Ce qui advint des enfants perdus
Sixtine Duvieusart
Ce qui advint des enfants perdus
par Sixtine Duvieusart
Episode 1:
- Sarah, Sébastien, dépêchez-vous on y va !
Des bruits de pas dans l’escaliers confirmèrent à Anna Korantez que ses enfants avaient entendus son appel. Quelques instants plus tard, sa fille de douze ans la rejoignait sur le perron de leur maison, un sac de voyage débordant de livres sur l’épaule et tenant Sébastien, son petit frère de trois ans et demi, par la main. Tous deux possédaient des traits de visage similaires à ceux de leur mère, mais la ressemblance entre les deux enfants s’arrêtait là. Si le garçonnet avait hérité des cheveux blonds et du teint hâlé de son père, ses yeux vert fonçé étaient semblables à ceux d’Anna. Quant à l’aînée, elle tenait de sa mère sa longue chevelure sombre et sa peau pâle, mais possèdait des yeux bleus très clairs qui rappelaient ceux de sa grand-mère maternelle. Cependant, en dépit de leurs différences d’âge et d’apparence, les deux enfants étaient presque inséparables. Sébastien admirait sa sœur et la suivait partout, et l’adolescente ne réchignait jamais à jouer avec lui, au grand plaisir d’Anna qui pouvait ainsi s’octroyer, de temps à autres, quelques moments de répit durant laquelle elle confiait le bambin à son aînée. Comme maintenant.
- Désolé maman, Seb’ avait oublié Monsieur Nounours…
- Ce n’est pas grave ma chérie. Allez, en voiture avant que ton père ne s’impatiente…
Avec un petit sourire, l’adolescente obtempéra et s’assit dans la voiture après avoir attaché son frère sur son siège enfant. Sachant qu’ils allaient passer deux semaines avec le côté maternel de la famille, Olivier était plus susceptible de sauter sur la moindre excuse pour repousser l’inévitable que de se plaindre d’un retard de cinq minutes. A sa décharge, Sarah était bien obligée d’admettre que sa grand-mère pouvait être… pesante par moment, en particulier quand il était question de son gendre qui, selon elle, exerçait un métier bien trop dangereux et qui aurait dû quitter la police quand il avait épousé Anna. Ou qui aurait, du moins, dû demander à être affecté à un bureau plutôt que de continuer à travailler sur le terrain. Les disputes entre Lenaïg Guivar’ch et Olivier Korantez étaient légendaires, à tel point que les frères d’Anna avaient pris l’habitude, lors des réunions de famille, de parier sur les arguments (et les insultes) qui allaient être employés. Officiellement, Anna désapprouvait cette pratique, mais la jeune fille avait surpris sa mère en train de glisser un billet de cinq euros à l’un de ses frère après une dispute particulièrement vocale lors du repas de Noël,
Quelques heures après leur départ, ils s’arrêtèrent à un relais routier pour la pause-déjeuner. Alors qu’Olivier conduisait et que sa femme lisait un magazine, Sarah et Sébastien avaient dormi pendant la majorité du trajet. Le réveil à cinq heures du matin et le départ à six heures ne leur avait pas vraiment réussi. Heureusement, le relais possédait un restaurant plus élaboré qu’une sadnwicherie, et un bon repas eut tôt fait de les réveiller.
- On en a encore pour longtemps ? s’enquit la jeune fille auprès de sa mère alors qu’ils retournaient à la voiture.
- On continue sur l’A666 pendant encore quatre bonnes heures et puis il nous restera encore trois heures, trois heures et demies de trajet à accomplir par les petites routes.
- Encore sept heures ?! Rappelles-moi pourquoi Mamie a voulu aller à Nice cette année ?
- Parce qu’elle en avait assez du temps breton, soupira Anna en ouvrant la portière de la voiture.
Ils s’apprêtaient à repartir quand elle s’aperçut qu’elle n’avait plus son sac.
- J’ai dû l’oublier aux toilettes, je reviens tout de suite, assura-t-elle à Olivier avant de retourner dans le relais.
