur son mamelon droit. Le matou miaule la queue en l’air, grimpe sur son ventre et lèche le lait, je vois sa petit langue rose  lécher et tétouiller l’aréole, le téton,  le sein tout entier où s’écoule le lait. Méthodiquement, jusqu’à la dernière goutte.  Bonbon rose  se cambre, couine, caresse son clitoris, la queue  touffue du chat repose sur le ventre,  les yeux rivés sur son con d’ogresse,  je jouis dans ma main. Sur la fenêtre de l’image de mon sexe, le foutre fait des petites bulles sur mon gland. La fille se redresse, je lui demande de se faire jouir, mais elle dit que ça n’a pas d’importance.  Cette Margot ne manque pas d’air,  elle reprend ses esprits, vire le chat et veut que l’on  se fixe un rencard après demain. Elle défait un Malabar, je reconnais le papier, et  le met dans sa bouche ; elle me provoque en me  disant que je  ne suis pas cap. Que c’est facile derrière l’écran, mais que c’est plus couillu d’oser la rencontrer en vrai, juste une fois. Une seule fois car elle ne noue pas de relation suivie.  Sa voix traîne sur tous les e des mots,  ce qui donne à  son phrasé une impression de glisse et de perte de contrôle.  Elle fixe la webcam et fait une énorme bulle rose obscène  avec son chewing-  gum. J’ai bien envie de dérailler. Le problème c’est que moi, je n’ai jamais rencontré dans la vraie vie mes plans Q virtuels. Pire, je n’ai jamais trompé Maud. Mais Bonbon rose s’impatiente, assise sur le bord de la table,  les genoux croisés ne laisse plus apercevoir de son intimité que sa toison noire, du coup je contemple son visage de poupée russe, elle  fait partie de ces femmes qui ne craignent pas d’ôter leur masque face  à un inconnu,  de longs  cils  noirs écarquillent  un regard mutin, elle se fiche un peu de moi,  j’ai envie de prendre sa poitrine démesurée à pleines mains, de tirer sur ses tétons grenus,  je suis fasciné par l’entrelacs de veines qui marbrent ses seins, je suis pas loin de rebander à l’idée de pétrir sa chair souple.  Je cède et promets. Rendez-vous au parking  quartier Cambronne deuxième-niveau à 16h00. Elle y sera garée dès le matin, elle  ne bosse pas loin, je dois l’attendre en me baladant entre les voitures, elle me fera des appels de phares pour se signaler car les portables ne passent pas. Elle me dit bye et coupe la connexion.

Je suis vanné. Je me glisse sans bruit dans le lit, Maud se retourne vers mon dos et m’enlace dans son sommeil. Je ne sais pas si je vais descendre en deuxième sous-sol. Le doute m’absout  et m’expédie  paisiblement dans les bras de Morphée.

 A  13 heures, je décide de lui poser un lapin, à  14 heures je suis un homme d’honneur et ne renie jamais mes promesses, à 15 heures je pense à Maud et à 16 heures je m’engouffre dans le parking souterrain. Je braque dans le premier virage en crissant des pneus,  j’adore ce bruit de série américaine,  je vais m’envoyer en l’air avec une cette grosse cochonne rose, descendre sous terre m’excite,  gare à toi Bonbon rose,  Grand loup  noir a la dalle.

Je chope la première place libre au second niveau. Je n’aime pas trop faire le pied de grue, je risque de réfléchir et de changer d’avis. Je déambule  dans la pénombre en me remémorant la scène d’hier soir pour maintenir mon désir.  Pas âme qui vive autour de moi, même pas de bruits de pas. L’appel de phare ne se fait pas trop attendre. J’ai le palpitant qui s’emballe un peu. C’est le monde à l’envers de se faire alpaguer par une nana dans un parking. Tout fout le camp…

