Le saut vers l'inconnue
Julien Drouet
Il me demande si ça me tente, un peu de sexe avant de sortir faire un tour.
C’est vrai qu’il a l’air de faire beau dehors, et le programme de l’après-midi peine un peu à avancer. Lui et moi sommes allongés nus sur le lit à rêvasser, avec en arrière-fond une pauvre série de la TNT. Ma main était en train de jouer négligemment avec son sexe.
J’éteins, en écartant le livre que j’avais abandonné à côté de moi. Je rapproche ma tête, les seins posés sur sa cuisse, pour refermer doucement mes lèvres autour de son gland. J’entends sa tête qui se repose sur l’oreiller, et qu’il relève un coup de temps en temps.
Je continue en ayant l’esprit un peu ailleurs. Le geste finit par me faire repenser à certains des autres mecs que j’ai déjà eus dans ma bouche avant lui. Des bites toutes différentes. J’en viens à me demander comment ça peut être de lécher le sexe d’une femme.
Ça y est, il halète plus fort, ça ne va plus tarder ; je continue le mouvement de va-et-vient, tout en le stimulant avec ma langue le long de son frein. La décharge de sperme me frôle l’oreille, s’éparpille derrière elle dans mes cheveux.
Cette manie qu’ont les mecs d’en foutre partout. Ce n’est pas de leur faute, bien sûr.
Mais ce n’est pas avec une fille que ça arriverait.
Quelques mois ont passé. Un nouveau mec a pris la place du précédent. Ses horaires de nuit le tiennent assez occupé et on ne se voit pas très souvent. Ce soir c’est pyjama, le mug à portée de main, l’ordi devant moi sur le lit, quelques séquences porno en streaming histoire de m’occuper.
Cette idée de faire un cunni est revenue me traverser l’esprit de temps en temps. Je sens bien que mon regard s’est mis à lorgner plus spécifiquement qu’avant sur le sexe des actrices.
Le site me suggère d’autres vidéos de la même fille. J’enchaîne sur un plan lesbien, un truc tout simple, elles sont deux, pas d’accessoires.
Ça me change un peu de mes habitudes de vidéos hétéro. J’ai beau savoir que c’est artificiel, arrangé, et sans doute surjoué, je me dis que je trouve ça beau.
Ça y est, j’ai déjà envie de passer ma main sous ma culotte. Olivier ne sait pas ce qu’il rate.
Qu’est-ce qu’il faut que je fasse ? Que j’essaie de nous arranger un plan à trois ? Cette andouille serait capable de dire non.
Tout ça commence à devenir obsessionnel. Je n’ai plus que ça en tête ces derniers jours, l’envie de trouver une fille qui voudrait que je la lèche. Alors je me donne les substituts que je peux. Olivier a sans doute eu droit à la pipe de sa vie la dernière fois.
Ça m’accapare l’esprit en permanence. Même pas moyen de lécher l’opercule d’un yaourt sans me sentir excitée.
Et puis merde, marre d’avoir eu toujours les mêmes fantasmes que tout le monde, marre des trucs qu’on recommence de toute façon avec chaque nouveau mec.
Cette envie-là m’est venue toute seule. Ça dépasse vraiment la volonté d’en passer par le fantasme qu’ont tous les mecs de l’expérience lesbienne. C’est juste que je voudrais goûter à ce sexe, différent de tous ceux que j’ai fait jouir, avoir la chose devant moi, sous mes yeux, me confronter à ma pulsion. C’est peut-être très narcissique quelque part, de vouloir m’offrir ça à moi-même sur un coup de tête, et je m’en fous.
Toujours adossée à l’oreiller, c’est là que je me dis qu’Internet est une chose formidable. Dix ans plus tôt, j’aurais pensé qu’il fallait que je continue à vivre sans, sans qu’il soit facile de mettre mes désirs à exécution.
Je prends mon ordi au pied de la table de nuit. Je retourne sur mon portail de porn. Ce soir je vais aller fouiller parmi les bannières que j’ai déjà vues cent fois dans la barre latérale sans vraiment vouloir y cliquer.
