burn out

Florence

Quand le vernis craque

BURN OUT
Ca a été comme ça toute la journée
La folie, le stress, plus savoir où donner de la tête. Suivi de chantiers.
.Quatre déplacements professionnels par jour minimum, tous éloignés les uns des autres bien sûr.
Nombre de coups de téléphones : parfois un chiffre a trois zéros
J'en ai marre. Je sais que si je veux m'en sortir, il faut que j'emmène du boulot à la maison ou que je
change de boulot. Nom de dieu, est ce que c'est normal de travailler autant? comment font les
autres?
- "j t'aime bien lili
pour tous les livres que tu lis
J't'aime bien lili j't'aime bien au lit
j't'aime bien au lit aussi..."
Je pense à ma copine ; c'est pas encore ce soir qu'elle me verra.
On est jeudi. Plus qu'un jour à tenir, un pauvre jour à tirer, et c'est le week-end.
Week-end à deux...enfin, j'aurais droit à de la vraie détente, mon corps dans l'herbe ,
ses doigts dans mes cheveux, roupiller un coup après l'amour, se ballader
Remue toi mon vieux, remue toi
Le Taf va pas se faire tout seul. Je prends les dossiers et les plans sous le bras, je file vers la voiture.
Voiture de fonction dont le réservoir est vide évidemment! Qui sait qui va faire le plein? C'est bibi!
Je regarde la montre...à la bourre! pas le temps de pisser
Autoroute:garder ticket pour notes de frais. Liliane ne me croyait pas quand je lui disais que je
n'allais pas au restaurant . Mais, t'es remboursé par ta boîte non? ça fait partie de tes frais
professionnels!!!
-oui oui! Lili est naîve... elle me fait du bien
J'ai le ventre vide mais je n'ai pas faim. Mon dernier repas remonte à ce matin.
La réunion, impromptue, comme d'habitude m'a fait sauter le repas. Eux ils s'en foutent, ils mangent
après...
Je suis fatigué, irritable.J'ai encore 300 bornes à faire.Encore un chantier et je me rentre.
Café , papiers, hommes à gérer, administratif, pagaille, retards, emmerdements divers et variés.
La journée se passe. Je rame pour motiver les ouvriers , les maîtres d'oeuvre .
Tous sont susceptibles et nerveux. Le temps est merdique et tout le monde me fait chier
Je picole un peu trop à la dernière réunion. De la mauvaise piquette dans des gobelets en plastique.
Haro sur les chips! repas du soir: OK!Il est 18h. Je rentre. Maison 20 h.
Effondrement sur canapé. Bière numéro une. Bière numéro deux. Bière ...
Le petit bruit que mon portable émet me signale que j'ai reçu un mail. C'est lili.
Un peu éméché, je lui écris amoureusement combien je pense a elle
En vérité Je ne pense à rien, je suis abruti de fatigue.
Je tombe dans un coma sans rêves ou seule la voix de la culpabilité me poursuit
"pourquoi n'as tu pas travaillé les dossiers que tu as emporté pour ce soir à la maison ?
tu es nul! tu dois travailler plus
tu dois...."
------------------------ vendredi matin--------------------------------------------------
Pas entendu le réveil sonner, déjà 7h!
Merde! suis à la bourre! Pas le temps de me doucher. Pas le temps de me brosser les dents
La cafetière heureusement n'a pas attendu mon réveil pour se mettre en route. Sauvé par la
technologie !
Je respire mon haleine dans le creux de ma main...me resserre vite une tasse de café.
Je dois pondre un bilan de fin de semaine et le présenter à mon chef dans deux heures.
Direction le bureau. Ma malette déborde de papiers . Pas le temps de ranger maintennant, je la
ferme en bourinant
je rejoins la voiture et je bipe pour ouvrir ( ...) Rien ne se passe
Je bipe encore, fronce les sourcils. C'est pas le moment que la voiture me lâche.
Je saisis la poignée mais ma main se referme sur du vide.
Contrarié , je recommence . Dans le vide, again...
