Sous la vigne, une piscine

Vigne et Clématite

« Entrez, je vous en prie », la jeune femme se décala pour le laisser passer.

« Le jardin fait le tour de l'immeuble, le long de l'entrée et de la piscine intérieure. Vous pourrez profiter de la lumière du jour et des plantes lors de vos baignades, ça devrait plaire à votre compagne.»

Le client leva les yeux vers le balcon du premier étage, autour duquel s'enroulait une clématite.

« Ca fait des fleurs ?», demanda simplement monsieur Shan.

« Oui, vous verrez, il fait encore un peu trop froid, mais d'ici un mois ou deux et jusqu'à la fin de l'été, vous aurez de belles fleurs orangées ».

« Bien… ».

Il longea la salle d'eau sans jeter un seul coup d'œil à l'intérieur et arriva côté cour. Une grande table ronde en métal et un énorme parasol se trouvaient au centre. Les murs étaient couverts de plantes grimpantes.

La jeune femme suivit le regard de son client : « Vigne vierge. Aux pieds de la vigne, des rosiers, là c'est un jasmin d'hiver, encore des rosiers, mais une autre variété ; et là-bas dans le coin, derrière les bacs dans lesquels vous pourrez planter ce que vous voulez, une vigne : vous aurez du raisin !»

Apres une courte pause, elle décida de préciser « mais les oiseaux en sont très friands ».

Monsieur Shan imagina un instant sa future femme en train de tomber de l'échelle en essayant de poser des filets pour éloigner les oiseaux. Il ne fit aucun commentaire.

« Imaginez les déjeuners sous les roses au printemps », lança joyeusement la jeune femme.

Il lui sourit avant de se tourner vers la baie vitrée.

« Il y a une entrée de ce côté-ci, mais elle ne s'ouvre que du dedans pour des raisons de sécurité ».

Elle l'invita à rebrousser chemin.

Balcon, piscine et cave à vin

L'entrée était très lumineuse. Elle débouchait sur une cage d'escalier qui menait aux étages supérieurs et à la cave. « Je vous la montrerai avant de monter, mais d'abord…. La piscine ! », S'exclama sa guide avec un certain enthousiasme. Elle poussa la porte qui séparait la cage d'escalier de la salle d'eau. Les murs de droite et du fond étaient réduits à néant, remplacés par de larges baies vitrées.  Les plantes grimpantes et le petit jardin sur lequel aucune autre fenêtre ne s'ouvrait, à part celles de cette maison, garantissaient cependant une certaine intimité.

« Vous pouvez profiter de l'eau en toute quiétude, il n'y a aucun vis-à-vis », commenta la jeune femme, comme si elle suivait le cheminement de sa pensée. Mais monsieur Shan ne rêvait pas de baignades, avec ou sans maillot, il pensait à sa femme qui avait insisté pour que le bassin ne soit pas trop profond et qu'elle puisse y avoir pieds. « Il y a combien là ? 1m20 au début, 2m au fond ? »

« De 1m30 à 2m, il y a des marches sur les 2premiers mètres de ce côté-là, mais vous pouvez rajouter une échelle si vous le souhaitez. »  C'était parfait.

« Si vous souhaitez installer un jacuzzi, les anciens propriétaires sont prêts à vous céder les plans. Ils voulaient en faire construire un avant qu'ils ne décident de vendre. »

Monsieur Shan fit « non » de la tête. Une piscine suffirait.

« Et la cave ? » demanda-t'il soudain.

« Vous allez pouvoir y faire tenir plusieurs tonneaux si vous le souhaitez, elle s'étend sous toute la surface de la maison, venez voir ! »

Aucune fenêtre, aucune ouverture, mais une bonne centaine de mètres carrés de surface, c'était plus qu'il n'en fallait.

« L'ancien propriétaire l'avait aménagée en salle de cinéma, si vous le souhaitez, on peut lui redonner cet usage ».

Monsieur Shan parut surpris par une telle proposition. « Il faudra que j'en parle avec ma femme. Elle aime beaucoup le bon vin, il faut avoir la place de le stocker ».

L'employée de l'agence ne fit pas de commentaire. Elle lui fit faire le tour des deux étages, de la grande cuisine, du salon dont le balcon donnait sur le jardin, des quatre chambres et deux salles de bains ainsi que du bureau.

« Alors ? »

Ils étaient retournés dans le salon, et le futur milliardaire pensait à toutes les occasions merveilleuses qu'offrait cette maison : à l'angle que ferait le corps de sa femme en tombant du deuxième étage ou de la grande échelle en taillant la clématite après floraison ; aux marques que ferait l'échelle en se rabattant sur sa femme après un vol plané, quand elle tenterait de couvrir la vigne de filets. Il imaginait le teint de porcelaine que prendrait la peau de sa femme après avoir été malencontreusement oubliée à la cave, à ses yeux bouffis après la noyade.

« Elle est parfaite ! » s'exclama enfin monsieur Shan.