Cauchemar...

franekbalboa

Aujourd'hui, trop de trépas proches de moi. Aujourd'hui, l'odeur macabre me rappelle toi. Je me rappelle ces derniers instants. Ta peur, légitime, la mienne, égoïste. Je me souviens de tes larmes. Ma main dans le peu de cheveux qui te restait, te murmurant que j'étais là, qu'il fallait que tu tienne. Des mots creux, vides, nous savions tous deux l'inéluctable. Elle arriva et regarda la scène. Je soutint ton regard. Tes magnifiques yeux verts, malgré la peur, malgré les larmes, malgré ta toux bruyante, les soignants dépassés, notre solitude se sentait. 

La faucheuse était là, mais elle coupa le fil trop délicatement. J'ai vu la petite lumière dans le fond de tes yeux verts. J'ai vu la peur grandissant, l'énergie qui s'en allait en même temps que la vie quittait ton corps. J'ai vu cette dernière petite lueur dans le fond de ton regard, s'en aller à jamais. J'ai délicatement clos tes paupières. Tu semblais dormir. J'ai posé tes mains, les larmes coulant sur mes joues, silencieusement, sur ta poitrine. Les soignants ont parlé, et relevé le drap sur ton visage. Je sais que tu étais encore là, me suivant dans ma longue marche dans les couloirs de l'hôpital. 

Après de longues minutes, peut-être des heures, je n'avais aucune notion du temps, l'une des infirmières est arrivée près de moi, mes joues étaient sèches, ma gorge nouée, je n'avais plus de larmes, pas même de mots. Elle m'a tendu un chocolat chaud, me disant que j'avais été d'un courage terrifiant. Je ne me rappelle plus trop le contenu de son discours. J'acquiescais un peu abruti par la situation, totalement hors du temps, hors du moment. Je me souviens en revanche l'avoir vue pleurer. Je l'ai simplement serrée dans les bras en l'écoutant... Te louer comme jamais. Tu étais quelqu'un qui ne se plaignait pas. Tu étais courageuse. Tu avais une force et une énergie énorme. Elle a même pensé que ça pouvait venir de moi. Mais non, tu l'as toujours eu. C'est même toi qui m'a donné cette rage. Tu m'as demandé de ne pas perdre cette furie, cette envie de vie, cette flamme qui semblait vaciller lorsque l'on s'est rencontrés, que tu as fait devenir un brasier ardent, d'une puissance inouïe, qui même au moment de ton départ, a repris une intensité terrible. Je l'ai senti, ton passage vers l'autre monde, il ne fallait pas perdre pied. J'ai pu voir et sentir ton apaisement. Même si je ne sais plus trop, lorsque je suis allé voir ta crémation, je me rappelle parfaitement avoir senti que là où tu étais, tu ne souffrais plus, et que quoi qu'il advenais, tu me regarderais du coin de l'oeil.

Je me souviens que l'après-midi de ton départ me semblait infini. Comme si on m'avait arraché une partie de la poitrine. J'avais froid, alors que nous étions en plein été. Je suis rentré, je suis allé m'allonger, ne parlant à personne. J'avais besoin d'être seul, de ne pas oublier.

Je continuerai à marcher. J'ai marché, j'ai trébuché. Nombre de fois j'ai souffert, mais si peu à côté de ce que tu as enduré... Tu vis toujours à travers moi, quelque part... Ce feu est celui que tu as cultivé quand la flamme semblait s'éteindre... Que tu as protégé sous la pluie, et encore aujourd'hui, je suis convaincu que tu veilles sur moi, sur cette flamme si capricieuse...

Signaler ce texte