Mais quand, quinze minutes plus tard, elle ne les avait toujours pas rejoint, le policier commença à s’inquiéter. Sa femme n’était peut-être pas la plus ponctuelle des personnes, mais récupérer un sac à main oublié dans un relais routier presque désert ne pouvait pas prendre plus de cinq minutes, dix si elle avait décidé de repasser aux toilettes avant de partir. Ce n’était pas le genre d’Anna de s’éterniser de la sorte, surtout quand elle savait qu’il leur restait encore une bonne demi-douzaine d’heures de route (et quand c’était elle qui avait, à plusieurs reprises, insisté sur la ponctualité – sans doute parce qu’Anna connaissait bien sa mère et savait que celle-ci avait les retardataires en horreur). Il tenta de l’appeler sur son téléphone, réticent à l’idée de laisser ses enfants seuls, mais sa femme l’avait laissé dans la poche de sa veste… veste qui était sur le siège passager. Fronçant les sourcils, il se tourna vers sa fille qui lisait une histoire à Sébastien.
- Sarah, je vais voir ce que fait maman. Toi et Sébastien, vous ne bougez pas de la voiture et si quoi que ce soit te paraît bizarre, je veux que tu verrouilles les portières et que tu m’appelles avec le téléphone de ta mère. Si je ne répond pas, tu appelles le 112, c’est compris ?
L’adolescente hocha la tête, acceptant les clefs et le téléphone que lui tendait son père.
- Si je ne suis pas revenu dans vingt minutes et que tu n’as pas réussi à me joindre, tu appelles le 112. Mieux vaut prévenir que guérir.
Il ne voulait pas paniquer sa fille, mais l’absence prolongée d’Anna l’inquiétait. Que lui était-il arrivé ?
Après quelques dernières recommandations, il sortit de la voiture et se dirigea vers le relais. Ne voyant personne aux toilettes, il décida de tenter sa chance auprès de la caissière qui s’occupait de la petite épicerie du relais.
- Cheveux bruns, T-shirt bleu ? s’enquit la jeune fille. Oui, elle est passée il y a quinze minutes pour chercher son sac. Une autre femme a fait un malaise, je crois que votre femme l’a accompagné dehors pour qu’elle puisse prendre un peu l’air. Elles ont emprunté la porte de derrière, celle qui donne sur le petit bois.
Après l’avoir remercié, le policier suivit ses indications et se rendit à l’extérieur. Alors qu’il ouvrait la porte, il tenta de se rassurer. Anna n’était pas venue les rejoindre parce qu’elle avait voulu aider une femme qui faisait un malaise. C’était typique de son épouse, d’autant plus qu’elle avait fait une formation de premiers secours peu après la naissance de Sarah. Il n’y avait aucune raison de s’inquiéter… Alors pourquoi est-ce que son instinct lui hurlait de se tenir sur ses gardes ?
Son instinct l’avait rarement trompé, et c’est tendu qu’il déboucha sur l’arrière-cour du relais. Le fait que celle-ci soit déserte confirma ses soupçons, et il était prêt à faire demi-tour et à appeler la police quand il aperçut une forme bleue étendue au sol à l’orée du petit bois dont la caissière avait parlé. Reconnaissant le T-shirt de sa femme, il se précipita vers elle.
Anna gisait au sol, inconsciente, son sac renversé sur le sol à côté d’elle. Immédiatement, Olivier posa ses doigts sur la gorge de sa femme, soupirant de soulagement quand il sentit son pouls battre faiblement. Une odeur d’éther l’informa de ce qui avait sans doute causé son inconscience – c’était l’odeurcaractéristiquedu chloroforme. Il jura et s’empara de son téléphone, prêt à composer le numéro d’urgence, quand une sensation froide sur sa nuque l’en empêcha.
- N’y pense même pas, Korantez ! cracha l’homme qui tenait un pistolet contre sa nuque.
Il avait un accent particulier, caractéristique des pays de l’Est, et Olivier Korantez pâlit.
- Pose le téléphone, gronda la voix. Tout de suite !
Le père de famille obtempéra sans protester, la peur au ventre. Une deuxième personne apparut dans son champs de vision, une femme cette fois, et celle-ci écrasa le téléphone sous son pied. Sa dernière chance de contacter les secours venait de disparaître, et il ne lui restait plus qu’à éspèrer que Sarah ait déjà appellé la police. Cette pensée avait à peine traversé sa tête qu’il blêmit encore plus.