Je tente un premier site, clairement axé sur les rencontres cul. Créer un profil. À peine le temps de lancer une première recherche d’après mes préférences, déjà deux demandes de conversation en direct. Le temps de les envoyer paître en y mettant à peu près les formes, une troisième qui s’ouvre. Le type a eu le temps d’aller sonder ma fiche, de focaliser sur mon envie saphique et de se proposer pour venir nous filer un coup de main, avec toute la délicatesse qu’on pouvait espérer. Je ferme la fenêtre et je retourne me faire un thé.
Il faut que j’en essaie un autre que celui-là. Pas un site lesbien. Ça n’est pas là-bas que j’arriverai à trouver une fille aussi peu à l’aise que moi sur ce qui me préoccupe. Ouais, en y pensant bien, je crois qu’il faut que je cherche quelqu’un dans la même situation.
Je tente un deuxième site, j’y remplis le profil de la parfaite petite hétéro presque chiante. Juste une porte d’entrée, pas de photo ; même si j’imagine qu’un gars lourd quelconque m’en réclamera une bien assez tôt.
En page d’accueil, encore le même genre de pseudonymes outranciers. Recherche avancée. Je suis une : femme, qui recherche une femme.
Résultats de la recherche. Certaines n’ont pas peur de donner dans les mêmes excès que certains mecs pour leurs pseudos. Les photos sont suggestives. Je commence à opérer un tri, plutôt sur la base des noms, en me tournant vers les plus doux. Là. Une iris83. Un joli nom de fleur, et qui doit tomber dans la tranche d’âge que je voudrais.
J’ouvre sa page. Assez vite, je tombe sur le mot magique dans son texte de présentation :
bi-curieuse.
Même stade que moi.
Elle est esthéticienne. Elle m’a raconté qu’à force de voir des épilations maillot toute la journée, la tentation lui vient ponctuellement d’y mettre la langue au moins une fois. Mais ça n’est pas possible à tenter avec une des clientes, elle ne peut pas risquer son boulot. Son orthographe est un peu approximative. Moi qui suis tellement pointilleuse en temps ordinaire.
Quand on a commencé à bavarder, mon envie de cunni était très technique, j’aurais presque voulu régler tous les détails en vitesse. Mais les habitudes de conversation veulent qu’on commence au moins par dire bonjour aux gens et par se présenter. À force de chatter, je me suis rappelé qu’elle est quand même une personne bien réelle, que moi-même je ne vais pas être qu’un cul à ses yeux.
L’échange de nos envies respectives se fait en douceur.
Elle non plus n’avait pas mis d’avatar sur sa fiche. Depuis deux heures maintenant qu’on se parle en ayant échangé nos adresses MSN, j’ai envie de savoir à quoi elle ressemble. Aucune de nous deux n’a proposé d’allumer sa cam. Je lui suggère qu’on s’échange une photo, maintenant qu’elle aussi doit se sentir plus en confiance. Elle me répond d’accord.
Je mets un peu de temps avant de choisir celle en maillot deux pièces du séjour à Varadero, où j’avais même réussi à bronzer un peu. Ça me paraît délicat d’y laisser mon mec du moment. Je la recadre. On se les transmet quasiment en simultané.
Elle trouve que j’ai des beaux seins.
J’ai la sienne ouverte sous les yeux. Une photo en chemisier ; bien apprêtée, maquillée sans en faire trop. Esthéticienne. Un peu ingénue sur les bords. Quand on se verra, il faudra que je prenne le temps de me faire belle.
Quand on se verra. Ça n’a pas l’air de faire trop de doute dans mon esprit.
Il se fait tard. Alors je suggère. Je la sens un peu intimidée, mais elle aussi doit se dire qu’elle est tombée sur la bonne personne pour tenter le coup. Rendez-vous pris dans deux jours.
J’ai choisi une culotte un peu transparente, avec le trac d’une actrice qui enfilerait un nouveau costume pour la première fois.
C’est un petit bar qu’elle m’avait indiqué, pas très loin de chez elle. On s’est installé en terrasse, même s’il fait un peu frais. De pouvoir serrer mon manteau autour de moi, je me sens un peu protégée de la situation.
