Boubou
Jean Claude Blanc
Boubou
Guadeloupéen jobard, qu'on surnommait Boubou
Embauché à la Poste, y bossait en ermite
Dans son regard fiévreux, avait tout l'air d'un fou
Un vicieux personnage, obsédé par sa bitte
Il se torchait la gueule à coups de rhum blanc
Eructait et pétait, grossier ventripotent
Redoutaient ses tendances, les jeunes petits nouveaux
Comme leur tâter le cul, dans le genre hard homo
Pas dur pour le boulot, prenait souvent des pauses
Sous sa blouse grise, ne sentait pas la rose
Suant à grosses gouttes, amateur de bonne bière
Qu'il buvait en cachette, au fond de son vestiaire
Le centre du courrier, comptait de ces costauds
Qui venaient flemmarder, à Lyon quai Rambeau
J'en ai vu défiler, de ces ivres sombres héros
Morts à la fleur de l'âge, la cirrhose dans la peau
Boubou en encaissait, de ses packs de canettes
Toujours droit comme un i, n'était jamais pompette
On avait l'habitude, plupart du temps paumé
Fumant sa cigarette, le visage hébété
C'était un bon client pour l'AS, l'infirmière
Avec une préférence pour cette jolie dernière
Se faire palper le dard, en redemandait ce vicelard
Quant à moi, mec social, j'étais sa bête noire
A l'époque la Poste, ne manquait pas de bras
Bien trop souvent croisés, devant les sacs de lettres
Aux équipes des anciens, on leur donnait le choix
Soit se rouler les pouces, pour pas faire chier les maitres
Soit, en bien avant l'heure, se barrer faire la sieste
Boubou célibataire, dans cette ville, étranger
Lui seul faisait du rab, histoire de se distraire
Mais faisait en 10 heures, ce quand 5 heures on fait
Fainéant, grosse limace, toujours était « opère » (ponctuel)
Ce type au gris faciès, aux collègues faisait peur
Même pas syndiqué, le premier pour la grève
Aurait pris en otage, inspecteurs, directeur
Sauvage incontrôlable, on le mettait derrière
Occupait une piaule, à Peyrache sous les toits
Son voisin de palier, maton à la prison
Comme lui venu des iles, avec son boa
S'abreuvaient de raeggee, de quelques gros nichons
Lorsqu'il était franc saoul, marquant plus l'heure exacte
Ses camarades en douce, l'allongeaient sur des sacs
Le temps qu'il décuite, et de nouveau d'attaque
La boite laissant faire, plutôt que coups de matraque
Le bar toujours ouvert, s'y rendaient de concert
La bande de soûlographes pour se jeter des verres
Pratique, à domicile, et ça coutait pas cher
Le black lui s'en mettait, jusqu'à rouler par terre
Bonne mine, moi buveur d'eau, de faire de la prévention
Mais devais m'y soumettre, vanter la limonade
Conseils pour la forme, pour ne plaire qu'au patron
Occasion de passer le temps, de franche rigolade
Boubou, faisait du gringue à un jeune débutant
Venu de sa campagne, un gosse innocent
Qu'avait besoin de lui pour apprendre le métier
Alors par reconnaissance, ce môme le suçait
Cette fois, dénoncé, la borne dépassée
Le boss s'en est mêlé, faisait mauvais effet
Qu'un de ses fonctionnaires, de bananes au régime
S'en prenne aux chérubins, par manque de discipline
Boubou bien stupéfait de se faire virer
Alors a fait appel, à la CFDT
La Poste bienveillante, lui a donné sa chance
De se faire soigner, jamais qu'il recommence
Ça pas duré longtemps, c'est ça l'accoutumance
Il n'a jamais cessé, de reprendre son manche
Cette fois discrètement, va faire son tour aux putes
Baiser comme une bête, niquer comme une brute
A baissé pavillon, amaigri et malade
Dans son foie et son froc, c'est que de la marmelade
A chopé le sida, finalement comblé
Va se faire porter raide, en invalidité
Dès lors ne fait plus rien, traine dans les magasins
Encore à la recherche, d'érotiques bouquins
Retourner au pays, dernier de ses soucis
Pour s'envoyer en l'air, se trouve bien mieux ici
Encore histoire d'AS, la vérité toute nue
Pardonnez mes tournures et mon langage cru
A l'inverse des bobos, Boubou s'est fait haïr
Gagné par le plaisir, des sens, son empire
Seigneur sous les tropiques, entouré de sirènes
Comme l'écrit pas la Bible, « innocent les bourses pleines » JC Blanc mars 2020 (témoignage)
Fait tristement divers et pas isolé !
· Il y a plus de 4 ans ·li-belle-lule