Caprice de sultan

Romulus Ponus

      Invisible aux badauds, gribouillé de feuillages et de palmacées touffues aux ombrages incertains, cet onirique palais n'a pas de toiture. On s'y éclaire à la bougie et s'y promène déchaussé les soirs d'été quand les embruns de la mer, pas si lointaine, charrient d'onctueux parfums d'épices et de jasmins. D'énigmatiques instructions tapissent la façade rappelant à qui veut l'entendre les origines maures de ce lieu que trahissent deux lourdes portes démesurés, verts menthe. En guise de sentinelle, une statue d'éphèbe longiligne presque désuète qui n'opposera aucune résistance à notre progression.

 

      S'attendant à la pompe fastueuse des demeures dynastiques, le visiteur déchante. Le luxe y est diffus, comme vaporisé. Dans l'unique salle, quelques fioles ouvragées, des calices aux bijoux incrustés, négligemment posés sur de longues tables basses. Les coussins orangés cousus de fils d'or agrémentent de confortables allonges drapées de tissus colorés. S'y affalant, narguilé en bouche, on se voit  vizir, calife ! Des roses blanches fraîchement cueillies jonchent le sol sableux tels des nuages naufragés et les motifs floraux taillés à même le mur semblent s'animer. Au milieu de cette grande pièce brûle une imposante lanterne  chassant pudiquement l'ombre de ses recoins.


       Sous un céleste patronage, des plantes orphelines entament cet édifice.  L'organique cacophonie y explose des teintes d'alchimiste. De la cime des arbres postillonnent de longues lianes touffues formant de vertigineux baldaquins. Du fond de la terre jaillissent de robustes racines aux écorces naïvement peintes. La nature en dernier lieu, domestiquera des murs aux sols cette construction imprécise laissant chacun à ses rêveries infantiles...




     

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