Breathe

Jade Tigana

Il y a encore quelques mois, je pouvais observer l'insouciance sur le visage des uns, la légèreté sur celui des autres. J'ai vu des élans de tendresse, des étreintes par centaines aux heures les plus avancées de la nuit. À la sortie d'un bar dansant, la jeunesse qui chante, enivrée par la musique et par ce verre de trop, vite oublié.

Ce verre vite oublié, comme une partie de la soirée, que l'on se remémore par le biais des autres, à la manière d'un puzzle sans pièces : drôle, frivole. Je regarde ces photos, et j'entends encore le rire de mon ami, résonnant sur les murs, un rire fort, sourd, qui s'écrase brutalement dans la nuit.

Où sont passées ces douces soirées ? Ma jeunesse aujourd'hui, assoiffée d'amour mais contrainte de s'éloigner, toujours davantage, se consume. Impossible de distinguer vos sourires d'autrefois car nos soirées masquées, costumées, ont bien changé d'allure. Pauvre monde. Mes amis, où sont passés vos projets ? L'inquiétude est lisible dans les yeux des autres, inquiets pour eux ou pour leurs parents, qu'importe, pour quelqu'un. Cette charge mentale, qui serre l'âme et noue le cœur, à qui la faute ?

Je vois ce monde masqué qui transpire d'amour, un amour inassouvi, frustré. Je vois des êtres mourir d'envie de s'enlacer, ne reste t-il que l'esprit pour fantasmer. La liberté qui reste, c'est bien l'imagination.

Alors échappez vous, soustrayez vous à ce qu'il y a autour, car tout est ici bas opposé à l'âme qui crie : aimez vous, et à la raison qui dicte : si vous tenez l'un à l'autre, alors éloignez vous, encore et encore, de quelques mètres. Ne pouvant se prendre dans les bras, lors de mariages comme d'enterrements, animaux sociaux que nous sommes, je nous vois perdus, inconsolables.

Chère jeunesse,

Respirez tant que l'air vous le permet, souriez encore, même si cela ne se voit pas. Aimons nous à distance, il en va de vivre jusqu'à ce que la fièvre nous prenne.

Alors, je vous en prie, prenons encore un peu l'air.

Signaler ce texte