Buffet froid.

Betty, et selon la méthode de l'Actors Studio, parvient plus facilement à rentrer dans la peau d'un personnage en exprimant en petit comité ses qualités de comédienne. Elle sait mieux simuler un orgasme ou de l'empathie, sans la pression commerciale d'un plateau de tournage à gros budget.

On attendait une allocution présidentielle au journal du 20 heures, comme on aurait attendu le tire-fesse : en serrant les cuisses de peur de nous prendre la rondelle un peu trop fort. On patientait la réouverture des pistes, et sa nouvelle grille horaire.

« Putain, même pas la verte ! Même pas la pitchoune ! » s'exclama Betty.

« C'est pas grave ma chérie, on fera de la peau d'phoque ! Ça, à l'Élysée, ils connaissent pas, la peau d'phoque ! »

« Oui mais quand même ! Quand tu peux te faire tirer le cul sans pousser sur les mains, c'est toujours ça de gagné ! C'est pratique un tire-fesse ! »

« Tant pis ! On fera tout à l'ancienne ! En canard et en poussant sur les bâtons ! On se passera des nouvelles technologies !»

« Tu parles d'une nouvelle technologie le téléski ! Si un câble d'acier plus ou moins pourrave, entraîné par une poulie montée sur un vieux moteur qui tourne au gasoil c'est de la nouvelle technologie, autant ressortir le Minitel pour chopper Arte en replay ! On aura au moins les sous-titres ! »

Depuis quelques temps, il est vrai que notre box transmet de moins en moins de signaux. Le technicien venu récemment résoudre ce problème, dit que cela vient du vent et qu'il ne peut rien faire contre lui, que le vent ça tourne, qu'on ne sait jamais d'où il vient.

« Ça c'est la meilleure ! Si maintenant avec du vent on peut plus regarder la télé et qu'avec de la neige plus faire de ski, vous pensez qu'avec du bois on peut encore se faire une petite flambée dans la cheminée ? »

C'était l'année où nous faisions de l'autarcie. Comme les marmottes, nous vivions au ralenti en attendant que l'hiver se passe. On s'occupait comme on pouvait. Betty avait organisé ses journées en fonction de mes étagères. Plus j'en construisais, plus Betty stockait.

« Chéri, il m'en faudrait une de plus pour mes ongles ! J'ai reçu la nouvelle collection de chez Altitudinale, elle est trop chou !»

« Quoi, merde Betty ! Dans le coin douchette, t'as déjà tout un pan de terre pour ta manucure ! Je me fais déjà assez chier à creuser pour essayer de nous faire un petit nid douillet, que je me demande si je vais avoir assez de matos pour tout faire avec mes deux paires de dents ! »

« Pour la déco mon chéri, ce serait pas mieux de mettre de la tapisserie tout au fond ? »

« Ouais faut voir ! Je vais appeler Point P pour savoir s'ils leur restent un peu d'hibernaculum ! »

On ne sortait plus. Les voisins croyaient qu'on tirait la gueule alors que nous ne faisions que de nous occuper de nous-mêmes. Parfois, dans la nuit, quand les êtres humains dormaient, il nous arrivait de sortir pour capter un peu de 5G. Betty en profitait pour faire quelques courses sur le net et regarder les étoiles.

« Oh mon dieu ! T'as vu comme celle-là elle brille ? C'est l'étoile du berger ? »

« Non c'est un satellite pour tes ongles ! »

...