Je secoue la tete comme si on m'avait lancé un seau d'eau froide. Le sens de ce qui vient d'arriver
m'échappe.
Soit je suis immatériel, soit c'est la voiture qui l'est. Suis je mort dans la nuit? J'ai bu à ce point?
Je ferme les yeux, j'ouvre les yeux, je suis assis dans mon lit..Ou est la voiture?
Bon , je sors du lit donc j'ai rêvé, voila! Un rêve, rien de plus.
La fatigue commence à me jouer sur le ciboulot, ça devait bien arriver un jour ou l'autre.
« Tu vas finir à l'hosto mon pauvre vieux, ou à l'asile. »
cette pensée me fait rire et me donne l'énergie de me lever . Hélas il n'est pas 7h comme dans mon
rêve mais midi.
Le chef n'a pas appelé rapport à notre rendez vous manqué, bizarre.
Je m'assois avec milles précautions dans la voiture qui cette fois démarre au quart de tour. Le
cauchemar est derrière mois ;dernière ligne droite avant le week-end!
Quand j'arrive au boulot , le chef a laissé un mot "je vais déjeuner en face" et je le retrouve au
bistrot .Je prends mes plans, (vu le retard, ca peut servir) , et je commande un croque monsieur et
une salade .Depuis combien de temps j'ai pas vu un légume, moi...
Le chef me sourit et m'engueule à la fois, tout ça la bouche pleine, car le temps c'est de l'argent.
Je lui fais un compte rendu de l'avancée des travaux, version optimiste.
Il opine, pose quelques questions pratiques. On en vient à parler pognon quand mon snack arrive
enfin,
accompagné de trois feuilles molles, vaguement vertes, la salade peut être?
Je sens le week end plus proche que jamais, je commence à me détendre, mes épaules se décrispent
un peu. Quand tout à coup, l'incompréhension se lit sur le visage de la jeune serveuse.
L'assiette chaude qu'elle m'a tendu s'est fracassée au sol. Son sourire s'est heurté au dégoût sur mon
visage. C'est moi, qui, attéré a laché l'assiette.
Mon chef me regarde d'un air bovin, vaguement surpris que je ne me précipite pas pour aider la
sserveuse à ramasser les débris.
D'habitude je n'aurais jamais laissé l'étudiante qui travaille ici pour payer ses études, se mettre à
genoux , mini jupe et fesses à l'air pour ramasser le plus gros; Je l'aurais aidé .
Je l'aurais aidé si seulement je n'étais pas paralysé par la peur, mes doigts transpirants sur mes
genoux serrés.
- "ca va jean louis?"dit le chef de sa voix lointaine
Mes yeux rivés sur le croque monsieur que la serveuse emporte, je réponds "excusez moi" et je me
sauve en direction des toilettes hommes, le visage décomposé.le cerveau fondu.
Mais qu'est ce que j'ai bon dieu? D'abord la poignée de la voiture ce matin et maintenant ça?
Mes yeux rougis interrogent le miroir
Ce croque monsieur devait être normal, aussi mou que la soi disant salade grise qui l'accompagnait.
La probabilité que le pain ressemble à une bouche hideuse, en train de déchiqueter des petits
hommes vivants, était minimale.
Je me donne une claque bien sentie. La glace fatiguée au dessus du lavabo me renvoie une marque
rouge sur la joue
-" c'est réel là? "pensais je en m'engueulant intérieurement
La probabilité que les petits hommes dans le croque monsieur aient tous mon visage et se tordent de
douleur, brulés vifs dans le fromage qui dégouline est également infinitésimale
deuxième claque que je me donne:
- "tu as mal là? tu l'as senti celle là?t'es bien dans la réalité la?
une porte battante s'ouvre , celle qui vient de la salle restaurant.
C'est mon chef qui rentre. « Oh, jean louis qu'est ce que tu fous là? t'es malade! tu ne manges pas
ton croque monsieur?
Un rire inoportun m'échappe
Oups! Réaction inadaptée! Mon cerveau s'emballe, Je ne veux pas perdre mon job! Comme les
grands classiques sont les excuses qui marchentle mieux, je m'en sors avec une réplique piteuse.
