Celtic way

Chapitre 1:
Samantha.

Paris, Novembre 2016.

La brume hivernale s'insinue dans les méandres des rue de la capitale tel un serpent dans son nid. La température est descendue de plusieurs degrés depuis une semaine, avoisinant le zéro. Il est six heures du matin et les rares passants s'empressent de gagner la chaleur de leurs habitations.

Dans un petit studio du vingtième arrondissement, non loin du cimetière du père Lachaise, un réveil se met en route. De sous la couette sort une main et tâtonne à la recherche du téléphone portable. Une simple pression sur l'écran tactile suffit à interrompre la chanson « Going to Hell » du groupe The Pretty Reckless. Un marmonnement et un mouvement font bouger la couette. Samantha, les yeux embués par le sommeil pose les pieds sur la fine moquette usée et prend un moment avant de se lever. Sa bouche à le goût pâteux d'un mélange de tabac froid et d'alcool. Elle a encore trop abusé hier, à tel point qu'elle s'en est couchée toute habillée. Elle tâte le lit afin de voir si quelqu'un d'autre si trouve. Personne. Elle a du rentrer seule ou bien son ou sa partenaire d'une nuit est parti avant son réveil. Elle finit par se lever, un peu trop rapidement à son goût, tout tournant autour d'elle. Elle se dirige d'un pas incertain vers la salle de bain.

La pièce est toute petite, ne comprenant qu'un lavabo, un WC et une douche. Elle retire ses vêtements qui eux aussi sentent le tabac froid et s'apprête à les jeter dans la corbeille avant de constater que celle-ci déborde déjà de linge sale. Elle songe qu'il serait temps de faire une lessive. Mais plus tard pour le moment elle balance ses fringues au sol et entre dans la douche. L'eau chaude coule sur son corps svelte, inhibant les derniers effets de l'alcool. Elle prend la première serviette qui lui tombe sous la main, s'essuie et s'enroule dedans. Elle efface la buée qui s'est déposée sur le miroir et se regarde droit dans les yeux. Elle a des cernes du au peu de sommeil qu'elle a eu. Elle se met un léger rouge à lèvres et un peu de khôl et une crème hydratante. Elle attache ses longs cheveux noirs en une queue de cheval dévoilant les cotés de son crâne entièrement rasés. Les piercings à son nez, son arcade sourcilière, ses oreilles et sa lèvre sont toujours là, elle se souvient de la fois où elle en avait perdu un suite à une soirée fortement arrosée. Elle place sa brosse à dent dans sa bouche et ressort dans la pièce à vivre en se lavant les dents.

Samantha verse du café dans un mug à l'effigie du groupe Iron Maiden et le place dans le micro-onde. Le temps qu'il chauffe elle recrache la pâte dans l'évier, attrape un verre et se rince les dents. Le « ding » l'averti que sa boisson est prête. Elle prend son mug et tout en buvant son café se dirige vers son armoire en faisant attention à ne pas renverser le liquide chaud. Elle le pose sur la table de nuit et ouvre la penderie. Elle fait tomber la serviette et choisit les vêtements qui viendront recouvrir son corps aux nombreux tatouages. Des sous-vêtements en coton, une paire de chaussettes blanches, un jean déchiré et élimé, un tee-shirt « Madness » et un sweat léger aux manches trop longues suffisent pour aujourd'hui. Elle avale vite fait son café avant d'enfiler une paire de doc Martens aux lacets défaits. Elle glisse son téléphone dans sa poche, passe une vieille veste kaki de l'armée parsemée de nombreux écussons, prend son sac et file vite fait de son studio.

Dehors il fait si froid qu'elle regrette de ne pas avoir pris un bonnet. Elle fonce vers la première entrée de métro afin d'échapper à la morsure glaçante et d'attraper le premier train de la ligne 3. Elle devra ensuite passer sur la ligne 4 en direction de Saint-Michel comme tout les matins afin de regagner son lieu de travail. Arrivé sur le quai elle attrape de justesse le métro. Dedans elle s'installe sur un des sièges au tissus élimé. Il lui faut peu de temps pour s'endormir la tête appuyée sur la vitre, bercée par le bruit des roues sur les rails.

