Bordelle

Sweet Jane

Pas refroidie par la température qui laisserait plus d'un frileux de glace, je me décide à aller faire du lèche-vitrine pour dévorer des yeux les vêtements aux couleurs vives et luisantes comme des confiseries en devanture des boutiques.

Et, pourtant habillée assez chaudement, je tombe des nues et sur le cul lorsque mon regard hagard croise, un peu au hasard, une étiquette d'un blanc virginal même si la mention insolente qui y figure aurait de quoi la faire rougir.

Un petit négligé en satin baptisé d'un nom qui néglige aussi bien les convenances catholiques qu'orthographiques. Bordelle.

Mais quelle est donc la clientèle ciblée par cette nouvelle marque de lingerie ? Quelle fille/femme se vantera de porter des dessous à l'origine bordélique lorsque sa copine de cours de pilate lui posera innocemment la question dans les vestiaires bondés de leur salle de sport ? Je ne peux qu'imaginer le quiproquo et le dialogue de sourds facilités par les neurones en sous-régime suite à l'exercice physique intense motivé sans doute par un régime. « Mais non ! Pas de la lingerie de bordel mais de la lingerie Bordelle . » « Ah.»

Oui, la marque a féminisé le bordel en évitant les évocations tendancieuses aux maisons closes et aux maisons de tolérance leur préférant un néologisme à visée féministe, Bordelle.

En synonyme, les créateurs de la marque auraient pu opter pour Lupanar. L'étymologie Lupa se traduisant par louve, l'animal totémique des prostituées, ce qui aurait permis de séduire des amazones cérébrales-branchées-téléspectatrices-de-Arte. Mais, après réflexion, Lupanar ça ne vend pas du rêve et encore moins des petites culottes en soie. Ça aurait pu, en revanche, devenir la nouvelle pratique à la mode chez la gent masculine lorsque ces messieurs auraient souhaité mettre fin à une relation amoureuse.

Suivant les conseils avisés du dernier GQ, le gentleman aurait offert en guise de cadeau de rupture de la lingerie de chez Lupanar à sa malheureuse qui aurait saisi le message par association de sonorités. Ainsi, en lisant en lettres capitales LUPANAR elle aurait entendu cauchemar, j'en ai marre, trop tard. Ou bien, elle en aurait déduit quelque chose de plus direct,l'insulte suprême et implicite adressée par son généreux tartuffe qui lui reprocherait ses mœurs légères de catin pour ne pas dire de putain. Je ne donne pas cher de la chair de l'impudent qui finira déchiqueté en petits morceaux par celle plus proche de la louve que de la fille de joie après avoir payé si cher des petits morceaux de tissus finement travaillés pour recouvrir à peine la chair féminine.

Tandis que Bordelle ça a son petit provocant juste ce qu'il faut pour faire parler de soi peut être suffisamment pour en vendre (de la soie). On s'offre à soi-même de la lingerie en soie et dentelle de chez Bordelle pour se sentir comme une belle demoiselle sensuelle.

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