C’est quand même une blague ?

Philippe Sebbagh

Rien n’est dû, rien n’est acquis ?

« Si. Je doute tout le temps. Mais, je ne doute pas sur tout. 
— Pourquoi ? 
— Je ne peux pas. 
— Douter sur tout ? 
— Oui. Douter sur tout tout le temps. 
— Et tu peux changer d'avis sur les sujets qui ne sont pas objets de doutes ? il demande. 
— Oui. 
— J'ai posé la question en étant sûr que tu allais dire : non. 
— Je sais. 
— Tes certitudes : c'est quoi ? il demande. 
— Des choses que je ne remets plus en question de moi-même. Il faut que ça vienne de l'extérieur. Une personne avec un élément nouveau qui peut tout changer. Ou un regard. Autre. 
— Juste un regard ? 
— Juste. 
— Et c'est quoi ? Ta plus grande certitude ? 
— Rien n'est acquis. 

— Parce que… ça… c'est une certitude ?? 
— Rien n'est dû, rien n'est acquis, jamais. 
— Et ? 
— Ça t'évite de te poser beaucoup de fausses questions. Sur le comportement des gens. 
— Les… Les proches ? aussi ? 
— Les gens dont tu pourrais espérer, attendre quelque chose. 
Les proches. Surtout. 
— Et ? 
— Ça te permet d'arriver plus vite aux bonnes questions. 
— Les bonnes questions ? 
— Tes bonnes questions. 

— Pourquoi suis-je si nerveux ? dit-il.

— Pourquoi suis-je si nerveuse ? dit-elle.

— Oui. C'est une excellente bonne question.

— Au centre de tout ?
— Au centre.

— Rien n'est dû, rien n'est acquis ? 
— À part la fin. 
Même si nous faisons comme si c'était le seul secret que l'on peut avouer à tout le monde sauf à soi. 
— Sauf à ? 
— Canapé. Divan. Salon ? Je plaisante. Sauf à soi-même. 
— Rien n'est jamais acquis. Sauf… ça ? C'est une blague ?? 
— Non, je lui dis. 
Même si c'est drôle.
— C'est…
— C'est la vie. 

— C'est quand même une blague ? 
— Bien sûr. »

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