Sarah. Sébastien. Ses enfants.
Seuls dans la voiture. Des cibles faciles. Surtout si, comme il le supposait, ses attaquants étaient là pour se venger de lui. Il voulut se retourner, mais le canon de l’arme s’enfonça un peu plus dans sa nuque et il s’immobilisa.
- Le patron ne veut pas qu’on te tue, Korantez, mais donne-moi une bonne raison, une seule, et je n’hésiterai pas !
Il disait la vérité, Olivier le sentait. L’homme n’aurait aucune hésitation à le tuer. Il se raidit quand il entendit des bruits de pas autour de lui. De nombreux bruits de pas. En quelques instants, il était totalement encerclé.
- Le patron veut te garder en vie, Korantez, mais il n’a jamais dit qu’on devait te garder intact, gronda l’homme qui le maintenait en joue avant de le pousser violemment, le faisant tomber au sol.
Il recula, sortant du cercle qui se referma autour du policier.
- Faites-vous plaisir, dit-il aux nouveaux arrivants. Tant qu’il ne crève pas, vous pouvez faire de lui tout ce que vous voulez. Vous avez vingt minutes, pas une de plus, et après vous disparaissez ! Svetlana ! Tu as les clefs ?
La femme qui avait écrasé le téléphone d’Olivier sortit du cercle à son tour, non sans avoir marché sur sa main. Par inadvertance, bien sûr.
- Da.
- Alors on y va. Korantez, à ta place je ne crierai pas trop. Tu ne voudrais pas qu’il arrive quoique ce soit à ta chère petite femme…
Sur ces mots, le couple s’éloigna sans accorder plus d’attention au père de famille alors que les premiers coups s’abattaient sur celui-ci.
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- ‘Rah ? Où qu’ils sont maman et papa ? demanda Sébastien, interrompant sa sœur.
- Je ne sais pas, mais je suis sûre qu’ils ne vont pas tarder, le rassura l’adolescente tout en tentant de dissimuler le mauvais pressentiment qui la taraudait depuis qu’ils étaient arrivés au relais.
Cela faisait maintenant une demi-heure que son père était parti, et près d’une heure que sa mère avait disparue. Et cela faisait dix minutes que son père avait cessé de répondre à ses messages. Elle avait tenté de l’appeler, mais sans succès. Elle ne recevait qu’un message vocal lui annonçant que le numéro n’était pas joignable pour l’instant…
Posant le livre qu’elle était en train de lire à son frère sur le siège du milieu, elle parcourut le parking des yeux. Il n’y avait que peu de voitures, et aucune garée à proximité de la leur. De là où elle se trouvait, elle pouvait aperçevoir le relais, les quatre ou cinq personnes qui s’y trouvaient, et un couple qui traversait le parking. Mais aucune trace de leurs parents.
Minute.
Un couple qui traversait le parking en allant vers eux ? Alors qu’aucune autre voiture n’était garée là ?
Elle plaqua sa main sur le bouton de verrouillage automatique des portières et attrapa le téléphone de sa mère. A côté d’elle, Sébastien la regardait avec des grands yeux, incapable de comprendre pourquoi sa sœur paniquait.
Elle avait composé le 112 et s’apprêtait à appuyer sur la touche ‘appel’ quand le déclic des portières se déverrouillant l’en empêcha. L’instant d’après, un homme s’emparait du téléphone et le jetait dans l’herbe à quelques mètres de là alors qu’une femme ouvrait la portière côté passager et pointait une arme sur Sébastien.
- Tu crie et c’est ton frère qui trinque, compris ? gronda l’homme.
Terrorisée, Sarah hocha la tête et se recroquevilla sur son siège.
- Bien. On va aller faire un petit tour…
Sur ces mots, il claqua la portière arrière et s’assit derrière le volant. Quelques secondes plus tard, la voiture quittait le parking, laissant derrière elle une femme inconsciente, un homme grièvement blessé et un téléphone abandonné dans l’herbe.
