carnet de bord de joseph l'ange gardien Chap 5

La musique résonne enfin si on peut appeler musique ce bruit de basse assourdissant qui fait presque trembler la baraque.
Ah la splendeur du chœur angélique! Qu'est ce que cela peut me manquer...
Il y a une file de mômes qui font la queue devant la porte et sur la pelouse, détonnant dans ce jardin propret d'un quartier résidentiel. Les massifs soigneusement entretenus sont actuellement envahis de punks en culotte courte qui piétinent les plantes, je secoue la tête et détourne les yeux du massacre écologique ( les nuées de sauterelles et autres fléaux bibliques ne sont rien à côté d'une meute d'ados désœuvrés) pour voir une fille qui abaisse un peu plus son décolleté( encore un peu et celui-ci lui arrive au nombril) adressant une moue sexy à son miroir de poche tandis qu'un keke passe dans un bolide customiser, la fenêtre ouverte sur les grossièretés d'un chanteur de gangsta rap. Il laisse échapper un sifflement strident qui me tire la même grimace douloureuse qu'à Ludmilla avant de faire sautiller sa caisse sur ses suspensions.

Seigneur... achevez-moi

Mais je ne suis pas au bout de mon calvaire, je m'en aperçois en pénétrant sur les lieux de la fête. Une fois passé le choc sonore, je me rends compte que je suis dans l'antichambre de l'enfer. Tous les vices y ont cours.

_ Génial ! S'écrient les filles avant de se ruer à l'intérieur comme des fashionista dans une boutique lors du premier jour des soldes...

Au cas où vous vous demandez d'où sortent mes références elles m'ont forcé à regarder les "reines du shopping" avec elles entre autre choses, je parie qu'il y a une pièce spéciale téléréalité parmi les salles de jeu de Lucifer dans lesquels il ficèle les malheureux pêcheurs et leur impose une éternité de Nabila...

Allô quoi ?

Une adolescente juchée sur les genoux de son petit ami explore joyeusement ses amygdales tandis qu'il lui tripotte les seins. Pendant qu'un couple se tenant par la main se dirige en toute discrétion vers les chambres à l'étage... Est-ce que les parents de l'hôte du moment savent à quoi sert leur lit ?

Une petite bande assise à même le sol joue à faire tourner une bouteille... ah le jeu de la bouteille. D'après mes recherches cela se conclura tout au plus par un innocent baiser, finalement les jeunes ne sont peut-être pas si.... Mais qu'est ce qu'ils font ?!!!

Mes yeux sont sur le point de sortir de leurs orbites quand je vois le jeune homme désigné porter à sa bouche le goulot d'une bouteille de whisky et de se la siffler cul sec sous les encouragements de ses amis. Le succube profite de mon hébétement pour entraîner la gamine dans une danse sexy. Ne manquant pas de saisir l'invitation plusieurs gars viennent se coller aux deux nanas, se déhanchant avec elles collé serré dans une de ses danses modernes qui ne sont que simulation de l'acte sexuel.

Je me rends compte que je suis assis par terre moi aussi, accablé par une vague de découragement. Je suis en train de faire un burn out.

Je suis sensé la garder sur le droit chemin au lieu de cela je l'entraîne sur celui de la perversion. Et pourquoi ? A cause d'une fichue phrase ambiguë qui n'arrête pas de me trotter dans la tête. Il y a des choses qui me plaisent sur terre, des choses qui me font penser aux et si... et si je n'avais pas une mission. Et si je n'étais pas un ange...

Et puis je vois ce genre de comportement incompréhensible pour mon cerveau puritain et je me sens comme un étranger dans un pays inconnu où personne ne parle sa langue. C'est comme une autre culture et il y a des moments je me sens comme ses anges de l'Apocalypse qui pensent que l'humanité est foutue et qu'il faut tout détruire et repartir de zéro. Soudain je me rappelle le cours d'histoire sur la colonisation et ses religieux européens qui imposèrent le catholicisme aux autochtones à coup de terreur et de violence alors je culpabilise d'avoir un instant partagé l'avis de ses extrémistes.

L'humanité est peut-être imparfaite mais elle est pleine de bonne volonté, elle est comme ses gosses, elle est juste trop pleine de passion pour la vie, si cette flamme en elle peut parfois brûler elle est aussi celle qui les fait briller avec tant d'intensité quand nous anges ou démons gravitons autour d'eux comme des papillons autour d'une lampe.

L'un des gars a la main qui s'égare dangereusement près des fesses de la petite soudain, elle se retourne et l'invective tandis qu'à la manière des démones, Ludmilla ne peut s'empêcher de rajouter de l'huile sur le feu en insultant sa virilité. Le garçon pousse Ludmilla qui recule de quelques pas.

Me relevant, je me matérialise entre eux et saisissant la démone, d'une main, l'Antéchrist d'une autre, je m'apprête à les entraîner loin de ses connards libidineux...

Ensuite j'ai un blanc, le petit con à traité ma démone de...

D'un mot que je ne répéterais pas et sa tête a comme par erreur rencontré mon poing...

Assis sur les marches du perron, la tête entre les genoux, je rumine ma déchéance quand une petite main se pose sur mon épaule

_ T'étais trop cool Giuseppe ! Me dit ma protégée des étoiles plein les yeux.

_ C'est vrai ?! Je m'exclame ravi

Ludmilla secoue la tête avec un sourire moqueur mais ne dit rien.

Gonflé à bloc, je saute sur mes pieds, bombant le torse et ma petite admiratrice sur les talons nous retournons à l'intérieur rejoignant les jeunes qui participent au jeu de la bouteille. Nous nous asseyons en cercle avec eux sur le sol et regardons l'objet tourner.

Le coude de Ludmilla me frôle, je la gratifie d'une œillade meurtrière et fixe le grand sourire de notre mission.

L'alcool délie les langues il parait...

Je sais comment apprendre ce que Lucifer à dit à sa fille. Je regarde alors la bouteille qui tourne, tourne et d'une impulsion mentale dévie sa trajectoire sur la petite.

Battant des mains celle ci éclate de rire en saisissant l'alcool...