Bonbon rose descend de son break Volvo et m’invite  d’un geste à passer avec elle à l’arrière.  Elle est juchée sur des talons  aussi hauts que sa jupe est courte, ses cuisses rondes ne sont pas moches, bien au contraire et malgré sa tenue aguicheuse mon quatre heures est assez classieux. Ses cheveux sont superbes, très longs et brillants. J’ouvre la portière droite,  les sièges sont gainés de housses roses, un discret  parfum de patchouli flotte dans la bonbonnière. My sweet honey m’enlace et se plaque contre mon torse, je suis submergé par cet édredon de chair qui palpite,  je ne regrette pas d’avoir crevé l’écran, d’être passé  des pixels à l’épiderme. En cette période morose de vaches maigres, Rose bonbon  est  l’abondance personnifiée. Je lui suis reconnaissant de ne pas avoir engagé la conversation avant l’assaut car je n’ai rien à lui dire d’autre que de poser sa main sur  ma braguette  déformée. Sa bouche est une guimauve toute douce, elle me roule un patin, fait des roulés-boulés savants avec ma langue, sa salive  a goût de Malabar.  Je jette un œil  aux alentours, elle s’est garée dans un renfoncement qui me semble isolé,  ça me rassure un peu. J’ouvre mon jean , me soulève pour le  baisser et dégage ma bite prête à l’emploi.  J’empoigne sa  longue chevelure pour pousser sa tête vers mon bas ventre, elle ne se jette pas sur ma queue, elle la renifle, l’effleure du bout de sa langue, titille mon gland,  la comprime de deux doigts,  sa salive coule jusque sur mes couilles,  elle fait durer la torture avant de me sucer  vraiment, et quand elle  le fait c’est  tout doucettement, en  pressant  les muqueuses de ses joues sur chaque parcelle qu’elle embouche, à mesure  qu’elle progresse vers la racine de mon sexe.

 J’ai relevé son bout de jupe sur son dos,  la garce a dû enlever sa culotte en m’attendant, la voie est libre,  je n’avais pas remarqué hier soir qu’elle avait un cul si fabuleux,  je ne voyais que son  petit trou et pas les globes que je découvre, des fesses royales,  larges et bandantes à se prosterner devant. Je lui en claque une pour faire danser  et trembler la chair gélatineuse,  Bonbon rose suce encore plus vaillamment,  à en avoir des hauts le cœur, j’aime  les soubresauts de sa gorge qui proteste et trempe ma bite.

Je pousse plus avant l’exploration,  à bout de bras ma main écarte la raie, flatte l’anus peu farouche, le périnée est humide, le bout de mon index glisse dans les poils mouillés jusqu’à sa fente. Je ne peux pas aller plus loin, ma position assise limite mes gestes, ça exaspère mon envie, j’ai un besoin impérieux de la baiser, d’enfoncer ma queue là-dedans,  je lui dis, laisse moi te baiser,  mais  Bonbon rose entend ne pas lâcher prise,  elle suce, aspire, salive, branle, alors j’ajoute salope, qui fait l’affaire d’une insulte et d’un compliment car elle finit par me faire juter, je décharge dans sa bouche de longs jets presque douloureux, elle  déglutit en gémissant et recule son visage sur mes genoux.  Je gicle les derniers spasmes sur ses yeux, et essuie ma verge dans ses cheveux noirs en y dessinant  une toile d’araignée blanche.

Je caresse son visage,  m’inquiète de son plaisir, je veux la faire jouir, mais elle refuse en m’assurant qu’elle ne fait que  prolonger et différer le sien. Bonbon rose dépose sur ma  bouche un baiser  qui sent le foutre et me dit de me sauver. Je  n’insiste pas ,la fille est énigmatique, je me rajuste en lui souriant  et  j’ouvre la portière pour sortir.

 En me relevant, je remarque en face sur le mur du parking,  une caméra de surveillance dirigée exactement sur la Volvo. Je me retourne vers Bonbon rose et le lui montre de l’index à travers la vitre. Elle m’adresse un sourire gourmand et me fait un clin d’œil.

Je ne saurai jamais si elle s’est  garée devant exprès,  si le gardien est son amant et s’il l’a ura baisée en matant l’enregistrement  parce qu’elle  m’a dit que je ne retrouverai jamais Rose bonbon sur le tchat. Je m’en fous, je ne pense pas qu’il soit possible que la camera ait pu filmer mon visage  et  le fichage de queue n’est pas encore d’actualité.

 Il est  17 heures,  ça vaut pas le coup de retourner au bureau,  je décide de  rentrer plus tôt, je suis détendu et heureux, sucer n’est pas tromper. J’ai vraiment une pêche d’enfer. Je crois que je vais inviter Maud à dîner au restaurant.  J’ouvre la porte de l’appartement sans faire de bruit, tout content de mon idée, j’ai envie de la  surprendre ce soir. Elle est de dos, assise devant son PC. J’approche  en catimini pour poser ma main sur ses yeux mais  stoppe net en découvrant sur l’écran ce qui la captive : l’image d’un énorme vit pilonnant un cul anonyme. Une  main sur la souris, l’autre fichée entre ses cuisses, Maud ne m’a pas entendu rentrer.

Anne Bert

  • Excellent ! Style percutant, bon vocabulaire, et une fiction qui, si elle a m'a fait hésiter au début quant à la poursuivre pour son aspect peu-ragoutant (pour moi, du moins, il faut le dire), m'a cependant finalement captivée jusqu'au bout.

    · Il y a environ 12 ans ·
    Kumfu 10 150

    kumfu

Signaler ce texte