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- Que… que se passe-t’il ? demanda Sarah, tremblant quand le pistolet fut braqué sur elle.
Un Beretta 92, lui souffla sa mémoire, faisant ressurgir de ses souvenirs l’image de l’ancienne arme de service de son père, avant que la police ne choisisse le SIG-Pro 2022. Une des armes de poing les plus populaires, le Beretta 92 était utilisé par les forces armées et les forces de police de nombreux autres pays tels que le Mexique, la Turquie ou encore les Etats-Unis. Un pistolet semi-automatique très précis à dix-sept et vingt-cinq mètres, avec une capacité de quinze à dix-sept coups selon les modèles.
Elle s’était renseignée sur l’arme quand son père lui en avait parlé, quelques années plus tôt, mais elle le regrettait à présent que les informations concernant l’arme pointée sur elle se pressaient dans sa tête. Elle était déjà suffisamment terrifiée sans que son cerveau ne se sente obligée de lui rappeller tous les détails concernant l’arme par laquelle elle allait peut-être mourir.
- Il se passe, gamine, que ton père nous a causé quelques grosses emmerdes récemment, cracha la femme qui tenait l’arme. Il s’est mêlé de ce qui ne le regardait pas et a fait mettre en taule un des nôtres. Il va payer pour ça, et manque de bol pour toi et l’autre mioche, c’est vous qui allez régler l’addition !
Effrayé par son agressivité, Sébastien se mit à pleurer. Immédiatement, le canon de l’arme se pointa sur lui.
- Ne lui faites pas de mal ! ne put s’empêcher de crier la jeune fille malgré la peur qui la paralysait presque.
- Alors démerdes-toi pour qu’il la ferme ! On en a pour un bon paquet d’heures de route et s’il chiale pendant tout le trajet, je l’assomme, compris ?
Elle hocha rapidement la tête et fit mine de se détacher.
- Qu’est-ce que tu crois que tu es en train de faire ?
Le Beretta était à nouveau braqué sur elle. Bravement, elle releva la tête.
- Je veux juste me détacher pour le prendre sur mes genoux.
- Je t’ai à l’œil. Tu le prends et tu te rattaches immédiatement, c’est clair ?
- Oui madame.
- Oui madame. Se moqua l’adulte. Dépèches-toi !
Elle défit sa ceinture puis détacha rapidement son frère. Dès que ce fut fait, elle le prit dans ses bras et se rassit, remettant sa ceinture de sorte à ce que celle-ci les entoure tous les deux. Faisant son possible pour ignorer leurs ravisseurs – parce que c’était bien d’un enlèvement qu’il s’agissait – et l’inquiétude pour ses parents qui lui rongeait le ventre, elle entreprit de rassurer le petit garçon.
- Chut Sébastien, tout va bien se passer, je te le promets, calme-toi, s’il-te-plaît, arrêtes de pleurer…
Voyant que ses mots ne suffisaient pas à faire cesser ses pleurs, et que leurs ravisseurs s’impatientaient, elle prit une grande inspiration avant de reprendre la parole.
- Sébastien ? Sébastien, il ne faut pas avoir peur, d’accord ? C’est une aventure, on est en train de vivre une aventure, alors il faut être courageux, d’accord ?
Elle détestait mentir à son frère, mais là elle n’avait pas d’autre choix. Si elle ne parvenait pas à le rassurer, elle craignait que la femme sur le siège passager – une quarantaine d’années, cheveux châtains ternes, yeux noisette et traits sévères, probablement originaire des pays de l’Est vu son accent – ne s’en charge, et elle ne doutait pas qu’elle mettrait sa menace à exécution et assommerait le bambin… dans le meilleur des cas. Elle ignorait ce qui était arrivé à leurs parents, mais doutait qu’ils puissent venir à leur secours pour l’instant. Les deux inconnus qui les avaient enlevés semblaient agir par vengeance contre leur père, donc Sarah supposait qu’Olivier était toujours en vie. Enlever les enfants d’un homme mort ne constituait pas une vengeance très efficace. Après tout, seuls les vivants pouvaient regretter ou culpabiliser. Et souffrir. L’adolescente se doutait bien que c’était là le but réel de leur enlèvement : faire souffrir Olivier Korantez pour le punir d’avoir contribué à l’arrestation d’un membre de leur organisation. Le seul point positif qu’elle voyait à cette situation était que cela signifiait que son père était encore vivant. Elle n’était pas aussi sûre en ce qui concernait sa mère, et la possibilité qu’Anna soit morte la terrifiait, bien qu’elle fasse son possible pour le dissimuler à son frère.