L’une pour l’autre, on est encore nos deux pseudos. J’ai tendance à vouloir l’appeler Iris, ça la fait rigoler. Elle me confirme que ça n’est pas son prénom.
J’en suis encore à me demander jusqu’où la rencontre va aller. Il faut que ça aille au bout, putain. On ne va quand même pas se quitter là après avoir bu notre verre entre copines. Elle sait très bien pourquoi je me suis adressée à elle, et elle à moi. Il n’y a pas grand-monde qui passe sur le trottoir. Je passe la main sous la table, je commence à caresser la couture de son pantalon beige. Elle se laisse faire.
J’ai l’impression qu’un type arrêté au feu nous a repérées et que ça le fait sourire. Elle s’en rend compte elle aussi, mais ça n’a pas l’air de la gêner plus que ça. Et c’est elle qui donne le départ.
— Tu viens, on y va ?
Je suis tellement pressée que j’en oublierais presque de payer.
Elle m’a pris la main. Arrivées à son immeuble, je l’ai suivie en ayant ses fesses juste devant les yeux le temps de monter les quatre étages. Je me suis dit que j’aimerais bien en avoir des comme ça. Que j’ai une chance dingue qu’elle ait décidé de me faire profiter d’un corps aussi beau.
Je laisse mon manteau sur le premier dossier de chaise que je trouve. La lumière du dehors filtre à peine entre les rideaux opaques de la fenêtre. J’aperçois l’ordi portable posé sur les draps au coin du lit. C’était là qu’elle me parlait. Pour elle, la partie se joue à domicile. Je ne sais pas si ça lui rend les choses plus simples ; de mon côté, j’aime autant que le cadre soit nouveau.
Dans un bruit tout juste perceptible, son pantalon léger vient de tomber d’un coup sur le sol. Je me retourne. Elle se tient droite, à me regarder, en donnant l’impression de retenir son souffle. J’esquisse un mouvement pour me rapprocher d’elle, elle se recule et s’allonge doucement sur le lit.
J’ai le pouls qui s’accélère un peu. Je me penche sur elle en ayant l’impression de dévorer sa culotte des yeux. Elle me dit avec un petit sourire :
— Vas-y, toi d’abord.
Dans la pénombre, je me redresse, je soulève délicatement l’élastique qu’elle m’aide à faire glisser le long de ses cuisses en levant les genoux, puis elle étend les jambes autour de moi. J’ai presque du mal à en croire mes yeux : ce que je vois est merveilleusement soigné, un pubis taillé à la perfection, des lèvres toutes lisses, qui ont l’air d’une douceur incroyable.
La vache. Est-ce qu’elle réussit à faire ça aussi bien toute seule ? Ou bien est-ce que les filles de son institut s’épilent entre elles ?
Ses jambes ont l’air de s’agacer un peu. Elle doit être en train de croire que j’hésite ou que quelque chose me rebute. Il faut que je me focalise. Je ne peux pas reculer ; ça n’est pas une chatte que j’ai face à moi, aussi magnifique soit-elle : c’est la chance qui m’est offerte de prendre mon caprice à deux mains et d’y mettre la langue.
Je me penche doucement à genoux, la tête au-dessus de son ventre, en prenant le temps de passer la main sur cette toison toute douce, de profiter un instant de cette espèce de vision porno chic absolument somptueuse. Je m’en rapproche, d’abord avec l’envie de simplement effleurer l’intérieur de ses cuisses avec mes lèvres.
Son sexe a l’air si délicieux, sa chair si souple, et tellement invitante. Ça y est, mes baisers se sont posés au contact de sa peau. Tout le pourtour est d’une douceur incroyable. Je l’entrouvre en lui écartant un peu plus les jambes, le creux rose de son orifice m’apparaît, bordé de ses petites lèvres, sur lesquelles je commence enfin à promener la pointe humectée de ma langue.
