Cahiers d'automne et petits poèmes à Rose

hel

autre volée puisque Nyckie l'a demandé ;)

Le jour a perdu dix degrés. Les souffles dans le matin dessinent leurs brouillards, les oiseaux en essaim, des ailleurs lointains. La lumière reste belle et vive, qui caresse les pierres, balaye les feuilles dans leur robe châtaigne en tourbillon aux quatre coins. Le cœur bat fort, de ci, de là, de rien surtout. Bat plus fort, comme le pas se fait plus rapide à tout vouloir parcourir.

Il y a ce quelque chose d'indéfini que respire la ville, comme une promesse incertaine, qui viendrait de la pierre, de ses couleurs, du bois craquant des volets aux couleurs d'arlequin, de la lumière qui tape dessus, des seaux d'eau qui vous tombent en déluge et en cascade comme nulle part ailleurs et ruissellent en rivière sur les pavés, en tintamarre joli sur les toits, quand la pluie s'invite. Quelque chose de l'intérieur qui coule avec la ville quand celle-ci se noie et vomis ses glouglous, recrache ses trombes en fanfare de la gueule béante de ses gouttières. Quelque chose de l'intérieur  qui résonne avec elle, s'étourdis avec  elle et sous ses bruits, quand elle semble diriger un orchestre de centaines de cymbales et de hautbois.

Un chuchotis entre elle et moi, une respiration, cette chose trouble et indistincte, qui psalmodie : souffle, souffle, souffle encore, souffle plus fort et rends-moi à la vie.

***

La fugue, ou la fuite... Ça n'est jamais complètement insensé...

Les autres, on les préfère parfois absents...

Les autres, je vais vers eux avec le sourire, mais s'ils ne veulent pas d'un peu d'amitié, je laisse tomber...

Je laisse trotter des mots croisés, échangés, je n'y réponds peut-être jamais grand-chose, pas assez, trop peu, ou peut-être juste ce qu'il faut, ou encore démesurément, en fait je n'en sais rien. Juste que certains trottent, dansent le long de mes colonnes, descendent au ventre, soulèvent leur vagues, grandes qui viennent percuter jusqu'au cœur, et remontent, grimpent, s'envolent haut et font encore du chemin. Et ce n'est jamais que des mots, c'est toujours sous la robe du langage, une voix, un battement, un regard échappé, une vibration du dessous, la note qui propage son écho.

***

Rose aussi, avait ses fuites.

Au milieu des brouhahas, d'une conversation, son regard s'échappait soudain de côté, elle ne cherchait pas à feindre ou à masquer son absence. Elle répondait clairement à côté de la question posée, précisait qu'elle était dans ses pensées, que le sujet la barbait. Sans honte, quoiqu'un peu rougissante parfois, sans mesquinerie, du naturel d'une enfant, elle pouvait signifier ce qui l'ennuyait, ce à quoi elle n'entendait rien et qu'elle ne souhaitait pas faire l'effort d'y entendre quoi que ce soit. Les grandes idées, les grands débats lancés, n'étaient que des mots de vent, Rose leur préférait les petits bavardages futiles, ce qui tournait autour de son axe, des petits plaisirs de ces jours. Et peut-être même avait-elle raison au fond, il me le semble parfois, et puisque tout l'excuse…

Rose avait aussi ses fuites rituelles, ses siestes sans sommeil, ce besoin d'écart avec la grande lumière du jour, et dont elle revenait la peau des ongles un peu plus rognée que la veille.  Ses gestes de chaque jour de la semaine, ordonnancées, en gouttes et en pilules. Rose se battait. Contre tout, contre rien.

Rose s'est toujours défendue de la gravité par l'insouciance, c'est sans doute-là, sa plus belle fuite. La seule chose qui vaille peut-être la peine d'être consignée.

Il y a aussi cette photo saisissante de Rose sur la fin, teint blême mais malice rieuse, sans plus aucuns cheveux, mais coquette dans sa jolie robe, une bague à chaque doigt,  et qui lève un verre de vin à la santé de ses messieurs en costumes et rouflaquettes qui partagent son repas.

  • Je le trouve vraiment magnifique celui-ci ...tu es douée Mamz'Hel, merci à toi

    · Il y a environ 8 ans ·
    W

    marielesmots

    • Merci Marie, contente que cela t'ait plu ainsi.

      · Il y a environ 8 ans ·
      Avat

      hel

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