- Une av’ture ? Comme avec Peter Pan ? hoqueta l’enfant en se cramponnant à son ours en peluche.
Sautant sur l’occasion qu’il lui offrait, Sarah renchérit :
- Oui, exactement ! On est en train de vivre une aventure comme Peter, Wendy et les autres ! On est en route vers le Pays Imaginaire !
Voyant que le garçon semblait se calmer petit à petit, elle continua sur sa lancée.
- Mais tu sais Sébastien, il n’y a que les grands garçons qui peuvent aller au Pays Imaginaire. Les petits bébés qui pleurent, Peter Pan ne les laisse pas venir avec lui…
Ces mots eurent un effet immédiat sur l’enfant qui commença à tout faire pour essuyer ses larmes.
- Suis pas un bébé ! s’écria-t-il. Veux vivre une av’ture !
A l’avant de la voiture, la femme ricana à voix basse.
- Peter Pan ? Elle a rien trouvé de mieux, la gamine ? Je croyais qu’elle était censée être une surdouée ou un truc du genre…
- Elle l’a fait taire, c’est l’essentiel Svetlana, grommela le conducteur qui se concentrait sur la route.
Sur la banquette arrière, Sarah serra son frère contre elle. Pour lui, c’était un jeu, mais elle, elle était consciente du danger. Trop consciente. Pour une fois, son intelligence hors du commun était un poids. Elle avait lu suffisamment de romans policiers pour savoir que si un ravisseur montrait son visage à ses victimes, c’était parce qu’il n’avait pas l’intention de laisser des témoins derrière lui pour l’identifier. Et le couple qui les avait enlevé n’a rien fait pour dissimuler leur identité. Elle savait maintenant que la femme s’apellait Svetlana. Un nom russe qui semblait confirmer sa première hypothèse. Quant à l’homme dont elle aperçevait le visage dans le rétroviseur, il était grand et massif, plus vieux que sa compagne – entre cinquante et cinquante-cinq ans peut-être, voir un peu plus âgé. Certainement pas plus jeune. Ses traits étaient tirés, son teint pâle. Ses cheveux clairs étaient coupé très courts, une coupe presque militaire, et ses yeux bleus perçants semblaient froids comme la glace. Sa carrure, sa coupe de cheveux, son maintien, tout en lui lui rappelait les militaires qu’elle avait vu lors du défilé du quatorze juillet, à peine une semaine plus tôt. Ancien soldat, plus que probablement, ce qui pouvait éventuellement expliquer comment il s’était procuré le deuxième Beretta qu’elle avait aperçu à sa ceinture. Il s’agissait là du plus dangereux des deux, même si c’était Svetlana et non lui qui avait braqué un pistolet sur elle.
Constatant que leur attention n’était plus totalement sur elle, elle murmura à l’oreille de son frère.
- Il faut que tu m’écoutes attentivement, Sébastien, et que tu ne fasse pas de bruit. On est en route pour le Pays Imaginaire, mais on a été enlevé par des pirates. Ils sont très méchants, et on doit leur obéir sinon ils vont nous faire du mal et nous empêcher d’aller rejoindre Peter et les autres. Alors il faut que tu sois très sage, d’accord ? Le plus sage possible. Et il faut que tu fasses tout ce que je te dirais de faire, d’accord ?
L’enfant hocha la tête, l’air sérieux, mais elle savait qu’il n’avait pas vraiment réalisé ce qu’il se passait. Dans un sens, elle l’enviait.
- On est comme les enfants perdus, alors ? chuchota-t-il.
Comme les enfants perdus. La vérité, dit-on, sort de la bouche des enfants. Même s’il ne comprenait pas ce qui était en train de se passer, Sébastien venait, en une phrase, de parfaitement résumer la situation.
