C’était hier où il fut poète -2-

ecriteuse

A mon père, un récit ponctué par ses textes.

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La mort fait revivre à deux cents pour cent celui qui est parti, il prend ce visage celui d'une  image arrêtée dans le temps, celle que l'on préfère. Les jolis souvenirs aussi, on prend, on prend tout, tout ce qui étouffe notre peine. Mon père est parti,  je redeviens petite fille, je lui prends la main, nous sommes dans Paris et j'emmerde le notaire et les zhéritiers et leur langage de Défunt. Nous, le père et la fille parlons l'Aragon, l' Apollinaire, le Villon, le Verlaine , la joie vient après la peine et nous passons sous le pont Mirabeau.

Cette marche, s'était mon cadeau, je voulais mon père « rien qu'à moi », pour une journée de promenade.

Du haut de mes 9 ans, j'avais peut-être deviné que cette journée serait unique et  marquerait à jamais mon esprit et celui de mon père également, ça je l'apprendrais plus tard. Les derniers jours au téléphone, nous avions mis en route une machine à remonter le temps, sous morphine il avait de grandes envolées lyrique  et beaucoup d'humour, beaucoup d'amour, il devait retrouver d'anciennes sensations, il fût une époque où il aimait bien l'herbe qui fait rigoler. Le père et sa fille remontaient le temps à coup de  « Tu te souviens » la conversation était souvent interrompue par des sons aigus de Madame ou bien par mes larmes que je n'arrivais pas à retenir. A demain, Ppa fait de beaux rêves, je t'aime. Qu'elles peuvent être les rêves d'un homme qui se meurt ? Des rêves de paradis ? On le saura tous un jour.

L'amour derrière la mort à ça de commun avec la construction d'une oeuvre, il faut savoir se débarrasser de tout  pour retrouver l'essentiel.

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La pente de Roger Frey
"Une fois encore il remontait la pente. Ses jambes étaient lourdes plus lourdes qu'elles ne l'étaient par le passé, moins lourdes sans doute qu'elle ne le seraient à l'avenir. Heureusement une pensée le traversa soudain avec l'aide du vent qui se levait, une pensée qui lui rendit sa légèreté d'âme. Le jour viendrait, inéluctable, où plus léger que l'air il s'envolerait enveloppé dans un ballet de feuilles mortes. Ses bras en croix il caresserait le feuillage de la cime des arbres sous l'oeil étonné des oiseaux dérangés dans leur joyeux bavardage. Quelques secondes encore le temps de survoler les tuiles roses de l'ousta vieil, la maison familiale, le jardin à l'abandon de ses amours adolescentes et le corps tendu comme une flèche, il irait, droit devant, vers le manteau de nuages qui s'ouvrirait sur son passage avant de doucement se refermer."
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