***

Il fait si sombre, très sombre.

Trop sombre?

Est-ce du à cette nuit sans lune ou à la densité de ce qui l'entoure?

Où est-elle d'ailleurs?

L'odeur de la résine lui monte au nez. Une forêt. Oui c'est bien ça elle distingue les formes des arbres. Comme si sa vue s'améliorait peu à peu, comme le focus d'un objectif d'appareil photo dont elle ferait le point. Les arbres sont immenses, serrés au plus possible, seul un chemin se dessine entre eux. Timidement elle avance.

Peur ou prudence?

Son cœur se serre à l'intérieur de sa poitrine. Elle ressent une étreinte froide et forte, tel les mains de la faucheuse venant chercher son du. La pression se fait de plus en plus forte au fur et à mesure qu'elle avance. Un frisson glacé lui parcourt l'échine. Samantha se retourne d'un seul coup. Elle sent une présence derrière elle. Elle est affolée, comme une petite fille perdue dans une foule immense, abandonnée. Elle sait qu'il y a quelqu'un là face à elle qui lui veut du mal. Quelqu'un qu'elle n'arrive pas à voir et pourtant si proche. Elle se retourne et se met à courir droit devant elle sur ce chemin de terre. Et elle constate que plus elle avance, plus sa route est jonchée d'obstacles. Elle se fraie un passage à travers les buissons épineux. Leurs griffes acérées lui entaillent la peau. Peu importe la douleur, elle doit continuer d'avancer coute que coute, elle doit fuir. Son pied rencontre une racine noueuse, elle trébuche et tombe dans une clairière.

Non! Non! Cette chute lui fait perdre son avance. Elle regarde en direction de là où elle est venue. Rien. Et pourtant.
Puis elle la voit. Cette silhouette imposante, floue. Mais ce qui la terrifie ce sont les yeux perçant qui la fixe intensément. Des yeux froids inspirant la peur. Des yeux calculateurs, ceux d'un prédateur sur le point de fondre sur sa proie. Elle se retrouve comme paralysée et pourtant elle doit fuir cet étranger, elle le sait mais son corps le lui refuse. Concentres toi se dit-elle. Oublie cette peur, avance, fuit. Ses pensées s'entremêlent avec ses sentiments de crainte, puis elle se rend compte qu'elle est à quatre pattes en train d'avancer vers le fond de la clairière. Centimètres par centimètres sa sortie de secours approche. Cela lui semble long. Elle a cette impression de ramper au ralenti. Enfin elle est toute proche, enfin elle va pouvoir reprendre sa fuite loin de cette présence. La liberté est là à une portée de main. Elle sourit. Puis elle sent sa cheville se faire agripper. Elle sent cet étau puissant, glacé la maintenir. Et d'un seul coup la voilà attirée rapidement en arrière, tirée avec force vers les profondes ténèbres face à elle. Elle hurle de tout son soul.

***

Samantha se réveil en sursaut, de la sueur lui coulant sur le visage et le long du dos. Son souffle est court, saccadé. Terrifiée elle regarde autour d'elle. Les quelques passagers la fixent se demandant surement ce qu'il lui arrive, la prenant pour une folle. Mais elle s'en fout. Son cœur bat encore la chamade durant plusieurs minutes. Un cauchemar de plus. Depuis toute petite elle en fait, depuis cette nuit terrifiante durant laquelle ses parents on trouvé la mort. Pourtant ceux-ci c'étaient espacés et c'étaient même fait rare depuis quelques années. Mais elle sait pourquoi ils reviennent, elle sait que la date approche, cette date qu'elle aimerait oublier, celle où ses parents sont morts, celle dont elle a tout oublié excepté cette frayeur qui est resté ancrée en elle depuis. Respirant profondément elle essaie d'effacer les dernières traces de ce cauchemar. C'est son arrêt. Elle descend de la rame et se dirige vers le prochain métro laissant derrière elle les fantômes de son passé.