GABIN

Allys Seella

Gabin, je le connais depuis tout petit, mais ce qu'il a le don de m'énerver ! Vous allez comprendre, je vais vous raconter.

Gabin c'est comme un frère pour moi. Je le connais depuis toujours. Il va sur ses ving-cinq ans et niveau caractère, il est assez timide mais on passe de très bons moments ensemble. Actuellement, il est étudiant en septième année droit. Non, pour être vraiment précis, c'est sa septième année à la fac mais en fait il est en M2. Comme il a dit à l'une de ses chargée de TD une fois : «chi va piano va sano».

Depuis un certain temps, Gabin se cherche, il sait pas trop où il en est. A chaque fois que je le vois(et je le vois quand même assez souvent), il a une nouvelle lubie. Alors, je vais essayer de vous le faire dans l'ordre, il a pensé à être: avocat(d'où les études de droit), criminologue(pour faire tout pareil comme dans les séries américaines), peintre(c'était sa passion quand il avait 4 ans), potier(je pourrais pas vous dire), pâtissier (pour ressembler à son idole d'il y a 5 jours, le grand Conticini) puis, enfin, au bout du bout, il s'est tourné vers la boulangerie. Du coup, pour bien me convaincre et se convaincre lui même que cette fois-ci c'était du sérieux, il s'est inscrit à un stage de boulangerie de deux jours pour déterminer si cet art pouvait éveiller en lui quelques passions. Il pense être meilleur artisan de France dans deux ans...

Non mais où on va?! Même notre pote Emeric qui a la pâtisserie dans le sang n'imagine pas être artisan de France de toute sa vie! Bref, Gabin ne mettra jamais les pieds à ce stage de boulangerie. Je le sais, il le sait et le centre de formation doit également en être déjà informé vu l'aura de défection qu'il dégage.

Avec Gabin j'en suis arrivée à un tel point que quand il me dit qu'il va faire quelque chose, j'entends qu'il ne la fera pas. Par exemple, la semaine dernière, il s'est retrouvé seul à 8h du mat' au terminal F de l'aéroport d'Orly. Il devait venir me chercher à mon retour de Conakry. Il m'avait pourtant bien confirmé la veille qu'il viendrai me chercher à l'aéroport mais moi instinctivement sans attendre j'ai pris un taxi pour rentrer chez moi. C'est sa faute aussi. J'étais persuadé qu'il ne viendrai pas surtout aussi tôt dans la matinée.

«Dans les poèmes de Michelle, les enfants ont des ailes pour voler...»

Ah ben tiens! Quand on parle du loup! C'est lui qui m'appelle. J'attends juste un peu, j'adoooore cette chanson.

«...qu'ils deueuviennent cooooloombes pour rêver, rêver er er er...»

- Allo? Allo? Gaby?
- Salut! Tu vas bien?
- Très bien et toi?
- Ben moi aussi, écoute. Je t'appelle parce que je suis tout excité. J'étais sur Job illico presto, tu vois, et je suis tombé sur une offre d'emploi d'architecte. Bon, dans l'annonce, il disent qu'ils veulent une personne trilingue qui dispose d'un diplôme d'une école d'ingé et six ans d'expérience sur un poste similaire, mais bon je croise les doigts. Tu sais, en plus, comment j'ai toujours eu envie d'être architecte.

- Non, je ne le savais pas.

- Tu sais, quand j'y pense,  j'ai l'impression d'avoir raté ma vie.

- Quoi?

- Ben ouais, je suis pas heureux, j'ai rien accompli, j'ai rien.

- Mais qu'est-ce tu me raconte, t'as 24 ans Gabin. T'as toute la vie devant toi.

- Je me rappelle les profs en seconde, «faites attention à vos choix d'orientation» qu'ils disaient, «ils seront déterminants pour votre avenir».

- Ouais, ils faisaient carrément chier avec ça!

- Moi, j'allais m'acheter un panini chocolat à 16h et je m'en foutais de ce qu'ils disaient...putin je regrette...je vais me foutre en l'air...

- Tu débloque Gabin.

- J'AI UNE VIE DE MEEEEEEERDE! Tut...tut...tut...

- Allo? Gabin?

Comme je vous le disais, Gabin, je le connais depuis tout petit, mais ce qu'il a le don de m'énerver ! Vous comprenez maintenant ?

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