Cécile chez les flics. extrait: (La Picador)
occhuizzo-marc
Ce matin-là Cécile arriva très énervée au Central de Police. Pour une fois, elle était venue à pied depuis la station du tram Caruso, en respirant profondément tout en longeant l'interminable avenue des pyramides de verre, sur l'avenue Othello. Elle se présenta à l'accueil, sans fixer l'agent de service, l'ignorant même par un petit air dédaigneux. Un peu anxieuse, elle sortit de son sac sa convocation froissée. Juste une mise au point, se disait-elle ou un rappel à la loi, en marmonnant entre les dents un panier d'injures gratinées pour la nouvelle inspectrice, qui visiblement, n'allait pas devenir son amie pour partir en vacances.
- Vous me reprochez quoi ? Cécile attaquait les yeux fermés.
- Madame Picador, c'est moi qui pose les questions, je vous prie. (Lafanqui se voulait très professionnelle.)
Plusieurs mains courantes portent votre nom. Vous grugez les hommes sur A2Coeurs. N'est-ce pas ?
- Jamais de la vie ! se défendit fermement Cécile.
Je suis naïve, c'est eux les menteurs, les vicieux, des types méchants et fourbes, qui veulent qu'une chose, assouvir leurs instincts bestiaux.
- Vous y allez un peu fort.
- Pas du tout. Tous tordus !
- Alors pourquoi allez-vous sur ce site ?
- Je cherche la perle rare.
- Plutôt le portefeuille plein, d'après le dossier que j'aie sur vous.
« Un dossier sur moi ! Pauvre connasse, gouinasse ! » se dit intérieurement Cécile sortie de ses gonds.
- Jean-Guy Franzoni. Ça vous dit quelque chose, j'espère ?
- Evidemment, ça a duré 6 mois avec lui, après je crois qu'il a rencontré une pouff, bien sûr j'ai appris pour lui. Un sensible, le Jiguy. Mais très violent quand il avait un coup dans le pif. Un pervers ! Et je suis polie… (Jean-Guy était abstinent d'alcool depuis huit ans), Lafranqui l'ignorait.
- Pour la famille on va faire la lumière sur ce suicide, puis je vous demande de stopper toutes manigances pour essayer de soutirer de l'argent aux hommes que vous rencontrez.
- Bien, Ok ! Mais j'y suis pour rien avec vos pauvres petits mecs dépouillés. Je suis une femme respectable, vous pouvez demander autour de moi. Houlà, je suis vénére !
Mal baisée de condé, se dit au plus profond de son être et le regard à dix heures dix, Cécile Picador intériorisant sa rage en raclant la gorge. La haine lui montait au nez.
Plus tard sur le quai bondé de monde, Cécile flânait en touriste solitaire, admirative en approchant les yachts qui respiraient les voyages et la liberté, tandis que le stress l'avait quitté pour la journée. Les musiques sourdaient des commerces. Placide, voilà qu'elle bifurqua sur sa droite et s'arrêta chez le Belge, son lieu favoris. Elle minimisait ses péchés, ce qui ne l'empêcha pas de se laisser tenter par un sorbet citron vert coco, qu'elle lécha suavement. Tout en haïssant sa nouvelle rencontre. Lucy Lafranqui.
Cécile enleva ses ballerines puis s'assit sur un banc fabriqué à partir de matériaux de recyclage, à côté d'une vieille dame portant sur la tête un panama, en pleine lecture studieuse du nouveau James Ellroy. Un sourire éclair, le sorbet bien entamé, les yeux minuscules, elle retourna virtuellement dans le terreau toxique de ses racines.
A huit ans, elle était servante-enfant, bossait déjà pour mamie sorcièrace, handicapée des sentiments. Dans le bar familial qui servait aussi de pension de famille, une cantina dans un patelin paumé de l'arrière-pays de la région au milieu de années 80. Les mots de la sorcièrace étaient aussi sournois que des coups de pieds dans le ventre. Simplette, débile, bâtarde, cabourde, frisée… La vieille hystérique poussait des cris stridents qui déchiraient les oreilles et les murs, et emmerdaient de temps en temps les villageois dans leur quiétude. Mâchoire verrouillée et larmes enfermées, Cécile larbinait sans un merci et encore moins un s'il te plait. Pas un sou dans les poches du tablier pour les bonbons. Alors elle vola un peu de ce qui brille comme la pie dans les vignes. Sorcièrace la gentille en public et surtout diplomate suceuse sans vergogne avec les notables de la région, bien entendu sa vraie personnalité de méchante au foyer reprenait le dessus. Parfois la vieille boxait la voisine d'à côté, une ni chèvre ni bouc, qui lui rendait bien les coups. En croisant les doigts, Cécile espérait en secret pour que le combat tourne en faveur de la ni chèvre ni bouc. Une homménasse qui partageait sa couche et son gîte, avec son amie journaliste de presse écrite demeurant à Paris pendant la semaine.
Elle pensait que c'était normal, que tous les enfants de son âge avaient le même traitement. Elle était un amusement pour les autres, avant de devenir un jouet cassé. Après tout c'était le même sang des Picador qui coulaient dans ses veines de petite fille. Sur les étagères de la grande salle à manger, Cécile n'avait pas droit à sa photo, comme sa cadette et ses autres cousines et cousins, qui trônaient en souriant d'un bonheur figé. La vieille se donnait bonne conscience, et dédiait un culte particulier aux défunts de la famille. Point de révolte pour Cécile docile et facile, jusqu'au jour…
merci ce sera avec plaisir
· Il y a environ 5 ans ·occhuizzo-marc
A suivre...
· Il y a environ 5 ans ·Louve