Ce genre de fille

clemstonem

J'étais ce genre de fille qui ne savait pas qui elle était, qui n'arrivait pas à s'accepter. Une adolescente typiquement banale qui cherchait à exister sans trop oser s'imposer. On m'avait dressé une liste de toutes les choses que je ne devais pas faire ; et je m'efforçais tant bien que mal de la trahir cette liste, de les trahir mes parents. C'était excitant, c'était interdit. Je sentais cette adrénaline monter en moi, cette sensation d'avoir l'impression de vivre. A 15 ans, la mort est un concept abstrait que tu traites sans respect. La mort, c'est le vide. Alors, je m'en foutais de mourir.

Je ne connaissais pas la valeur de la vie. J'étais dans une école privée, privée de pauvres, privée d'étrangers. On m'a lavé le cerveau avec tout un tas de cliché que j'observais avec des jumelles du haut de mon balcon. Mes critères de personnalité étaient ces petites filles à papa qui pensaient que l'argent poussait sur les arbres et que le prix de leurs vêtements faisait leur beauté.

Je voulais leur ressembler à ces filles-là. Ces filles qui étaient plus belles, plus sociables, plus drôles. On les voyait partout. Elles étaient bien habillées, elles avaient toujours le mot qu'il fallait. C'était elles que les garçons regardaient et désiraient. On pouvait les détester ou les aimer mais au moins, on parlait d'elles. Moi, j'étais rien, un grain de sable dans le désert, une fille transparente. J'essayais de les imiter mais ça ne marchait pas. Je n'avais pas le courage d'affirmer ma personnalité donc je m'écrasais et j'acceptais. J'ai compris que je ne serais jamais comme elles. J'avais raison. Je me suis dit que ma place était en bas de l'échelle sociale. J'avais tort.

Qui a dit qu'il n'y avait qu'un modèle de fille ?

Il s'est passé un temps fou avant que je comprenne que c'est génial d'être différente. Un temps fou durant lequel j'étais perdu, à la recherche d'un idéal que je n'atteindrais jamais. Je voulais être comme les autres. Ça ne marchait pas, donc je me suis créé un personnage qui ne me ressemblait pas. Un personnage qui voulait tout rattraper au niveau des garçons, des soirées, de la drogue. Un personnage jaloux qui regardait à travers ses œillères un monde auquel il n'appartenait pas. Ce personnage-là était triste et mélancolique, il s'attachait aux gens beaucoup trop, beaucoup trop fort. Il était complètement noyé, dépassé par les évènements, exténué à force de faire semblant, tous les jours, d'être quelqu'un qu'il n'était pas. Il n'avait plus la force de continuer cette mascarade mais il n'avait pas la force de l'arrêter non plus. Alors, il se détruisait corporellement, mentalement puis il détruisait les autres aussi. Il lui fallait un truc, un seul truc. Remettre les pendules à zéro pour laisser faire le temps.

Et le temps m'a sauvé parce qu'il m'a fait grandir. Il m'a fait comprendre que chacun à une incroyable richesse en lui qu'il ne lui reste qu'à exploiter. Il m'a fait comprendre que c'était facile de faire semblant, d'être triste, de choisir la noirceur. Pourtant, être soi-même c'est un combat de tous les jours et c'est qu'en étant soi-même que l'on peut choisir d'être heureux.   

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