Je sens qu’Iris réagit. Son corps n’essaie pas de me faire comprendre qu’il faudrait que je m’arrête. Son odeur n’apparaissait pas dans mon fantasme ; c’est un mélange de gel douche fruité et d’un parfum dont j’ignore le nom.
Les replis accompagnent mollement chaque mouvement de ma langue. Sa respiration devient plus profonde, je jette un regard vers sa tête rejetée en arrière. Après avoir enchaîné des coups réguliers et plus appuyés, je veux essayer de m’attaquer directement à son clitoris pour voir l’effet que ça fait. Je retrousse son petit capuchon, je le titille, et la réaction ne se fait pas attendre : les gémissements de ma cobaye se font tout de suite plus distincts, en même temps que ses jambes ont l’air de se contracter.
Je sais que pour ma part, je n’aime pas la stimulation clitoridienne trop directe. Alors j’attrape son sexe presque à pleine bouche, mes lèvres collées aux siennes, ma langue s’y presse davantage pour poursuivre son mouvement régulier.
Son sexe est tellement mouillé. Ça n’est plus seulement ma salive ; sa cyprine a un goût un peu cuivré et amer, qui ressemble à celui que j’ai déjà pu goûter sur certaines queues après qu’elles m’aient pénétrée.
Et je prends conscience de ma propre excitation. Je me suis mise à remuer le bassin presque sans m’en rendre compte, pour faire frotter mes propres lèvres l’une contre l’autre, en dégoulinant littéralement. Je serre le haut des cuisses et je me tortille de plus en plus.
Tout le reste de son corps me fait drôlement envie. Je passe mes mains sous sa chemise qu’elle a gardée, je caresse ses seins, restés dans leur soutien-gorge, je les libère en prenant leur galbe dans le creux de mes paumes.
Profite, iris83. Je pince et je roule tes tétons entre la pulpe de mes doigts avec l’espoir que tu aimes. J’ai l’impression que je pourrais rester la tête entre tes cuisses pendant des heures. L’une de mes mains redescend, j’enfonce l’index dans ton sexe trempé, de la même façon que j’aimerais qu’on me le fasse à moi aussi, et c’est toi qui va t’en charger bientôt.
Je surveille la régularité de mes mouvements de langue, je ne veux pas t’interrompre dans ta montée. Tu gémis de plus en plus fort, tu réprimes des petits cris, et d’un coup ton dos se raidit alors que tu plaques ton sexe contre ma bouche.
C’est la première fois que j’entends jouir une autre femme pour de vrai, autre part que sur un écran.
Mes coups de langue ont rempli leur office, mais je m’attarde, je profite, ta chatte continue d’être à moi pendant encore quelques secondes précieuses, la fin de la parenthèse enchantée. Je m’éloigne en me redressant. Tu n’arrives pas encore à ouvrir les yeux pour me rendre mon regard et ton rythme cardiaque n’a pas ralenti. Ça va, en te regardant reprendre ton souffle avec un sourire, j’ai l’impression d’avoir été douée.
J’ai la bouche un peu engourdie, mais tu es tellement belle. Je ne peux pas résister à l’envie de t’embrasser, et tes bras se ferment autour de mes épaules.
C’est moi qui sépare nos bouches l’une de l’autre. À mon tour de t’offrir ce que tu voulais : une chatte toute à ta disposition. Je roule sur le côté, j’ai à peine le temps de passer mon T-shirt par-dessus ma tête que je sens tes baisers encore haletants descendre le long de mon ventre, tu écartes ma culotte trempée pour ne pas perdre une seule seconde.
Je me laisse faire. Je sens ta langue qui teste la consistance de mes lèvres, et qui vient s’enfoncer là où je mouillais déjà.
La chambre où je suis allongée est celle d’une fille que je n’avais encore jamais vue deux heures plus tôt. Voilà, qu’on ne vienne plus me parler du côté artificiel des contacts qui se nouent sur Internet. Iris est toujours allongée derrière moi, les bras passés autour de mon cou. Le jour a sérieusement décliné derrière les rideaux opaques.
Elle me demande si ça me tente, de pousser ça un peu plus loin avant que je parte.
Dju