Elle ne put s’empêcher d’adresser une prière muette à toute divinité disposée à les aider. Prière pour qu’ils finissent comme les enfants perdus du dessin animé de Walt Disney et non comme ceux de l’œuvre originale de James Barrie. Parce que si les premiers étaient sauvés à la fin (personne ne mourrait jamais dans les dessins animés pour enfants, sauf, de temps en temps, les ‘méchants’), les seconds mourraient. Toujours. Soit de la main de Crochet et de ses pirates, soit de la main de Peter lui-même. Le Peter de James Barrie était un enfant cruel, manipulateur. Et meurtrier. Ce Peter Pan là faisait disparaître les enfants perdus quand ceux-ci grandissaient, car grandir allait à l’encontre des règles du Pays Imaginaire où Peter régnait en maître et tyran.
- Oui Sébastien, comme les enfants perdus, parvint-elle à murmurer en retenant ses larmes. Comme les enfants perdus…
Ce qui advint des enfants perdus
Articulation
Episode 1 : La famille Korantez part pour Nice. Elle s’arrête au relais. Au moment du départ, Anna, la mère qui était partie chercher son sac, ne revient pas. Inquiet, Olivier part à sa recherche après avoir dit aux enfants de ne pas bouger de la voiture. Il se fait agresser et est laissé presque mort dans le bois derrière le relais, avec sa femme qui est chloroformée. Un couple enlève les enfants après s’être emparé des clefs qu’Olivier avait sur lui. Pour rassurer son frère, Sarah tente de lui faire croire qu’ils vivent une aventure comme Peter Pan.
Episode 2 : La mère reprend conscience et voit le corps ensanglanté de son mari. Elle appelle les secours. La police arrive et le couple est amené à l’hôpital alors que le Plan Alerte Enlèvement est déclenché.
Episode 3 : Sarah cherche à comprendre ce qui se passe tout en protégeant son frère de la réalité. Les enfants sont toujours dans la voiture. Un échange téléphonique a lieu entre les ravisseurs, qui fixent un point de rendez-vous et parlent d’un échange.
Episode 4 : Anna est à l’hôpital. Olivier est dans le coma, et deux inspecteurs arrivent. Elle apprend que son mari a fait enfermer un grand nom d’un réseau semi-mafieux spécialisé dans le trafic humain. Elle est interrogée sur ce qu’elle en sait, c’est-à-dire rien. Elle est rejointe à l’hôpital par sa famille qui avait été prévenue par la police.
Episode 5:Les enfants changent de voiture et sont pris en charge par un autre groupe dans une camionnette. Sarah continue de tisser un monde imaginaire pour son frère.
Episode 6: La police fait le point avec Anna sur les recherches et sur l’état de santé d’Olivier. Elle est morte d’inquiétude pour les enfants et furieuse contre son mari pour lui avoir caché ça. Lenaïg, sa mère, tente de la calmer, ce qui est assez ironique quand on sait que c’est généralement Lenaïg qui reprochait à Olivier de travailler dans la police.
Episode 7: Les enfants sont emmenés dans un immeuble vide près de Paris et sont enfermés avec d’autres enfants très jeunes que Sarah fait entrer dans le jeu pour les rassurer. Quand l’un des enfants est emmené, elle s’interpose et reçoit un violent coup à la tête. Elle reste inconsciente et quand elle revient à elle, elle a du mal à séparer imaginaire et réalité.
Episode 8: Un membre du réseau semi-mafieux se fait coincer par la police alors qu’il ‘livrait’ un enfant à un client. Le groupe panique et sépare les enfants.Sarah et Sébastien sont drogués et transportés dans une nouvelle planque, mais Sarah perd de plus en plus pied avec la réalité.
Episode 9: La police a capturé un trafiquant et commence à fouiller toutes les bases que celui-ci leur livre.
Episode 10: La police arrive enfin. Les ravisseurs essaient d’utiliser les enfants comme otages, mais dans la confusion ils s’échappent par le toit. Poursuivis et persuadés d’être dans le monde de Peter Pan, ils se lançent dans le vide…