"désolé chef je crois que j'ai choppé la gastro ou un truc du genre"
Le chef me regarde d'un air pas dupe: malade un vendredi apres midi ?comme par hasard, !le truc
pas louche
-"Ouais...ouais, ça tombe mal, j'avais besoin de toi là! Ya un problème avec la mairie de Gaillard
Merde à la mairie de gaillard pensais je mentalement
« Tu veux que je passe à la pharmacie te ramener un truc? »insiste il lourdement
Tout mon corps vomit mentalement. je ne suis tout simplement pas en état.
Mêmes les gars les plus travailleurs rencontrent un jour leurs limites.
Nous échangeons un regard où nos deux volontés s'affrontent. Il me jauge en homme de terrain, son
regard aigu me scanne des pieds à la tête.
Niveau d'énergie physique...niveau d'énergie mentale....(S'il savait!...)
Il s'interroge, calcule, peut il encore tirer sur la corde, a t' il un remplaçant sous le coude?
Mon visage blanc lui donne la réponse. Il capitule.
-"bon, appelle moi dimanche soir pour que je sache si je peux compter sur toi lundi matin, d'accord?
Il est énervé et son ton est culpabilisant
- "chef, j'ai besoin de vacances, » osais je
-"ouais, ouais, on verra, je te promets rien" dit son dos qui est déjà parti
je ferme les yeux.
Détente...enfin....
Finalement est ce si grave? personne n'est irremplaçable....Je prends une demi journée de congé
pour maladie. Repos dûment mérité , ajoutais je humblement en moi même.
Et puis, quand on en est là... je n'osais repenser aux aberrations de mon cerveau...Mieux vaux
s'arrêter.
Toujours dans les toilettes hommes, adossé au mur, je songeais à y aller...
Je me trouvais sage et avisé de m'être arrêté à temps. j'envisageais même de rentrer en taxi, histoire
de ne pas tenter le diable. Je chassais mentalement l'image terrifiante de la bouche dévoreuse de
petits hommes.
Du repos, voilà ce qu'il me fallait. peut être même que le patron allait venir prendre de mes
nouvelles, songeais je en me laissant glisser doucement contre le mur.
Le mur était froid mais je me sentais bien, si bien...Plus de pression....
Une bière pression s'il vous plaît! plaisantais je intérieurement . Mais mes lèvres n'articulèrent
aucun son.
Pas raisonnable, me grondais je mentalement. Plutôt une cigarette. " je m'en grille une et après j'y
vais" . Mais les mains non plus n'obéissaient plus. Qu'importe. Si vous saviez comme je suis bien.
Allongé en position de lotus sur le carrelage pas très net, la climatisation ronronne et fait voltiger
doucement les feuilles de papier lotus..
bercé par le brouhaha de la salle de restaurant et le doux ruissellement des chasses d'eau, je
m'endors
Quelquepart dans la salle, quelqun fait les poches de ma veste ... carte bleue, chèquier, iphone...
Le restaurant ferme car c'est la veille d'un week end de trois jours .
.Les employés ramassent leurs affaire set partent un à un.
Le patron descend soigneusement les rideaux de fer et active les alarmes car il ne
compte pas réouvrir avant mardi.
Ici, dans les toilettes de ce restaurant, à même le sol, entre la poubelle et le sêche main dort le plus
heureux des hommes, la bouche étirée d'un doux soupir, un
ronflement épais s'échappant de sa grande carcasse de cadre épuisé.

  • Dodo jusqu'à mardi ! Bien ! Ensuite, flanquer une grande mandale au Chef exploiteur, sans témoins, sans laisser de trace. Le Chef, y pigera. Au fond, M'dame, vous êtes une romantique !

    · Il y a presque 8 ans ·
    Oiseau... 300

    astrov

  • "Emily" a plein de commentaires et pas "Burn out", c'est injuste ! Ce texte est aussi très bien !

    · Il y a presque 8 ans ·
    Moiflorent2009

    Guillaume Pipon

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