Ces hommes qui nous mènent en bateau

Christophe Peroua

La rencontre difficile de deux mondes

Comme tous les matins, Nadia regardait l'océan depuis sa fenêtre. Elle avait le vague à l'âme. « Bon sang, c'est con la guerre ». Ce cri du cœur venait troubler le calme de son petit studio sous les toits. Depuis quelques jours, déjà, elle était seule avec son désespoir. Son amoureux s'était enrôlé dans l'armée. Selon ses dires il partait pour défendre nos libertés.

 

Depuis ce crime « aux Dieux » commis sur Charlie, il n'était plus le même. Petit-fils de soixante-huitards, il avait toujours baigné dans une ambiance libertaire. Son père disait on peut rire de tout, cela évite de pleurer. Depuis que l'homme est homme, il veut se donner un genre et on doit s'attendre à tout. Un propos que certains trouvaient de mauvais genre, évidemment.

 

Depuis que Nicolas était en âge de comprendre, il avait pu constater la pertinence des points de vue de son père. Pourtant, il était très différent de celui-ci car la vie aujourd'hui ne conduisait plus au même constat que fut une époque. Il avait donc fait son propre cheminement. Ce ne fut pas évident, d'annoncer à son paternel qu'il voulait s'engager. Dans la famille, tous étaient contestataires et antimilitaristes. Bien sûr, les choses avaient bien changé et le confort des Trente Glorieuses n'était plus qu'un lointain souvenir. Il ne suffisait plus de faire un sitting dans la rue pour se révolter. Le monde ne tournait pas rond et ça faisait un bail que ses locataires n'avaient plus les pieds sur terre.

 

Nadia était arrivée en France à l'âge de trois ans. Les perspectives d'avenir peu florissantes offertes par le Maroc, avaient poussé ses parents à revenir dans ce pays pour qui les grands-parents avaient combattu de 42 à 45. Ces derniers n'étaient jamais repartis au bled. La maman de Nadia s'était investie dans la vie du quartier et animait un atelier de pâtisserie orientale au centre social du coin. Son papa lui avait trouvé un travail pour la ville de Toulon et ses trois frères vivaient de petits jobs pour améliorer l'ordinaire. Quant à elle, elle avait réussi à passer un baccalauréat économique et social. Mais les temps devenaient de plus en plus difficiles et les frangins ne trouvaient plus de boulots à la petite semaine. Alors, le soir les discussions allaient bon train. Le sentiment d'être mis à l'écart par un pays pour qui les anciens avaient livré bataille, fut le prétexte à des chamailleries à n'en plus finir et à des claquements de portes.

 

Nadia, s'enfermait dans sa chambre pour ne rien entendre et rêvait qu'un jour, elle trouverait une place dans cette société que ses frangins commençaient à critiquer violemment. Peu à peu, la vie à la maison devint insupportable. Ses grands- frères commencèrent à lui reprocher sa tenue vestimentaire et sa façon trop occidentale de se comporter. Alors Nadia n'en pouvant plus se réfugia chez une copine en attendant de trouver un travail. Elle fut embauchée dans un magasin de vêtements pour enfants dont l'ironie du sort a voulu qu'il s'appelle Catimini. C'est ainsi qu'elle avait quitté le giron familial.

 

En face du lieu où elle travaillait, il y avait un fleuriste où Nicolas était employé. Il était si mignon et si attentionné quand il tendait les bouquets aux clientes. Ses yeux brillaient tellement, que l'on aurait pu croire que c'était lui qui les offrait à ces dames. Nadia fut séduite très vite par ce garçon dont la sensibilité n'avait rien à voir avec certains hommes qu'elle avait côtoyés. C'est ainsi que leur idylle commença. Alors imaginez-vous ce qu'elle ressentit quand du jour au lendemain son petit fleuriste décida de s'en aller la fleur au fusil vers d'autres contrées où la liberté n'est même pas inscrite dans le dictionnaire.

 

Mon Dieu, lança t-elle « Quel est ce monde où d'un côté, ceux qui se disent être des hommes et qui au nom d'un « édulcoran » ne respectent pas les femmes et de l'autre où les hommes avec des états « dame » décident un jour de jouer aux petits soldats.

 

Ce matin là, depuis sa fenêtre, Nadia pleurait toute sa misère comme on dit dans le quartier où elle avait grandi. En voyant au loin sur la mer un énorme cargo, elle ne put s'empêcher de crier de toutes ses forces : Mon Dieu, combien de temps encore, les hommes vont-ils nous mener en bateau ?

  • une jolie petite histoire.... va savoir pourquoi ça m'a fait penser à ça !... ♪♫ Il est d'autres soldats en ville Et la nuit montent les civils Remets du rimmel à tes cils Lola qui t'en iras bientôt Encore un verre de liqueur Ce fut en avril à cinq heures Au petit jour que dans ton cœur Un dragon plongea son couteau Est-ce ainsi que les hommes vivent Et leurs baisers au loin les suivent. ♫♪♫ tu as reconnu bien sûr ??

    · Il y a plus de 8 ans ·
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    Maud Garnier

    • Pas vraiment, tu sais je suis un "brouillon" de culture. Bises.

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Photo d'identit%c3%a9

      Christophe Peroua

    • C'est un extrait d'une chanson de Lavilliers... ;-)

      · Il y a plus de 8 ans ·
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      Maud Garnier

    • ?

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Photo d'identit%c3%a9

      Christophe Peroua

    • Mon commentaire plus haut ! c'est un extrait d'une chanson de Bernard Lavilliers.... voilà ton texte m'y a fait penser, c'est tout !.... ;-)

      · Il y a plus de 8 ans ·
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      Maud Garnier

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